2. La Meute de l'Est

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Je me retourne dans mon lit, encore. Je repousse la couette trop chaude d'un coup de pied et lâche un long soupir quand je sens mes jambes emmêlées dans les draps.

Je me redresse et tends le bras pour attraper mon téléphone. Déjà une petite heure que je suis réveillée, mais impossible de retrouver le sommeil. Je suis hantée par des rêves de plus en plus sombres, à deux pas du cauchemar ; moi qui n'ai jamais eu de mal à dormir, j'ai maintenant un mauvais pressentiment qui me serre discrètement le ventre. Je voudrais croire que ça s'estompera, mais l'instinct de l'animal n'est pas dupe.

Je finis par pousser ma couette par terre, au pied du lit, et me lève. J'enfile un débardeur ample et un shorty, et ouvre les rideaux. La journée va être ensoleillée, il va falloir en profiter, bientôt l'immense forêt verdoyante qui couvre les deux tiers de notre territoire va se couvrir de blanc et le gibier va se mettre à l'abri pour l'hiver. Je me détourne, glisse mon portable dans mon soutien-gorge et regroupe rapidement mes cheveux sur le haut de mon crâne avant de sortir et de descendre. Ma chambre est toute proche de l'escalier, j'ai donc moins de chances de réveiller les autres, et mon ouïe fine intercepte plusieurs ronflements avant que je ne me glisse sur les marches. J'ai entendu le pas ferme de quelqu'un tout à l'heure, et une odeur de café est en train de remonter, un mâle est sûrement en train de se préparer son petit-déjeuner pour la journée chargée qui l'attend.

Je descends et retiens un grognement en réalisant que c'est Mathias qui est levé. Il est occupé devant la plaque à induction, mais son dos et son odeur sont uniques. Mathias la brute, Mathias qui parle mal, Mathias qui n'en fait toujours qu'à sa tête et ne laisse jamais savoir ce qu'il pense ; mais Mathias, l'homme qui prépare le petit-déjeuner collectif dans ses bons jours. Difficile de décrire mes rapports avec lui... Électriques, sans aucun doute. Il aime me tenir tête et je déteste me faire marcher sur les pieds.

— Salut, je bredouille.

Je viens m'installer près de lui et attrape un verre pour me servir du jus de raisin. Tous les autres occupants de cet immense chalet sont au jus d'orange, mais je n'aime pas vraiment.

— Salut, miss chiante, répond-t-il en me voyant faire.

— Parles toujours, tu m'intéresses.

J'attrape mon portable et me hisse sur un des tabourets du bar. La grande cuisine ouverte donnait sur une immense table où nous prenons nos repas tous ensemble, et un large salon organisé autour de la cheminée. De larges baies vitrées donnent accès à une petite terrasse cosy ; et au centre l'escalier, qui mène au long couloir de chambres du premier étage. Le chalet ressemble davantage à une auberge, mais nous avons besoin de place pour pouvoir tous y vivre.

— Allez, arrête de râler, j'ai fais le petit-déj'.

— Même pas en rêve, je mange rien qui vienne de toi, c'est empoisonné à coup sûr, je réponds en continuant de guetter mon écran.

Je l'entends vaguement souffler d'agacement, un bruit d'assiettes, le plafond qui craque. Il s'approche de moi et pose une assiette, avant de retirer sa main dans un violent courant d'air.

— Mange-moi ça, et admets que même pour la cuisine je suis le meilleur.

Je dévisage les deux pancakes recouverts de miel qu'il vient de me servir. Cet enfoiré sait exactement comment m'amadouer... Je m'empare prudemment de ma fourchette en soutenant son regard. Mathias Stalyo, l'homme au regard insondable. Ce type est doté de deux iris brun foncé, un brun profond, presque noir et en même temps... lumineux. Comme à son habitude, ses cheveux noirs sont en bataille et sa barbe n'a que quelques jours. Attitude volontaire, silhouette carrée, stature imposante ; l'un des meilleurs guerriers de la meute. Ça fait déjà un moment qu'il nous a rejoint, mais il est aussi mystérieux que charismatique et je n'ai pas encore réussi à lui soutirer l'histoire de son passé.

Heart of Wolf - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant