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NOAM

Je soupirai.

Achillia posa sa main sur la mienne et me fit un clin d'œil. Nous étions assis dans le restaurant Oki' près de la baie vitrée qui donnait sur le bureau de mon père. Après un repas copieux, nous avions laissé un généreux pourboire sur le comptoir, avant de quitter le restaurant.

Tandis que je me mêlai aux passants, je vis mon amie s'approcher d'un policier quadragénaire et bedonnant adossé à la portière de sa voiture. Il terminait sa canette de Coca. Achillia lui adressa un sourire poli.

- Bonjour, monsieur l'agent, dit-elle d'une voix enjôleuse. Auriez-vous la gentillesse de me donner l'heure, s'il vous plaît ?

-14h58.

- Je vous remercie.

Je me rapprochai d'eux, faisant mine de m'intéresser à la vitrine de la bijouterie.

- Il y a une montre à votre poignet, remarqua le policier avec un regard noir.

Achillia leva son bras pour la regarder. Elle ne devait pas y voir grand-chose avec son chapeau cloche.

- Oh, vous savez, elle est très ancienne et s'est arrêtée. Elle appartenait à mon grand-père et je la porte surtout par sentimentalisme.

L'agent hocha la tête mais son expression indiquait clairement qu'il se fichait pas mal de cette histoire de montre.

- Peut-être pourriez-vous me recommander un horloger ? continua Achillia, toujours aimable et souriante.

J'étais admiratif de son jeu d'actrice. Elle paraissait être une tout autre personne.

- Je ne suis pas du coin, désolé.

Loin d'être désolé, il avait surtout l'air de vouloir se débarrasser d'elle.

Un autre policier, nettement plus jeune, arriva ce moment-là. Il avait un sourire digne des publicités Colgate.

J'avançai de quelques pas jusqu'à la vitrine suivante où des lunettes étaient exposées. Un opticien.

- Puis-je vous aider, madame ?

- Peut-être bien. Je recherche une horlogerie, je dois faire réparer cette montre, répondit-elle en montrant son bras.

Le policier à la canette vide soupira et remonta en voiture côté conducteur. Je me serais presque attendu à voir une boîte de Donut's sur le siège passager.

- Il y a une horlogerie deux rues plus loin. Vous prenez à gauche après le Oki' et après à droite. Je vous accompagne ?

- C'est très gentil à vous mais ce ne sera pas nécessaire. Comment puis-je vous remercier ?

Sans attendre la réponse du jeune agent de police, Achillia sortit une petite boîte de macarons multicolores de son sac à main. Rien que de les voir, j'en salivai.

- Tenez.

Avant qu'il n'ait le temps de prendre la boîte, elle la fit tomber sur le trottoir.

Le policier bedonnant descendit de voiture en faisant claquer la portière. Achillia se jeta quasiment sur lui, l'air épouvanté.

Je choisis ce moment pour m'éclipser.

Dire que j'étais complice de cette pagaille...

Le bureau de mon père était un vrai capharnaüm, à croire qu'il avait été cambriolé. Bureau et sièges renversés, armoires contenant les archives vidées, feuilles volantes éparpillées un peu partout dans la pièce, un vrai désordre. Seule la carte du monde sur le mur du fond était intacte.

J'enfilai des gants et commençai à chercher des indices en priant pour qu'Achillia réussisse à distraire les policiers encore quelques minutes.

Très vite, je me rendis compte que je perdais mon temps. Il était évident que mon père ne laisserait pas à vue un dossier qu'il était en train de traiter avec la date inscrite dessus au marqueur.

Je m'assis en tailleur sur le linoléum, découragé. Achillia allait être déçue que je revienne les mains vides après ce qu'elle avait risqué avec les policiers. Je soupirai en baissant la tête quand quelque chose attira mon regard.

De l'index, j'écartai les feuilles blanches devant moi et fronçai les sourcils. J'avais failli ne pas le voir.

Un calepin.

Etait-il possible que... ?

Je le pris.

- Jackpot !

C'était l'agenda de mon père.

Je tournais les pages jusqu'au samedi 4 février. Il avait eu trois rendez-vous ce jour-là.

· Suzanne Frost 10h30

· Antoine Laclos 13h30

· Philip Chevalier 15h30

Aucun de ces noms ne m'était familier mais au moins j'avais une piste.

Je rangeai le précieux calepin dans la poche intérieure de ma veste et me téléportai sans plus attendre.

Achillia sursauta lorsque j'apparus auprès d'elle au milieu de la foule de passants de la rue piétonne. Le poing sur le cœur, elle grogna.

- Bon sang, Noam ! Ne me refais jamais ça !

Je lui adressai un large sourire.

- J'ai trouvé quelque chose de très intéressant.

Rien que nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant