Heart of Wolf - Tome I

32. La ruse de la solitaire

Lorsque j'ouvre les yeux, la première chose que je vois, c'est Mathias, avachi dans un vieux fauteuil – sûrement assoupi – nimbé d'une lumière blanche et froide. Je plisse les yeux, le temps de m'habituer à la luminosité, et me redresse dans un marmonnement engourdi. Des voix s'élèvent faiblement dans la pièce et je parcours la pièce du regard jusqu'à la fenêtre. Une chambre d'hôpital.

Jia et Hizae sont installées à côté de moi. La première est réveillée et son compagnon, en tant que Bêta, est plongé dans une discussion animée à mi-voix de l'autre côté. Il est entouré de Louise, Benjamin et Hayden ; et je repère la solitaire assise sur un lit près de Louka, dont le visage est couvert de pansements. Il faut dire que c'est un excellent combattant, mais il a tout de même reçu des coups violents... Parfois pour empêcher que nous soyons touchés. Face à moi, Florian est installé dans un lit, et son bras est enveloppé d'une solide attelle. À côté de lui, Nadya observe l'extérieur, debout près de la fenêtre, et elle semble anxieuse.

Hizae est toujours endormie et Simon, près d'elle, dans le même état que Mathias. Avant d'attirer leur attention, j'avale difficilement ma salive et humidifie légèrement mes lèvres ; ma bouche est pâteuse, je me sentirais presque nauséeuse. Je commence par remuer mes doigts et mes orteils un par un ; tout est là. Sans surprise, je ne peux pas bouger mon genou ; il a dû être immobilisé, et je sens les bandes de tissu contre ma peau autour de mon abdomen et de mon bras. Peu après avoir répondu à Mathias, j'ai de nouveau perdu pied avec la réalité, mais je me rappelle notre courte discussion :

« — La douleur... du lien ?

— Je n'étais pas sûre. Mais si tu as eu si mal lorsqu'elle est morte... C'est parce que vous étiez liés. Je ne vois pas d'autre explication.

— Liés ? Jess, on n'avait aucun lien !

— Je ne te parle pas des liens humains, Mathias ! Je te parle DU lien, le lien du loup !

— Mais... C'est impossible !

— Moi aussi je croyais impossible de tomber sur ton psychopathe de père dans cette meute de barbares, tu sais...

— Mon père ? Oui, explique-moi pourquoi il y a son odeur partout sur toi ! Il cherchait encore la provoc', ce lâche ?

— Mathias... Tu sais que je t'aime ; et merci, merci d'être venus. Mais, est-ce qu'on peut... avoir cette discussion plus tard ? »

Ainsi donc, dès qu'ils nous ont trouvés et ont repoussé les loups du Nord, ils nous ont emmenés en ville, à l'hôpital...

Je sursaute brusquement alors que mon cerveau traite l'information et me redresse d'un bond, ce qui a pour effet d'affoler le moniteur auquel je suis reliée et de faire bondir Mathias. Bordel, l'hôpital ! On ne peut pas rester là ! Il faut vite qu'on s'en aille ! Question de survie d'hybride !

La main froide du loup noir s'abat sur mon épaule et me repousse dans le fond du lit, m'arrachant un grommellement de frustration. Je tente de le repousser, mais il maintient sa prise fermement.

— Tu ne bouges pas de là, assène-t-il sèchement.

— Jess ? Tu es réveillée !

Mathias me relâche, et Nadya me saute dans les bras l'instant d'après. La présence de Jia, aussi, toute proche, me rassure. Je ferme un instant les yeux et bouge mon bras libéré de tout pansement et intraveineuse pour le passer brièvement autour d'elle. Un soupir, elle s'écarte, et je réalise tous les regards fixés sur moi. Je fronce les sourcils et me frotte pensivement la tempe.