Chapitre 70 TAÏS

53 5 0
                                    


TAÏS


J'avais déjà passé beaucoup de temps ici mais c'est comme si je découvrais Venise...


Tout est plus... savoureux... Madison change même la saveur de l'air autour d'elle.


Là, nous revenons, de Murano, l'île des souffleurs de verre... On a déambulé comme des chasseurs de trésor, toute l'après midi, dans les ruelles au bords des canaux à la recherche d'un truc cool à ramener à Mathis. Ce sera un dragon hyper bien réalisé.

On a rencontré le souffleur qui l'a fait et on a eu droit à une démo.

C'est le papa d'un pote que je m'étais fait une année en venant passer l'été ici. J'ai pas mal bossé ici, les étés. La première année, je n'avais que 17 ans, Jo m'avait trouvé un boulot à l'entretien des canaux. Pablo y bossait avec moi. On s'était bien entendu et on est resté potes à distance.

Là, son père m'a donné de nouvelles pas réjouissantes, sa femme est décédée du covid en Mai. Elle était asthmatique et, comme les hôpitaux étaient submergés, ils n'ont pas pu la prendre en charge avant que cette saloperie lui détruise les poumons.

Jo et Natacha on eut du bol d'en réchapper... et quand je pense que papy et mamy, à leurs ages, l'ont eu et sont encore parmi nous, je suis sidéré de la chance que nous avons eu.

Je n'imagine pas notre vie sans eux.

Mon pote a perdu sa maman, ça non plus, j'imagine pas...

Quand il a su qu'on était là, mon copain a rappliqué. On a passé un bon moment, dans un petit bar au bord d'un canal, sous un parasol. Madison est de plus en plus à l'aise en italien et charme tous ceux qu'on rencontre. Pablo lui aussi s'est marié, juste avant l'épidémie. Sa femme attend un bébé. Nous parlons de Mathis, il semble que j'ai de la chance. Lui, il est mal à l'aise pour s'occuper d'un nouveau né, alors un fils qui peut direct jouer au foot et bricoler avec lui, ça le fait rêver... Madison pronostique, malicieusement, une petite fille et il pousse des cris paniqués. Elle me regarde et ajoute plus bas que ça me ferait les pieds à moi aussi.

Nous restons un petit moment ainsi à imaginer cette crevette.

Un pompon miniature... Ouais... pourquoi pas? elle serait forcement adorable... comme sa maman...

On est vite rentrés parce que ce soir, on mange chez Natacha et Jo. Madison a choisi un petit bouquet de fleur en verre malgré mes efforts pour l'en dissuader. Quand on vit ici, on a des étagères remplies de trucs qui prennent la poussière.

Je n'aime pas aller chez eux... Ils sont adorables mais leur logement est comme un mausolée à la mémoire de leur fille Clara décédée à 10 ans d'une leucémie... Même Rafa ne vient que très rarement chez lui... l'atmosphère y est assez pesante.

Ils le savent, sans pouvoir rien y faire, c'est leur façon de gérer cette mort injuste. Ils se doutent que ma belle sera réceptive à cette douleur sourde qui suinte de partout, alors, Natacha a mis la table dehors sous leur magnifique tilleul dans leur cour intérieure avec un coté libre sur le grand canal. Papy et mamy savent choisir les maisons. Hi hi. J'ai hâte de découvrir la notre. Ma tante a sa tête de sphinx quand j'en parle mais ses yeux brillants m'indiquent qu'elle a eu des infos et se régale pour nous... chouette, chouette!!

Ce sont des hôtes adorables, nous passons une soirée parfaite. Jo me demande un service, il va y avoir une course sur le canal de la Guidecca, la course de la fête du redentore en juillet reportée d'un mois pour cause de pandémie. Il a besoin de moi pour engager son bateau. Il faut être deux et Rafa ne sera pas dispo cette année. Allons bon, ramer? Ouais, ça peut être marrant. Ça nous fera rentrer un jour plus tard mais bon... Madison valide et moi, je vais devoir retrouver la Voga, le geste traditionnel pour ramer d'une main debout sur une gondole...

Pouvoir y croireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant