Valacturie - T1 Le Tombeau des Rois

Chapitre 16 - Première Partie

- Le Roi Rodrich a usé de magies venues des autres Mondes ! affirma Énith d'une voix ferme. Ces connaissances sont depuis longtemps oubliées, je ne vois pas comment nous pouvons nous mesurer à de telles prouesses.

La salle du conseil était bondée, mais la jeune fille faisait son possible pour se faire entendre. Elle se tenait debout bien droite, face à un auditoire qui semblait déterminé à ne pas l'écouter.

Autour de la table siégeaient les Cinq Sages au grand complet, ainsi que Johol et Lyrie, toujours impeccablement accoutrés. Les chefs religieux avaient mis de côté, pour un temps tout du moins, leurs querelles et leurs colères afin d'œuvrer ensemble. Seules quelques œillades hostiles entre Johol et Hildas trahissaient les tensions qui demeuraient entre eux. Mais pour une fois, ils se montraient courtois. Comme promis, Briam avait organisé ce conseil afin de discuter des possibilités qui s'offraient à eux afin de contrer les ténèbres, et avait accepté de réunir de nouveau tous les chefs religieux, à condition qu'ils se comportent avec respect.

Assise près de sa mère en bout de table, Énith n'avait pas attendu pour prendre la parole. Une fois tout ce beau monde installé, elle avait attiré leur attention afin de retranscrire sa conversation avec le Roi Renard. Elle leur avait exposé les origines du Monde Interdit ; un lieu créé dans le secret, à l'aide de magies volées et perverties, pour un sombre dessein, par un Roi follement ambitieux. Elle leur avait ensuite répété ce qu'Hoaren lui avait dit au sujet des Valacturiens, mais fut atterrée de constater que son auditoire n'avait retenu qu'une seule chose : c'était un humain qui avait créé ce monde. Les humains seraient donc capables de le détruire.

- Mademoiselle Énith, je crois que vous sous-estimez la puissance de nos rituels et de nos magies, répondit Lyrie avec un léger sourire qui sonnait affreusement faux.

- Une erreur qui vous est familière, ma chère, renchérit le Sage Talmir. Les autres Mondes ont probablement des magies incroyables, mais n'oublions pas pour autant nos propres savoirs.

Tous acquiescèrent, et Énith s'avoua finalement vaincue. Elle se rassit en faisant la moue, découragée. Ils ne l'écouteraient pas, tant pis. Qu'ils essayent donc leurs rituels si ça leur chante. Il sera toujours temps de se mettre à la recherche des Valacturiens une fois leur capricieuse tentative aura échoué, pensa-t-elle cyniquement.

Elle ne prononça pas un seul mot supplémentaire. Elle écouta le reste de la réunion d'une oreille, ignorant les regards réprobateurs que son père lui lançait.

Mais soudain, alors que les Sages débattaient entre eux des rituels les plus susceptibles de fonctionner ensemble, la lueur argentée annonçant l'apparition imminente du Roi Renard attira son regard. Elle eut à peine le temps de se redresser et de saisir le bras de sa mère pour la prévenir. Hoaren se matérialisa près de la porte d'entrée et s'approcha de la table, imposant un silence immédiat. Le Duc se leva d'un bond pour l'accueillir.

- Sire Hoaren ! Que nous vaut l'honneur de votre apparition ?

- Je viens vers vous avec de bien sombres nouvelles, j'en ai peur. Les forces du Monde Interdit grandissent. Vous savez certainement que depuis quelques jours, des êtres noirs venus de ce monde parviennent à se faufiler hors de notre vue et à pénétrer dans notre monde...

- Pardon ? Non, comment aurions-nous pu savoir une telle chose ?

Énith se figea. Elle sentit le regard perçant du Renard braqué sur elle, ce qui la glaça bien plus que celui courroucé de son père.

- Oh, je... Oui, ça fait effectivement partie de ce que le Roi Hoaren m'a confié hier soir. Je suis désolée, j'ai... oublié.

- Hum, bien... C'est regrettable, mais ne perdons pas de temps, répondit son père. Poursuivez, Roi Renard.