Chapitre 44

223 20 41
                                    


Mika le regarde passer, les yeux embués de larmes. Il se souvient quand lui-même était à cette place, pensant que la seule solution est de partir pour toujours. D'atteindre ce point de non retour. Il se souvient de son état d'esprit à ce moment là et il se rend compte que ses envies suicidaires ne sont pas parties bien loin. Pendant l'espace d'un instant, il s'imagine tenant la main à cet adolescent, fonçant vers leur lieu de paix. Sauter en coeur, tout abandonner et trouver enfin le bonheur. Le vrai. Pas celui que les gens simulent. Celui qui est tellement difficile à atteindre que personne n'y arrive jamais. Comme une légende urbaine. Mais cette légende si n'a rien de fantaisiste. Lorsque l'on met fin à la chose qui nous fait souffrir, on se sent aussitôt libéré d'un poids certain. Eh bien lorsque la vie nous fait souffrir, pourquoi ne pas la finir après tout ? Ce serait tellement libérateur. Pour tous.

Mais il se redresse et souffle pour ne plus y penser. Il doit chassez ces mauvaises pensées de son esprit tout de suite. Ce n'est pas le moment d'abandonner Andy alors qu'il a tant besoin de lui. Il commence même à se demander si l'adolescent dehors ne serait pas son ami... Perturbé, il retourne regarder l'extérieur à travers sa fenêtre. Il observe le calme plat du soir. Les voisins ne dorment pas tous. Certains ont encore la lumière allumée, et, de son petit rectangle de fenêtre, Mika aperçoit, par le biais de leur baie vitrée, un enfant courir avec des jouets, poursuivi par un parent avec un jouet à la main également. La mère les regarde avec un nouveau-né dans les bras en souriant et Mika copie ce sourire sur ses propres lèvres. Il se souvient de ce temps innocent où lui-même jouait avec des parents. Elles lui semblent tellement lointaines, ces année d'insouciance et de joie. Où seul comptait le goût du repas du soir, ou faire le plus de bruit possible pour déranger madame patate sans pour autant se faire gronder par ses parents...
Il se sent très nostalgique et les souvenir affluent par milliers dans sa mémoire. Il ferme les yeux face à se flu de sensations et émotions. Les douces odeurs de la cuisine libanaise de sa mère viennent envahir ses narines et il se retrouve comme transporté à Paris alors qu'ils cuisinaient encore. Mettre ses mains à la pâte, rire avec ses sœurs et ses parents dans la cuisine, avoir la satisfaction de réussir son plat, ou la déception de le rater, même si ces moments de transforment en de gros moments de rire lors de la dégustation.

Les plats traditionnels libanais lui manquent, même si il y a de multiples restaurants proposant toutes sortes de spécialités à Londres, ce n'est pas la même chose que de cuisiner soi-même. Les plats comme le kebbe nayeh, un tartare de viande crue, agrémentée de blé concassé, d’oignons, de menthe et d’épices comme le poivre, le cumin ou la cannelle. Le tout pilé à nouveau et servi avec de la menthe fraîche et des oignons blancs et mangé avec du pain pita. Plus jeune, Mika avait d'ailleurs du mal avec les proportions et aspergeait abondamment tous ses plats d'un énorme surplus d'huile d'olive.

Il avait également l'habitude de cuisiner du velouté de Kecheck, autrement appelé le Kichk. Une soupe préparée avec du boulghour (blé concassé) et du yaourt de chèvre qu’on a déshydraté et réduit en poudre très fine ; ainsi que de l’ail qu’on fait revenir dans du beurre. Généralement, ce plat était raté car la petite famille n'avait pas la patience pour déshydrater entièrement le formage. Ils auraient pu en acheter de l'industriel mais la grand mère de l'adolescent ne voulait manger que des plats fait maison. Son goût est assez particulier avec une texture tout aussi atypique.

Le plat préféré de Mika reste quand même le Cheik El Mehchi. Recette à base de courgettes farcies ou des aubergines. Des petites courgettes très fines et pas trop longues entourent un mélange de 7 épices libanaises, aussi appelé le « poivre libanais », c’est en fait un mélange d’épices composé de tout-épices, poivre noir, poivre blanc, muscade, cannelle, coriandre et clous de girofle. Avec une garniture constituée de viande hachée, de pignons et d'autres légumes, Mika aime le goût savoureux de ce plat qui le plonge dans son enfance. Il a l'impression de sentir la texture savoureuse de ce mets sur ses papilles. Il se revoit coupant les légumes avec ses parents, ayant beaucoup de mal à manipuler scrupuleusement le long couteau. Ce souvenir le fait sursauter. Sans même savoir pourquoi, revoir le couteau dans sa mémoire le sort de ses souvenirs mélancoliques et le propulse au moment présent. Il surprend son regard posé sur la fenêtre et il a la soudaine conviction qu'il doit tenter de retrouver cet adolescent inconnu. Il se revêti d'un survêtement noir à capuche et d'un jogging bleu. Il prend ses éternelles baskets blanches et décide de prendre un collier pour apporter un peu d'originalité.

Everything changes in a blink of an eye (BXB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant