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ACHILLIA

Un peu de maquillage, une tenue adéquate et le tour était joué. Je paraissais avoir au moins dix ans de plus. J'avais hâte de montrer le résultat à Noam. J'adorais me déguiser.

Une chance pour nous, les cours de ce mardi après-midi avaient été annulés ce qui nous avait permis de nous réunir chez lui pour discuter d'un plan. Enfin..., surtout moi. Mon ami n'avait pas l'air très confiant.

Refusant de l'admettre en mon for intérieur, cette enquête me permettait de mettre de côté mon inquiétude. Je n'avais pas eu de nouvelles de Kensei depuis son invitation à dîner. Avait-il eu un problème ? Où était-il en ce moment ? Que faisait-il qui l'empêchait de m'écrire ?

Je jetai un dernier coup d'œil à mon reflet dans l'immense miroir ovale de la salle de bain. Le chapeau cloche noir cachait la moitié de ma figure et faisait ressortir mon rouge à lèvres carmin. Le tailleur pantalon chic que je portais m'allait impeccablement bien, ainsi que les escarpins à talons hauts. Pas très pratique pour courir, mais bon...

Je soupirai. Ce tailleur avait appartenu à ma mère. Quelle serait sa réaction si elle me voyait le porter dans l'unique but d'aller... voler des dossiers dans un bureau ?

Je secouai la tête.

D'accord. A première vue, ce que je m'apprêtai à faire semblait hautement répréhensible mais je le faisais pour une bonne cause. Retrouver celui qui avait tiré sur le père de Noam.

Je sortis de la salle de bains. Le couloir aux murs gris perle était très large et juste en face, il y avait la chambre d'Adrien. Son prénom était écrit sur la porte au marqueur noir. Tout à fait son genre, souris-je.

Un poster du groupe Hoobastank était scotché sur la porte suivante. La chambre de Noam. Le chanteur Douglas Robb semblait me sourire avec malice.

La main sur la poignée de la porte, j'hésitai.

Mon ami m'en voudrait-il d'avoir jeté un coup d'œil dans sa chambre, juste par curiosité ?

Avant que je puisse prendre une décision, Noam apparut au bas de l'escalier en bois vernis, une poêle à la main. Son omelette était carbonisée.

Il me dévisagea pendant de longues secondes et je pinçai les lèvres.

- Alors ? grimaçai-je en descendant les marches.

- Tu ressembles à un agent secret, sourit-il.

Je lui fis un clin d'œil.

- C'est le but. Ton omelette fait la tête.

Il rougit. Je resserrai la montre autour de mon poignet et Noam m'accompagna à la cuisine. Spacieuse comme le reste de la maison, elle était parfaitement équipée et respirait la fraîcheur. C'était très agréable.

Mon ami alluma la radio au-dessus du réfrigérateur. The Twist des Chubby Checker venait juste de commencer. Cette chanson avait le don de me mettre de bonne humeur.

Pendant que Noam préparait des lasagnes au four micro-ondes, j'installai les couverts sur la table dans le salon. Il était si vaste qu'un avion aurait pu y atterrir en toute tranquillité. Les mêmes murs gris perle qu'au premier étage, des photos de famille un peu partout, une bibliothèque et une vidéothèque immenses, quelques plantes vertes par-ci par-là. Un téléviseur gigantesque était accroché au mur du fond et tout autour il y avait un sofa et plusieurs fauteuils avec une table basse en verre. La maison idéale.

- Tu as une maison vraiment magnifique, dis-je en mettant la vaisselle sale dans le lave-vaisselle.

Noam, qui passait un coup de chiffon sur les placards et le plan de travail, haussa les épaules.

- Parfois, elle me fait honte.

- Pourquoi ? m'étonnai-je.

- Je ne suis pas aveugle, je vois bien comment vivent les gens du quartier Sud. Mon père travaille peut-être pour la défense des droits de l'homme mais il adore se pavaner avec des montres qui coûtent plus chers qu'une voiture de luxe.

J'acquiesçai et changeai rapidement de sujet. Noam n'avait pas l'air en très bons termes avec son père et je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie.

- J'ai vu le poster Hoobastank sur la porte de ta chambre en passant, tout à l'heure. Doug Robb est un chanteur du tonnerre !

- Je trouve aussi, répondit-il avec empressement.

Il avait perdu ses couleurs.

- Ça va, Noam ? Tu es tout pâle !

Il prit une bouteille de Yop dans le réfrigérateur et m'en lança une.

- Ce n'est rien. Seulement, entrer par effraction dans le bureau de mon père pour voler des dossiers... ce n'est pas une bonne idée. Nous devrions laisser la police faire son travail.

- Je doute que les policiers soient aussi efficaces que ton don de voyager dans le temps et l'espace. Je vais distraire les policiers pendant que tu prendras les dossiers dans le bureau. C'est un plan d'enfer et ça ne prendra pas plus de quelques minutes !

Je lui souris, espiègle, avant d'ajouter :

- Alors, Noam. Prêt ?

Il marmonna quelque chose que je ne compris pas et il prit ses clés.

Je regardai une dernière fois la façade de la maison avant que nous partions. La maison gris perle. La maison de mes rêves. 

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant