Chapitre 4 - Deuxième partie

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Essoufflée par son ascension, elle atteignit finalement les branches les plus basses de l'Arbre et s'arrêta devant une petite maison, perchée tout au bout d'un palier étroit, coincée entre une boutique de cordonnier et l'épais feuillage verdoyant du Chêne qui semblait presque sur le point de l'engloutir. Elle frappa à la porte à petits coups précipités, tentant de refouler l'émotion poignante qui lui serrait soudain la gorge, et tendit l'oreille en espérant entendre résonner une voix familière. Mais la porte s'ouvrit brusquement sur une femme au regard dur que Léonor n'avait jamais vu de sa vie. D'âge mûr, elle portait une simple robe de cuisinière, ses cheveux étaient retenus par un mouchoir assorti et elle essuyait ses mains épaisses sur un torchon crasseux. Interdite, Léonor resta bouche bée devant cette apparition et ne prononça pas un mot jusqu'à ce que la femme s'impatiente :

– C'est à quel sujet, fillette ? Je n'ai pas toute la journée.

– Euh... Je suis Léonor. La petite-fille de Saween. Je viens simplement lui rendre visite.

– Visite ? répéta la femme en fronçant un peu plus les sourcils. Je n'ai pas été mise au courant. Vous devriez vous annoncer fillette, avant de vous inviter chez les gens, même s'il s'agit de votre grand-mère.

– Pardon, mais qui êtes-vous ? Que faites-vous chez ma grand-mère ?

– Madame Saween est tombée malade il y a quelques mois, et après sa guérison le médecin l'a convaincue de faire appel à une aide-ménagère pour s'occuper d'elle. Votre grand-mère ne peut plus vivre de manière autonome, fillette... Normalement ce serait le rôle de sa famille de s'occuper d'elle pendant ses vieux jours, mais manifestement...

– Je ne suis pas une fillette, la coupa sèchement Léonor. Arrêtez de m'appeler comme ça.

Et sans lui laisser le temps de réagir, la jeune fille l'écarta d'un coup d'épaule et pénétra dans la maison. C'était une petite bicoque sans prétention, seulement composée d'une pièce de vie chargée de vieux meubles en bois et d'une chambre exigüe que Léonor avait partagée avec sa grand-mère toute son enfance. La pièce principale était plongée dans la pénombre. Léonor pensa tout d'abord que l'épais feuillage de l'Arbre s'était encore densifié au cours des derniers mois et empêchait tout à fait le soleil d'entrer dans la pièce, mais elle s'aperçut ensuite que des rideaux épais avaient été installés sur les deux petites fenêtres de la pièce. Tout en lâchant un soupir agacé, elle se hâta d'aller tirer les rideaux et d'ouvrir les fenêtres, laissant entrer un agréable courant d'air tiède et quelques rayons de soleil timides dans la petite maison, sans écouter les protestations outrées de l'aide-ménagère qui vociférait dans son dos quelque chose d'insensé au sujet des bienfaits sur la santé du calme et de l'obscurité.

Puis elle s'approcha du vieux fauteuil à bascule dans lequel sa grand-mère était installée. Ses longs cheveux blancs étaient partagés en deux fines tresses qui avaient été remontées en couronne sur sa tête, retenues par un long ruban vert, selon la coiffure typique des vieilles femmes des Sept-Forêts. Léonor ne put s'empêcher de sourire devant cette trace de coquetterie. La vieille femme ne semblait pas l'avoir entendue entrer et avait les yeux baissés vers les pages racornies d'un livre qui paraissait avoir été feuilleté des centaines de fois. Léonor le reconnut au premier coup d'œil ; c'était un recueil de comptines qu'elles chantaient autrefois ensemble et dont elle connaissait chaque phrase, chaque air, chaque rime par cœur.

– Grand-mère ? appela-t-elle en s'agenouillant près du fauteuil. Grand-mère, c'est moi.

Saween leva doucement la tête, et pendant quelques secondes ses yeux perdus cherchèrent vainement l'origine de la voix qui l'avait tirée de sa lecture. Enfin, son regard s'accrocha à celui de sa petite-fille, et son visage s'illumina d'un grand sourire.

Valacturie - T1 Le Tombeau des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant