Chapitre 7 - Première partie

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Une brise venue du Nord faisait claquer les toiles tendues et colorées des tentes et rafraîchissait agréablement l'air, malgré le soleil radieux qui approchait de son zénith. La canicule des deux derniers jours semblait finalement avoir cédé face aux vifs courants d'air typiques des hautes montagnes, et Briam s'en trouvait allégé. Cet air vivifiant lui permettait de garder l'esprit clair et alerte malgré la profusion de mets alléchants et de vins raffinés qui défilaient sous son nez.

La Fête du Solstice avait démarré depuis plus d'une heure, et tandis que les invités se régalaient autour du banquet, au rythme des musiques enlevées qui s'échappaient des violons des troubadours, Briam, lui, restait aux aguets. Installé à la table d'honneur perchée sur une petite estrade, comme le voulait l'usage, il observait attentivement l'ensemble de ses invités, des tables les plus proches occupées par les nobles, jusqu'aux foules de badauds qui se pressaient dans les jardins du château.

La tradition voulait qu'en ce jour de fête, les portes des jardins fussent ouvertes à tous, afin que chacun puisse profiter des rituels religieux et de l'abondance de nourriture offerte par le duché. Et malgré les tensions de ces derniers mois, renoncer à cette tradition était inimaginable.

Briam restait donc attentif.

- Tout se déroule à merveille, le rassura son épouse en posant une main sur la sienne. Tu devrais essayer de profiter un peu de la fête et de te détendre. Tout ira bien.

- Hmm, grogna-t-il, peu convaincu. Je crois que je ne pourrai pas me détendre tant que tout ceci ne sera pas terminé...

- Tâche au moins d'afficher un visage un peu moins grave. Les gens vont s'inquiéter s'ils sentent que tu es nerveux.

Elle avait raison, bien évidemment. Il devait faire bonne figure, et tenter de rassurer ses invités. Ce jour était un jour de grande fête, de grande joie, et rien de viendrait gâcher la célébration de l'Esprit du Soleil. Briam se redressa et avala une gorgée de vin, puis tenta de se laisser porter par la musique joyeuse et les rires qui fusaient de tous côtés.

De part et d'autre de l'estrade, deux longues tables accueillaient les nobles invités, représentants des différents duchés ou petits seigneurs des Montsombres. Parmi eux se trouvaient Johol et Lyrie, les deux représentants du Culte de la Divinité. Ils affichaient tous deux un air solennel, le dos droit et les gestes délicats, tout en discutant poliment avec leurs voisins de table.

Johol avait le teint blafard et de longs cheveux noirs et fins, coiffés en arrière en deux nattes torsadées qui lui tombaient jusqu'à la taille. Les cheveux roux de Lyrie étaient coiffés de la même façon, propre aux représentants des Divinités et chacun d'eux arborait sur son front un bijou ; celui de Lyrie, une demi-lune renversée entourant une spirale, était le symbole de Daleï, la Divinité Féminine, quant à celui de Johol, un triangle traversé d'une ligne horizontale, représentait Diùnn, le Dieu Masculin. Ces bijoux, ainsi que leurs coiffures compliquées caractéristiques du Culte, se mariaient parfaitement à leurs robes de cérémonie fastueuses où pendaient çà et là des breloques d'or et d'argent qui résonnaient à chacun de leurs mouvements.

Briam, qui avait été élevé dans la tradition de l'Anima, s'étonnait toujours de voir des chefs religieux afficher un tel luxe, de façon aussi ostentatoire. On lui avait expliqué que ces accoutrements étaient supposés représenter la richesse spirituelle de leur âme, ou quelque chose de cet ordre-là, mais tout cela lui échappait complètement.
À côté de Johol et Lyrie, les Cinq Sages, installés à une table qui faisait face à la sienne, avaient presque l'air de pauvres hères. Même en ce jour de fête, ils n'étaient vêtus que de leurs simples robes de coton habituelles et de leurs sandales de cuir.

Valacturie - T1 Le Tombeau des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant