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ACHILLIA

En moins d'une semaine, Augustin avait complètement bouleversé ma vie. Et, pas dans le bon sens.

Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit tourmentée par des pensées contradictoires. Il était un peu plus de cinq heures et je fixai le plafond allongée sur le canapé du salon, dans l'obscurité et le silence le plus total. Je réfléchissais beaucoup mieux dans ces conditions. Je me serais presque senti apaisée si je n'avais pas eu tant de soucis. J'étais une vraie fille de la nuit.

J'avais vécu des moments si merveilleux avec Augustin qu'il m'était impossible de le détester vraiment. Il était mon premier amour et il pouvait bien me menacer, me frapper, m'utiliser, me faire du chantage... Une part de moi, la plus masochiste, continuait à l'aimer. Pendant quelques mois, j'avais eu droit à la vie d'adolescente normale dont je rêvais. J'avais laissé passer mes désirs avant mon petit frère et je devais en payer le prix maintenant que la roue avait tournée. Quelques mois de bonheur pour des années de souffrance. Priam allait être éclaboussé par mes erreurs et jamais je ne me le pardonnerai.

J'enfouis mon visage dans mes mains. Je ne voulais plus revoir le lycée. Je ne voulais plus revoir Augustin. Je voulais fuir aussi loin que possible avec Priam.

- Tu ne dors pas ?

Mon cœur fit un soubresaut et je me redressai brusquement. Mon petit frère se frottait les yeux, debout derrière le canapé.

- Bonjour, Priam.

Je levai les bras pour m'étirer, retenant une grimace. Les hématomes sur mes bras n'avaient pas tout à fait disparus. Pas encore, mais ils finiraient par disparaître. Il en était ainsi de la douleur physique. En revanche, les stigmates psychologiques étaient éternels.

Mon frère alluma deux bougies parfumées à la vanille qu'il déposa dans des bougeoirs sur la table basse, diffusant une lumière tamisée. Il détestait la lumière trop vive du plafonnier qui lui blessait les yeux. Il haussa les sourcils en levant les yeux sur moi.

- Tu pleures ?

Je détournai la tête, certaine d'avoir les yeux rougis.

- Non, ça va. Je suis juste un peu fatiguée.

Un peu ? C'est un euphémisme !

- Tout va bien, ajoutai-je avec un sourire convaincant.

Menteuse ! cracha la petite voix dans ma tête.

Priam aurait été furieux d'apprendre que, par ma faute, sa vie était sur le point de s'écrouler. Il avait mis tant de temps à se construire !

Il me dévisagea, sceptique, avant d'allumer le téléviseur et la console.

- Une course, ça te dit ? proposa-t-il en agitant le boitier de Need for Speed sous mon nez.

Je hochai la tête, contente de pouvoir me changer les idées. J'étais une tueuse aux jeux de courses !

Deux heures plus tard, après neuf victoires et trois défaites, j'éteignis la console. Nous devions tous les deux nous préparer pour les cours. Motivation, motivation...

La luminosité de l'écran m'avait littéralement explosée la rétine mais le plaisir de passer un peu de temps avec mon frère en valait la peine.

En arrivant devant le lycée, je constatai que tous les regards convergeaient dans ma direction. Des élèves que je ne connaissais pas chuchotaient sur mon compte. J'avançai, la boule au ventre en espérant de toutes mes forces ne pas flancher. Je devais procéder étape par étape. D'abord, traverser la cour. Ensuite, affronter ma classe. Enfin, survivre à cette journée. Un jeu d'enfant.

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant