Heart of Wolf - Tome I

17. Ville

Dans les parcs de la ville, il m'est encore aisé de suivre la trace de Florian, mais il semble continuer vers le centre-ville et les odeurs y sont bien plus difficiles à isoler qu'en forêt ; du moins elles sont bien différentes et la pollution ambiante domine sur tout le reste. Difficile aussi de me fier aux traces de pas, puisque les rues sont déneigées, mais je m'accroche à cette petite effluve caractéristique des hybrides. Je viens rarement ici, si ce n'est pour les courses et le travail. Pour subvenir aux besoin de la meute, plusieurs d'entre nous ont un emploi ici, et pour ma part, être vendeuse dans une épicerie de la périphérie me convient tout à fait. Pas trop de fréquentation, pas de situations à risque, et des horaires aménagés. Je suis donc à l'aise en traversant les quartiers, mais plus je me rapproche du centre, plus il y a de monde, et même en ayant passé ma vie à apprendre à contrôler ma seconde nature, je ne suis pas à l'abri.

Enfin je débouche sur la place centrale, et à mon grand désespoir, je perds la piste du jeune chasseur tellement les odeurs sont fortes et nombreuses. Je suis le mouvement de foule sans me décourager, espérant qu'il est quelque part dans le coin. Un centre commercial fait face à un McDonald's, tous deux installés dans des bâtiments anciens. Pas d'immeubles de plus de trois étages en ville, et surtout des maisons en périphérie ; les quelques bâtiments modernes, plutôt carrés et faits de verre, se trouvent dans le quartier des affaires au sud. Je soupire et tente de guetter à travers les vitres du fast-food, mais je ne crois pas que ce soit vraiment le genre du jeune Morel.

Après avoir étudié rapidement les flux de personnes, je m'extirpe de la foule pour rejoindre l'artère qui semble la moins fréquentée et donc la plus calme. Un hybride perdu dans une ville d'humains aurait tendance à s'isoler pour se mettre en sécurité, et puis même si je ne retrouve pas la trace de Florian à cet endroit, je pourrais au moins réfléchir sereinement à là où il pourrait être. Je ne m'inquiète pas trop pour lui, mais je me demande quand même bien ce que fait le plus jeune de la meute en ville. Peut-être pour réparer un de ses appareils électroniques...

Alors que je suis plongée dans mes pensées et que j'observe pensivement les devantures, un éclat de feu attire mon regard. Je suis d'abord surprise en croyant apercevoir Louise, mais je m'arrête net en découvrant une autre jeune femme à la crinière rousse encore plus longue que celle de l'espionne.

Et elle est en train de parler avec Florian.

La rouquine se tient dans l'encadrement de la porte d'une boutique d'antiquités, un chiffon à la main, penchée à l'extérieur et tournée vers le jeune homme. Quant à Flo, il se tient les mains dans les poches et, s'il a l'air intéressé par quelque chose, la loquacité de la jeune femme semble lui peser. Elle doit être en train de se montrer trop curieuse... Incapable de saisir le moindre mot de leur discussion à cette distance, je me résous à m'asseoir sur les marches de la première entrée que je repère et continue à les observer sans me faire remarquer. De loin, la jeune femme semble un peu insistante, si bien que le chasseur finit par adopter une position défensive, avant qu'un vieil homme n'apparaisse. Il fait signe aux deux jeunes, discute un bref instant avec Florian, puis ils entrent tous les trois dans la boutique. Je hausse les sourcils, inquiète. Et si c'était un piège ? S'il s'agissait de chasseurs ? Le tableau serait improbable, mais ce n'est pas impossible. Après tout... Je sursaute lorsque mon téléphone se met à vibrer dans ma poche et je l'attrape en soufflant.

— Détends-toi, Jess, il sait ce qu'il fait...

Si le moindre truc avait cloché, il se serait tiré. Je décroche mécaniquement sans regarder de qui il s'agit, gardant à l'œil l'entrée de la boutique.

— Oui ?

« Jess ? C'est Taylor. Je te dérange pas ? »

— Ah, non, t'inquiètes pas. Qu'est-ce qu'il y a ?