Heart of Wolf - Tome I

37. Louise

Pour la centième fois, je lève ma jambe et déplace mes appuis pour pivoter sur mon autre pied. J'ai la sensation que mes articulations sont sur le point de se disloquer et la sueur qui dégouline de la moindre parcelle de peau est horriblement désagréable. Pourtant, sous l'œil attentif de ma coach, je ne m'arrête pas, pas tant que le mouvement ne sera pas parfait.

Mais quelques minutes plus tard, quand la branche sur laquelle je m'acharnais depuis tout à l'heure cède enfin, et que je me redresse pour jeter un regard à Louise en cherchant son approbation, je fronce les sourcils en voyant son air. Elle a le regard baissé sur le côté, complètement absente, les bras croisés, et les longueurs de sa queue de cheval viennent fouetter son visage dans la brise fraîche du printemps. Je hausse un sourcil et penche la tête, intriguée.

— Dis donc, je croyais que tu adorais me crier dessus pendant les entraînements ; ça doit être grave pour que tu ne dises plus rien, fis-je remarquer innocemment.

Tout à coup elle relève la tête, sévère, et reprends contact avec la réalité. Elle vise d'abord la branche cassée au sol, mon visage qui doit être rouge et dégoulinant, puis lève les yeux au ciel en haussant les épaules.

— Je ne dis rien mais je n'en pense pas moins, réplique-t-elle.

— Je suis vraiment si mauvaise que ça ?

— Mais non, c'est pas ça ! C'est juste que... Simplement... Ah, ils me prennent la tête ces deux-là !

— Heu... ? m'étonnais-je en haussant les sourcils.

— Petite souris par-ci, petite souris par-là ; je vais finir par la bouffer, la petite souris, gronde-t-elle entre ses dents.

— Petite... souris ? De quoi tu parles ?

— Même toi, il ne t'a jamais donné de surnom aussi ridicule, fait-elle remarquer en me jetant un regard.

Alors que j'étais partie pour aller attraper ma bouteille d'eau posée tout près dans l'herbe, je me stoppe dans mon geste tandis que je percute enfin de quoi elle parle. Lya et Benjamin ! Je ravale rapidement une grimace et me saisis de ma gourde pour boire de longues gorgées sans répondre. Depuis que les choses se sont rétablies suite à notre retenue sur le territoire du Nord, Benji, dans toute sa sociabilité, a pris la jeune femme sous son aile malgré qu'elle soit une ancienne captive de l'ennemi. Et, effectivement, je crois l'avoir déjà entendu donner ce surnom à l'hybride asiatique, mais je ne sais pas d'où ça vient... Pas plus que Louise, que ça agace prodigieusement. Je repose ma bouteille et souffle profondément avant de hausser les épaules.

— Non, mais il n'a jamais donné autant d'amour et d'attention à qui que ce soit d'autre que toi ! Je suis sûre que c'est simplement pour la mettre à l'aise, ça va lui passer.

— Ça pourrait lui passer tout de suite, ça fait deux mois maintenant ! Qu'on ne vienne pas me dire que Lya n'est pas intégrée. Elle s'est même soumise à l'autorité de Taylor.

— Oui, enfin, techniquement Taylor n'est que le Bêta... Et comme il refuse de prendre la succession de l'Alpha et que personne n'a l'air de vouloir se dévouer...

— Attends, ce n'est pas toi qui avait dit que ce n'était pas plus mal ? Comme ça, ça empêchait Raphaël d'accéder au rang et cela permet de protéger l'Alpha si le Nord décide de refaire des conneries, se rappelle-t-elle.

Je me mortifie à sa remarque mais acquiesce malgré tout. C'est en effet ce que j'avais suggéré, l'important à ce moment-là étant surtout d'empêcher le benjamin Khole de faire n'importe quoi. Mais la meute n'en restait pas moins fragilisée ; Taylor portait tout à bout de bras, et indépendants ou non, nous avions besoin d'un leader... Surtout qu'il ne s'était pas réconcilié avec Simon et qu'il n'acceptait pas que Jenifael entretienne des liens avec Florian sans faire partie de la meute. Il avait pour l'instant l'autorité sur les autres ; jusqu'à quand ?