33. Plongée dans les abysses

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Ps : le prochain chapitre est intitulé « Mon premier baiser ».

Allez bonne lecture 🖐💜

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Rose était allongée. Elle était allongée dans un monde noir. Une infinité de pensées sombres et terribles, aux susurres torturés et aux maux estomaqués. Une peinture tourbillonnante, et pourtant, à l'image d'un cadre accroché dans un salon, si immobile. Le monde n'était pas vraiment figé. Simplement il s'était ralenti. Elle respirait. Lentement, l'air gonflait sa poitrine puis s'expulsait. Et venait le vide. Le creux dans ses poumons, après que la vie ait circulé dans son corps. Puis, une autre inspiration, et encore une autre, parce qu'il fallait bien continuer de vivre, il fallait bien que l'air vienne à gonfler sa poitrine, qu'elle le sente passer dans ses narines, et que son cœur frappe un autre battement.

Les yeux de Rose se posèrent un peu partout dans cette océan de vide, sans qu'elle ne puisse rien trouver à quoi s'accrocher. Elle ne bougeait pas, les mains croisées sur son ventre. Elle regardait. Elle contemplait. Elle s'abîmait dans ce noir. Peut-être était-ce une galaxie sans étoile, ou un ciel couvert de nuage. Peut-être était-ce son crâne, fracturé de ces mots qui le traversaient, ou alors était-ce son cœur, prisonnier et gardien de tous ses sentiments. Oui, peut-être était-ce son cœur, qui était si noir, qui était si vide, et qu'elle sombrait dans ces émotions sans couleurs. Rose se sentait bien, au centre de cet univers monochrome. Elle flottait et naviguait, et pourtant elle restait là. Immobile. Voire paralysée. Elle se rendit alors compte qu'elle ne pouvait pas exécuter un seul mouvement. Qu'aucun de ses muscles ne répondaient.

Et les parois de ce vide se contractèrent sans même qu'elle ne les voit, alors que les battements de son cœur s'affolaient. Elle ne pouvait pas bouger. Encore une fois elle était enchaînée. Mais enchaînée par quoi ? Il n'y avait rien qui la retenait. Alors la gorge de Rose se noua. Les parois mouvèrent de nouveau, ondulant sous son dos, vibrant de tous les côtés. Rose essaya de bouger. Vraiment, elle essaya. Mais elle ne pouvait pas. Son corps ne pouvait pas. Peut-être, était-ce son cœur, qui ne pouvait, lui qui cherchait à courir si loin, si vite, s'arrachant presque dans sa cage thoracique. Le vide continua à se tendre et détendre, tel un muscle vivant, alimenté par ce sang empoisonné qui se déversait dans les veines de Rose. Et elle resta là, ses yeux plongés dans le noir, à ne rien pouvoir faire, même à ne rien pouvoir dire. Elle avait l'habitude, après tout, non ? D'être impuissante.

Et quand bien même elle n'était qu'une statue paralysée dans cette brèche béante, la peur continuait à l'animer. Vint un moment où, saturée de tout ce noir, elle sembla perdre la raison. Des chuchotements sifflants glissaient à ses oreilles, caressaient ses lobes puis s'infiltraient dans sa tête, telle une langue pointue, avide de goûter à sa terreur. Les yeux de Rose s'étaient élargis, agrandis, étendus, mais il n'y avait plus rien à y voir. Elle était déjà parti loin, elle s'était perdue. Elle était perdue et seule cette solitude perdue, embuée par sa peur, se reflétait là, quelque part dans ses iris si éclatants, à peine discernables dans le noir.

Son cœur tressauta. Succomba. Les parois restèrent contractées, suspendues à un denier souffle. Une larme brillante s'envola. Et le monde explosa.

La vague  frappa Rose, violemment, et l'emporta dans les abysses, l'étouffa, s'enfonça dans son gosier, comprima ses os, déchiqueta sa peau, arracha ses yeux, ses dents et ses organes, la rongea jusqu'à atteindre son cœur, qui n'était plus car déjà il dégorgeait de cette mélasse collante, de cette peur somptueuse qui dominait tout ici, dans ce royaume de vide.

Voilà, c'était fini, il ne restait rien.
Rien, absolument rien.

Rose Potter et la Chambre des SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant