35. Simon

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Je finis par quitter la chambre, enroulée dans un plaid, mes longueurs brunes tombant devant mes yeux. Je marche comme un fantôme à travers le couloir, et ce n'est que lorsque j'atteins le salon que j'ai enfin chassé les images de mon esprit.

Une lumière tamisée est allumée au coin de la pièce. Je hausse les sourcils et fouille la pénombre du regard. Mais ce n'est que Simon, qui semble concentré sur la télévision allumée près de la cheminée. Hayden a allumé un feu un peu plus tôt ; il n'y a plus que des braises rougeoyantes.

— Tu dors pas ? demande-t-il sans quitter l'écran des yeux.

— Cauchemar, répondis-je dans un souffle.

Il acquiesce en se tournant vers moi, me détaille rapidement, puis se détourne pour s'emparer de son portable posé près de lui.

— Tu n'es pas avec Hizae ?

— Trop dur, marmonne-t-il entre ses dents serrées.

Je me mords la lèvre et continue ma route jusqu'à la cuisine. Je souffle l'air chaud dans mes mains avant de mettre de l'eau à chauffer dans la bouilloire ; je me prépare un thé, humant à pleins poumons l'arôme apaisant. Mais j'ai peur de fermer les yeux. Ça ne fait que quelques jours...

Une fois l'eau chaude versée dans la tasse, je resserre le tissu douillet autour de mes épaules et glisse mes doigts contre la porcelaine pour rejoindre Simon. Je me laisse tomber doucement près de lui et observe distraitement l'écran de télévision. Un flash info ; des attaques de loups et d'ours dans la campagne montagnarde.

— Toute cette haine contre les canidés, c'est dégueulasse, souffle-t-il.

— On ne peut pas vivre avec les humains, murmurais-je pour moi-même.

Nous restons un moment silencieux, le bruit faible de la télévision emplissant la pièce au milieu de mes gorgées longues et hésitantes. Je serre les dents en lançant un regard de côté à Simon ; je sais pourquoi il n'est pas auprès d'Hizae. Je sais qu'il aimerait veiller sur elle jour et nuit et l'aider à se relever de cette épreuve ; elle qui s'était un peu ouverte, elle est redevenue la solitaire craintive et silencieuse qu'elle était en arrivant ici. Mais la voir si fragilisée et vulnérable lui renvoie sa propre incapacité à la protéger en pleine figure et il n'a pas encore digéré ce qu'il voit comme un échec.

— Et toi, tu n'es pas avec Mathias ? finit-il par soupirer.

— Chaque cauchemar le réveille. Je n'ai pas réussi à me rendormir ; je le laisse se reposer un peu.

— C'est vrai qu'après avoir passé plusieurs nuits à te voir dans ton état le plus déplorable, il avait pas l'air en forme, se moque-t-il sans conviction.

J'ai une petite grimace au souvenir de ces dernières nuits et me concentre sur l'écran sans répondre. Que dire, de toute façon ? Il a raison. Ça se lisait sur le visage du guerrier qu'il était épuisé. Rongé par la haine, la colère et l'impuissance.

— T'as vraiment dû être dégoûtée pour passer tes nuits à vomir, remarque-t-il.

— En parlant de ça j'ai faim, alors me cherche pas trop si tu veux pas que je te bouffe, rétorquais-je.

— Ouhh, j'ai peur.

Je lui lance un regard assassin tandis qu'il me sourit. Je soupire et secoue la tête, l'air dépitée. Un nouveau silence s'installe mais, dans la lumière tamisée du salon en pleine nuit, il est bienvenu.

— Tout s'est passé trop vite. D'abord, Letty qui rend son dernier souffle, le déchirement, la conclusion qu'elle et Mathias sont liés. Puis on réalise que son père est toujours en vie et qu'il a rejoint la meute du Nord juste avant que son fils ne l'abatte dans la précipitation, sans pouvoir poser de questions...

Heart of Wolf - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant