Chapitre 19

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— Il faut qu'on passe chez moi récupérer l'enregistrement avant d'aller rédiger l'article chez toi, m'annonce-t-il en tournant à un embranchement.

Je tombe des nues en rendant compte que je connais le quartier où il me mène. Si j'avais su qu'il vivait à Greenwich Village, j'aurais mis la zone en quarantaine. Et ç'aurait été absurde, évidemment, mais il y a encore deux mois, j'en serais devenue malade de savoir que je passais dans son quartier, devant son immeuble, sous les fenêtres de son appartement...
Après plusieurs longues minutes, il se gare devant un immeuble typique de la ville avec ses briques rouges et je m'empresse de sortir tant j'étouffe à l'intérieur.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il, surpris.

Je me tourne vers lui même si je le vois à peine par-dessus la voiture.

— Bah je t'accompagne, pardi !

Il soupire et contourne le 4x4 pour me rejoindre. Arrivés dans la petite entrée, je le suis dans les escaliers jusqu'au troisième étage. Pour une fois, je suis heureuse de faire du sport. Les ascenseurs, ce n'est pas pour nous.
Devant sa porte, il se fige et se passe une main dans les cheveux.

Sans me regarder il ordonne :
— Pas de jugements ! J'attendais pas de visites.

Sans attendre, il ouvre la porte sur son salon et je cligne des yeux. Plus petit que celui de Paris, son appartement est plongé dans la quasi-pénombre et sent un peu le renfermé. Et à ce que je vois, s'il ne met pas vite à laver les chaussettes qui traînent, elles seront bientôt en décomposition.

Il se précipite à la fenêtre et fait coulisser les stores avant de se tourner vers moi.

— Je reviens. Reste-là.

Et il disparaît par une porte.
Je tourne sur moi-même et détaille le lieu du regard. La pièce à vivre est petite, partagée entre salon et cuisine. Cette dernière est juste composée d'une table et de deux chaises ainsi que le frigo, le four, les placards et l'ensemble des meubles indispensable à toute cuisine. De l'autre côté de l'espace, qui est sensé être le salon, trône dans un coin un nouveau canapé face à une petite table en verre et une télé.
Et partout, peu importe la pièce, il y a le bazar. Des cartons jamais défaits, des vêtements, des livres. Rien n'est rangé, comme s'il n'avait jamais prévu de rester là.

Je m'apprête à m'installer sur le canapé quand je remarque les paquets de Dragibus au milieu du fouillis de la petite table. Ils sont une dizaine. Et ils ont tous le même point commun. Ils n'ont plus un seul Dragibus de couleur noire.

Je me demande si cela a une signification, si ça montre quelque chose. Après tout, ne disait-il pas que ces bonbons avaient le goût de l'amour ? Que quand il était triste, il en mangeait et s'imaginait la voix des gens qu'il aime, leur visage, leur rire, leur sourire. Que quand il en mangeait, il se sentait mieux car il se sentait aimé. Peut-être a-t-il de nouveau des problèmes avec sa famille. Où est-ce en rapport avec sa sœur.

Ne le voyant toujours pas revenir, je décide d'aller le chercher et m'engage dans le couloir qui mène à la pièce où il a disparu. Puis soudain, je me fige.
Sur un petit pan du mur est accroché le pêle-mêle que je lui avais offert à son anniversaire. Mais ce qui est vraiment surprenant, c'est qu'il n'a pas changé les photos. Ce sont exactement les mêmes que celles d'il y a deux ans, celles de son ancienne vie. C'est comme si j'avais remonté le temps. Après deux ans à tout faire pour oublier, je les revois. Je revois Giorgio, Bonnie, Grâce, Tatiana, Morgane et Gabriel ainsi que Peter. Et on me voit moi. Heureuse. Et amoureuse.

C'est fou, il n'a pas pris le temps de déballer la moitié de ses cartons, mais d'accrocher des photos avec sa famille et son ex, si.
Mais ça n'a sûrement aucune signification aujourd'hui. Après tout, s'il l'a accroché il y a un an, quand il est arrivé, il était encore amoureux de moi, et il n'a pas pris le temps de me remplacer par Flore. En plus, je suis sûre qu'il n'a même pas d'imprimante...
Soudain, j'entends ses pas de l'autre côté d'une porte et je me dépêche de rejoindre le salon. Il n'a pas besoin de savoir que j'ai découvert ça. Pas alors qu'on vient juste de redevenir amis.
Il arrive tout sourire en secouant le dictaphone.

Et puis au pire... Je t'aime [T2 TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant