Chapitre 56 TAÏS

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TAÏS


Je reste là à la regarder comme un con...

J'ai cru mourir quand elle a voulu repartir. J'ai cru mourir en la voyant se débattre dans le taxi dans des cauchemars... j'ai cru mourir en la soulevant ensuite arrivés en bas de l'immeuble, inerte de fatigue... Et là, je suis... incapable de savoir comment me comporter, comment lui dire à quel point je suis désolé de lui infliger tout ce chagrin? Comment lui dire qu'elle m'a changé jusque dans mon âme? Et surtout, comment faire pour qu'elle me croit?

Elle a sa pauvre petite mine... je l'ai renvoyée direct dans son traumatisme...

Derrière elle, je vois une guitare accrochée au mur... Bien sur, nous sommes chez Martin Malket des What, il y a forcement des instruments de musique.

Je repense à mon père, emmerdé pendant une de ses nombreuses et thermonucléaires disputes avec maman, ronchonner en attrapant la sienne: 'notes ça dans un coin de ton cerveau mon petit Taïs, si tu as fait le con et que ta femme ne veut plus écouter ce que tu as à lui dire, chante le lui, ça marche toujours.'

Bon, c'est vrai avec maman, ça a toujours fonctionné, ça et beaucoup de petites attentions pour se faire pardonner... pardonner je sais pas quoi puisqu'il ne l'a jamais trompée ou humiliée mais bon...

En tout cas, je ne risque rien d'essayer... la dernière fois que nous sommes allés au Gambrinus, Axel a chanté ce truc tout doux...«a better man»... c'est approprié et vraiment juste... ce que je pense.

Madison ouvre de grands yeux en me voyant choper la gratte et l'accorder.

- tu...

- tu as l'air crevée, mon petit pompon rose, alors je vais te chanter un truc doux, un truc qui... parlera pour moi... tu veux?

Elle a les yeux encore plus agrandis... elle a peur?

Je me concentre, comme tout le monde dans ma famille ( à part maman hi hi), je suis musicien... je retrouve vite l'air et je lui chante cette chanson douce qui explique combien je l'aime, combien ma vie serait vide sans elle et combien j'étais juste un mariolle avant de la rencontrer, et que je vais me battre pour la garder... Bon, c'est mieux verbalisé, c'est justement l'intérêt...

Elle ne me quitte pas des yeux, je crois que mon message passe... quand je m'arrête, elle tremble un peu... quand elle est dans son angoisse, elle ne gère aucune émotion... je pose la guitare et avance mon visage vers le sien... tout doucement, pour qu'elle comprenne bien qu'elle n'a aucune obligation... C'est elle qui pose un petit bisou tout émotionné sur mes lèvres. Bingo.

- encore une, mon doux pompon et ensuite on va manger?

- oui.

Elle est toute rose, je crois, j'espère, que les images de moi en train de fesser des grognasses en leur éclatant le fion sont loin... Je sais exactement ce que je vais lui jouer maintenant, un truc moins mièvre, 'right here waiting for you'. Voilà, tu le sauras, si tu me quittes, je ne ferai plus rien d'autre que de devenir lentement fou en attendant que tu reviennes... et ça aussi,c'est la vérité.

Je termine, un silence pesant s'installe.

- je pense chaque mot de ce que je viens de te chanter Mad...

-  je le sais...

Oh? Elle a chuchoté ça, avec son petit sourire triste qui ferait pleurer même le croquemitaine.

- je te demande pardon...

- non, Mad, ne t'excuse pas, tu n'as rien fait d'autre que de recevoir une vidéo de merde.

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