19.3 Une larme à double-l'âme

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Bonne lecture 💜

(Prévoyez les mouchoirs, ce chapitre est triste. D'ailleurs je l'adore de tout mon être)

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Rose fixait l'eau paisible du lac d'un regard vide. Le Lac Noir n'était qu'une sombre nappe scintillante envahit par le brouillard à cette heure-ci. Il faisait gris. Le soleil se levait à peine. Elle n'avait pas pu dormir cette nuit. Alors elle s'était glissée hors du dortoir. Les nuages couvaient. Et Rose regardait l'eau se mouvoir lentement en doux clapotis. D'un regard vide. Parfois Rose se sentait comme ça. Vide. Elle avait déjà essayé de le combler. Elle s'était plongée dans ses cours, les bouquins, elle riait aux éclats et souriait à vouloir s'en arracher les dents. Ça n'avait pas marché. Il finissait toujours par revenir. Parfois plus grand. Parfois plus petit. Une grande abysse qui se creusait toujours plus en noirceur ou se comblait d'obscurité. Rose avait appris à accepter ce vide. Enfaite. Le vide s'était imposé et elle n'avait pas su le vaincre. C'était un échec qu'elle payait encore aujourd'hui. Et pour l'éternité.

Rose sortit le couteau du petit-déjeuner d'hier matin de sa cape et le regarda. Un simple couteau au bout rond, à dents. En métal poli. Son regard s'attarda sur la lame, une seconde, deux secondes, trois secondes, une minute, cinq minutes. Elle la pressa un peu contre son pouce. La laissa redescendre le long de sa main, suivre les lignes de sa vie et atterrir au creux de son poignet. La pressa un peux plus. Elle sentait le sang passer dans ses veines et pulser son cœur. Le pouls remontait le long du couteau et revenait dans son pouce pour battre jusqu'à sa tête.

Parfois Rose avait envi de taire cette pulsion.
Celle de la vie. Celle de la mort.

Elle continuait de fixer cette lame de ses yeux vides. Et elle pressa un peu plus la lame. Encore un peu plus. Si elle partait... Est-ce que le vide s'arrêterait ? Si son pouls descendait jusqu'à ce qu'il ne puisse plus murmurer au creux de son oreille, est-ce le vide s'arrêterait ?

Parfois Rose se posait la question.
Puis elle riait aux éclats et souriait de toutes ses dents à Pansy.

Mais ici elle n'avait à sourire à personne et ses lèvres restaient figées.
Alors Rose appuya la lame. Un peu plus. Des larmes de sang perlèrent. Ses yeux étaient secs. Son cœur se calmait. Il ralentissait. Pendant un instant le monde cessait de tourner et laissait un peu de répit à Rose. Elle appuya, extorquant la vie à son propre corps. Elle songea que si elle appuyait encore et encore, il ne resterait d'elle qu'un corps. Plus d'esprit car il se serait éteint. Et peut-être le vide s'arrêterait.

Rose fronça légèrement les sourcils et rangea le couteau dans les plis de sa cape. Aujourd'hui elle se ravisait. Elle effleura de ses doigts délicats le sang sur son poignet, découvrant une légère entaille, alors que l'orange chaud du soleil perçait les nuages gris de pluie. Une plaie rouge sur une cape blanche.

Il suffisait d'une simple lame pour vendre son âme à la mort.

Rose Potter et la Chambre des SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant