Chapitre 12 - Première Partie

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Les écuries étaient paisibles en cette heure matinale. Les palefreniers œuvraient en silence entre les stalles, remplissant les mangeoires des chevaux qui s'éveillaient, changeant les litières, adressant au passage une ou deux caresses affectueuses à leurs protégés.

Briam s'imprégna de cette atmosphère silencieuse en traversant l'écurie. Une longue journée l'attendait, qu'il devinait intense et angoissante, aussi profita-t-il autant que possible de cet instant de sérénité. Il aimait venir lui-même chercher sa monture avant de partir en mission. C'était toujours un instant propice au calme et à la concentration, où il retrouvait ces odeurs familières de cuir, de paille et d'animal qui lui rappelaient ses jeunes années dans la cavalerie royale.

Cendre, son étalon, l'accueillit avec un hennissement bref, impatient de se mettre en route. Il était déjà entièrement harnaché, sa robe noire lustrée et son épaisse crinière parfaitement démêlée. Comme toujours, il avait fière allure, et son maître lui flatta l'encolure.

- Une mission importante nous attend aujourd'hui, lui murmura-t-il. Je compte sur toi.

Alors qu'il s'emparait des rênes, un coup d'œil vers la stalle voisine lui indiqua que sa fille était déjà venue chercher son cheval. Un sourire amusé et quelque peu fier se dessina sur le visage du Duc lorsqu'il imagina Énith déjà en selle, attendant impatiemment dans la cour que tout le monde soit prêt à la suivre. L'enthousiasme avec lequel elle avait accepté de se joindre à la mission de reconnaissance au Marais Maudit l'avait surpris, il ne s'en cachait pas. Il s'était attendu à ce qu'elle décline la proposition, préférant rester dans l'obscurité de sa bibliothèque, plongée dans son mystérieux manuscrit. Pourtant les yeux de sa fille s'étaient illuminés lorsqu'il lui avait suggéré de se joindre à eux.

- Avec plaisir, père ! avait-elle répondu avec un grand sourire. Depuis le temps que je rêve de voir le Tombeau des Rois !

Elle avait semblé fière que son père l'ait incluse dans cette importante mission, et Briam s'en réjouissait.

Lorsqu'il arriva dans la cour du château, il la trouva effectivement déjà hissée sur le dos de sa monture baie. Le sourire qu'elle lui adressa ne suffisait cependant pas à masquer sa nervosité. Ses mains étaient crispées sur le pommeau de sa selle et ses mâchoires serrées. L'appréhension de découvrir le Marais Maudit semblait avoir quelque peu pris le pas sur son enthousiasme. Briam ne se sentait pas parfaitement serein non plus, il devait bien l'avouer.

Il ne s'agissait pas de sa première mission de la sorte, loin de là. Il avait plus d'une fois servi d'éclaireur dans l'armée, mais partir en reconnaissance d'une troupe ennemie, faite d'hommes de chair, de sang et d'armes d'acier, était bien plus facile que ce qui les attendait cette fois-ci. L'idée de découvrir un monde inconnu, rempli d'ombres intangibles et de forces obscures, se révélait bien plus angoissante. Mais il n'avait pas l'intention de dévoiler ses inquiétudes à sa fille.

- Tu es déjà fin prête, ma fille ! s'exclama-t-il en la rejoignant.

- Oui, père. Je ne voulais surtout pas être en retard... pour une fois.

Briam grimpa à son tour sur le dos de sa monture, tandis que les deux soldats qu'il avait choisis pour leur servir d'escorte les rejoignaient.

- Il ne manque plus que le Seigneur de Narambie, fit remarquer Énith.

- Nous devons le rejoindre à la Porte Nord de la cité. Allons-y.

Il talonna son cheval, et tous se mirent en marche, faisant claquer leurs sabots ferrés sur les pavés de la cour.

Alors qu'ils quittaient l'enceinte du château, Briam jeta un regard en biais à sa fille. Elle avait ramené ses épais cheveux noirs en deux tresses collées à la mode Sesseni, dégageant son visage rond. Une expression soucieuse creusait ses traits et avait balayé la tendre insouciance de la jeunesse. Elle avait laissé ses grandes jupes de dame au placard, leur préférant une simple tenue de monte, confortable et déjà passablement usée. Sa chemise ample et légère était surmontée d'un gilet en cuir cintré, entouré d'une large ceinture à laquelle pendaient ses deux lames courbées. Elle avait l'allure d'une guerrière, et cette pensée arracha un fier sourire à Briam.

Valacturie - T1 Le Tombeau des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant