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NOAM

- Qu'est-ce qui ne va pas, Ad ?

Regardant par la fenêtre, il ne prêtait aucune attention à moi.

Après qu'il eût fini de remettre la cuisine en ordre, je l'avais pris à part dans sa chambre.

- Je ne suis pas d'humeur, Ad. Réponds-moi.

- Tu ne me croiras pas, alors, à quoi bon ? répliqua-t-il.

Je me téléportai près de lui.

- Ce don n'est pas croyable et pourtant, je le possède.

- Et si pour moi, il ne s'agissait pas d'un don mais d'une malédiction ?

J'écarquillai les yeux.

- Jasmine t'a offert une capacité ? Quel don tu as ?

Mon frère se tourna de nouveau vers la fenêtre.

- Je le vois, murmura-t-il si bas que je crus avoir rêvé.

- Qui ?

- Priam.

Choqué, je le pris par les épaules. Il ne plaisantait pas.

- Tu vois les fantômes ? m'écriai-je.

- Seulement Priam en ce moment.

- Il est dans la pièce, là tout de suite ?

- Non.

- Il faut le dire à Achillia !

Il m'attrapa par le col avant que je ne puisse franchir la porte.

- C'est hors de question ! aboya-t-il.

- Elle a le droit de savoir !

La porte glissa doucement vers l'intérieur.

- Savoir quoi ? demanda mon amie.

Elle sortait tout juste de la salle de bain, en pyjama, et avait une serviette bleue enroulée autour de la tête. Elle sentait délicieusement bon.

- Tout va bien ? interrogea-t-elle en fronçant les sourcils.

Adrien me relâcha.

- Ouais, tout va bien.

En bas, le téléviseur se mit à brailler et nos regards surpris ont convergé vers l'escalier.

- Achillia, tu avais laissé la télé allumée pendant que tu étais dans la salle de bains ?

- Non.

Elle redescendit au salon, perplexe, et nous l'avons suivi de loin.

- C'est Priam ? murmurai-je.

Il hocha lentement la tête.

- Il veut que je dise à Achillia qu'il est encore là. Qu'il la protège. Tant qu'elle n'est pas heureuse, il ne peut pas... quitter la Terre.

- Pourquoi tu ne fais pas ce qu'il dit ?

- Elle a eu tant de mal à accepter sa mort, je ne peux pas lui faire ça. Rien ne dit qu'elle me croira. Ni qu'elle pourra encaisser la nouvelle.

-Vu ton comportement, elle doit déjà se poser des questions.

- Votre histoire ne me concernait pas, je n'avais même jamais vu Priam. Je me retrouve mêlé à toute cette folie contre mon gré ! grogna-t-il tout bas.

Cette nuit, comme toutes les autres depuis un certain temps, je n'ai pas réussi à trouver le sommeil. Adrien, lui, dormait comme un Loir. Il n'avait pas marmonné une seule fois.

Me retournant pour la énième fois dans ma couchette, j'entendis des sanglots étouffés. Levant la tête, j'ouvris un œil paresseux. Je me glissai ensuite hors de ma couchette avec des gestes lents et mécaniques et sortis de la chambre pour coller mon oreille contre la porte voisine. Je n'avais pas rêvé.

Contrairement aux autres nuits, je n'ai pas hésité. Je suis entré.

Assise par terre, les bras encerclant ses jambes, elle contemplait la lune. Ses épaules tressautaient à chacun de ses sanglots. En dépit de sa tristesse, je la trouvais belle. Indescriptiblement.

Sans dire un mot, je me suis assis près d'elle et j'ai observé l'astre. Je voulais qu'elle sache que j'étais là, quand bien même je ne connaissais aucune parole capable de soulager sa peine.

Lorsqu'elle posa sa main sur mon genou quelques secondes plus tard, je risquai un regard en coin. Elle souriait tristement, le regard dans le vague.

Je ne pouvais imaginer la souffrance qu'elle devait ressentir. Comment réagirais-je si je venais à perdre un membre de ma famille ? Je perdrais la raison, si ce n'est mon humanité, aucun doute là-dessus. Je voudrais tout détruire jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, je voudrais que le monde entier souffre avec moi.

- Pri... Priam me manque tellement.

Posant brutalement mes lèvres sur les siennes, je voulus faire taire sa souffrance.

En la sentant se raidir, je m'attendis à ce qu'elle me repousse.

Elle se jeta sur moi.

Tandis qu'elle me mordillait la lèvre inférieure, je me sentais le plus heureux des hommes. Ses doigts froids qui s'accrochaient aux cheveux de ma nuque me faisait délicieusement frissonner.

Lorsqu'elle se détacha de moi, à bout de souffle, la surprise se lisait sur son visage. Elle semblait se dire : « Bon sang, est-ce que j'ai vraiment fait ce que je viens de faire ?! ».

Mon sourire béat dû la convaincre que oui car elle éclata d'un rire nerveux.

- Excuse-moi, je... je..., balbutia-t-elle.

Je secouai la tête.

Cette toute petite minute où nos lèvres s'étaient retrouvées soudées avait été la plus belle de mon existence. Incomparable et intense. Merveilleux. Trop court, cependant. Je souris avec malice.

- C'était...

Lui prenant le menton entre le pouce et l'index, je recommençai à l'embrasser.

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant