Valacturie - T1 Le Tombeau des Rois

Chapitre 9 - Première Partie

Alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la salle du conseil, Briam s'arrêta un instant et inspira profondément. Il était déjà las, pourtant la matinée était à peine entamée, et la réunion n'avait pas encore débuté. La veille n'avait été qu'une succession d'ordres vociférés à la va-vite afin de rétablir le calme dans la cité, de questions que tous lui posaient inlassablement alors qu'il ne possédait aucune réponse, de sollicitations des nobles, des clercs, du peuple, alors qu'il n'avait même pas eu le temps de mettre de l'ordre dans ses propres pensées. Il avait fini par convoquer une assemblée extraordinaire afin de s'entretenir avec ses plus proches conseillers et de clarifier autant que possible cette invraisemblable situation.

Il le savait, de l'autre côté de la porte l'attendaient des conversations sans fin, des frictions et des désaccords. Il devrait se montrer ferme, et abuserait de son autorité sans sourciller au besoin. Ce rôle de médiateur ne faisait pas partie de ces points forts, et il en pestait d'avance.

- Ah, Monsieur le Duc ! Vous arrivez juste ? J'avais peur d'être en retard.

Il se retourna au son de cette voix familière et accueillit l'homme qui s'approchait de lui avec un sourire sincère. Celui-ci était vêtu d'un pourpoint gris perle, élégamment assorti aux tons poivre et sel de sa chevelure tirée en arrière, et d'une cape d'été légère et courte, brodée de fils d'argent, qui habillait son épaule droite. Sa tenue impeccable et raffinée témoignait de son statut, mais c'étaient toujours la vieille épée robuste à sa ceinture et les cicatrices sur sa joue que remarquait Briam. Des héritages de son passé de guerrier.

- Ricaël, mon ami ! s'exclama-t-il. Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous.

- Rien de plus naturel, mon cher Duc. Nous vivons des moments terribles, et si je peux apporter mon aide de quelque façon que ce soit, je le ferais volontiers.

Ils se serrèrent les poignets pour se saluer et se témoigner leur respect, comme une vieille habitude héritée de leur jeunesse martiale. Ricaël de Narambie et lui-même avaient autrefois partagé les rangs de l'armée, et Briam avait toujours nourri une grande admiration envers les prouesses au combat de son ami. Issu de l'une des plus illustres familles des Montsombres, il avait fait honneur aux siens grâce à ses faits d'armes exceptionnels qui l'avaient distingué auprès du Roi lui-même. Pendant de longues années, il avait vécu à la Cour, délaissant les montagnes pour la Capitale et l'air marin de la Baie de Sève. Il avait alors fait partie des favoris du Roi et avait siégé au Conseil Restreint, hissant un peu plus haut encore la réputation déjà glorieuse de sa famille.

Mais lorsque son fils aîné, resté à Horenfort avec sa mère et ses frères, avait été frappé par une maladie incurable et inconnue des médecins, il était rentré chez lui, juste à temps pour dire adieu à son fils, et n'était plus jamais reparti. Depuis, Briam sollicitait ses conseils lorsqu'une situation exceptionnelle survenait, heureux de retrouver l'aplomb et la témérité de l'ancien soldat.

Aujourd'hui plus que jamais, le Duc comptait sur son soutien.

Ils pénétrèrent dans la salle du conseil ensemble. C'était une pièce austère aux murs pierreux au centre de laquelle était installée une longue table en bois sombre. Trois fenêtres étroites creusées dans le mur Est éclaircissaient timidement l'ensemble de la salle et, malgré la chaleur de l'été, un feu de cheminée venait apporter un peu plus de lumière. Autour de la table étaient alignées une douzaine de larges chaises sculptées, imposantes mais terriblement inconfortables, destinées à accueillir les différents membres du conseil. La plupart d'entre eux étaient déjà installés et se levèrent à l'entrée du Duc.

Johol et Lyrie, dont l'expression était aussi indéchiffrable qu'à leur habitude, le saluèrent d'un hochement de tête. Ismar et Hildas les imitèrent et s'excusèrent de l'absence des trois autres Sages ; les fidèles apeurés et en quête de réponses les sollicitaient plus qu'à l'accoutumée.