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ACHILLIA

Ayant envie d'être seule, je laissai un message à Priam pour lui dire que je rentrerai plus tard que prévu. D'instinct, je me rendis au parc inanimé près de l'hôpital, où j'étais certaine de ne pas être dérangée. Doucement, je m'assis sur la balançoire. En entendant un grincement suspect, j'eus peur qu'elle ne cède sous mon poids alors je me suis rabattue sur le banc en bois juste en face.

Physiquement, j'étais parfaitement bien mais mentalement je me sentais vidée. Une larme roula sur ma joue. Puis, une autre. Une autre encore. Un véritable torrent de larmes se déversa sur mes joues en silence.

Craquer de cette façon ne me ressemblait pas du tout. Pour moi, il s'agissait du contrecoup de ce que nous avions vécu Noam et moi ces derniers jours. Ou peut-être était-ce un effet secondaire dû à notre bond dans le passé... Les insultes de Louis et sa bande de babouins ne pouvaient pas m'atteindre, j'avais élevé un rempart entre eux et moi.

Quoi qu'il en soit, j'ai attendu encore quelques minutes après avoir cessé de pleurer juste pour me confirmer que j'étais à nouveau maîtresse de mes nerfs. Comme c'était le cas, j'ai repris le chemin de la maison.

En entrant dans la cuisine, je vis Priam concentré sur ses devoirs tout en mangeant une barre de céréales. Contournant la table, j'allai regarder dans l'évier. Plus rien, toute la vaisselle était propre. Le sol avait aussi été nettoyé et les placards rangés. Je sifflai.

- Eh bien. Félicitations Priam, tu feras une bonne épouse !

- Bonsoir, Ach, répondit-il, blasé.

Je mis de l'eau à chauffer sur la gazinière et m'assis près de lui. Une enveloppe était à semi-cachée sous son cahier.

- Qu'est-ce que c'est ?

- A toi de me le dire, je l'ai trouvé sur le rebord de ta fenêtre.

Je la fis glisser sous mes doigts. Je reconnus la belle écriture de Kensei en haut à gauche.

- Tu l'as lue ?

- Bien sûr que non ! s'offensa-t-il.

Je m'excusai aussitôt. Je savais bien qu'il n'était pas du genre à fureter.

- J'ai un admirateur secret, affirmai-je en la rangeant dans la poche intérieure de ma veste. Qui l'eut cru ?

Il acquiesça, distrait, et se remit à ses exercices. J'admirais son sérieux. Je me levai pour éteindre la gazinière et verser l'eau chaude dans mon verre. J'y ajoutai ensuite un carreau de sucre et un sachet de thé au citron.

- Priam, tu veux boire quelque chose ?

- Non, merci.

Je repris place près de lui. Il avait tant changé depuis son arrivée à la maison. D'adolescent agressif et turbulent et il était quasiment devenu un élève-modèle.

Ses premiers jours à la maison avaient été difficiles. Du haut de ses dix ans, il ne semblait connaître que la violence. Si une personne avait le malheur de lui adresser la parole, il se défoulait sur elle à coup de poings. Heureusement pour moi, j'étais naturellement douée pour esquiver et ma mère qui pratiquait les arts martiaux depuis de nombreuses années réussissait facilement à le maîtriser.

Une nuit, j'avais été réveillé par des bruits, des sanglots étouffés. L'intimité n'avait pas sa place dans une maison comme la mienne avec des murs en papier à cigarettes. Après avoir frappé discrètement à la porte, j'étais entrée dans la chambre de mon tout nouveau frère sans attendre de réponse.

Priam, recroquevillé dans un coin, tout tremblant, enserrait sa tête de ses mains comme dans un étau. Sans un mot, je m'étais approchée pour le serrer contre moi jusqu'à ce que ses sanglots cessent.

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant