Heart of Wolf - Tome I

5. Le début de l'hiver

Cela fait trois jours déjà que je fuis le chalet comme la peste. J'évite Mathias, j'évite Julien, j'évite Benjamin, et je tente d'oublier les souvenirs. Les cris de joie et les rires deviennent aussi douloureux que la peur et les larmes.

Le matin, je me lève tôt pour suivre Simon en silence dans ses rondes qui se font de plus en plus courtes ; il essaie de gagner du temps ici pour en prendre plus avec la jeune chasseuse qui nous a rejoint, évitant ainsi de croiser le nouveau Bêta avec lequel les relations sont extrêmement tendues. Ils ne deviendront pas amis, c'est sûr. Mais ils ont suffisamment de jugeotte pour ne pas se battre l'un contre l'autre et provoquer un combat au sein même de la meute.

Une fois que j'ai fais le tour des frontières, j'en profite pour aller courir et je plonge dans les eaux froides du lac en guise de douche. Mon poil s'épaissit, et même s'il n'est pas imperméable, il me protège bien du froid. Succède à cela la chasse, je mange, je chasse, encore et encore, sous la course lente du soleil dans le ciel. Je passe le plus clair de mon temps sous forme lupine, comme lorsque nous avons dû reconstruire ce que la Meute du Nord a tenté d'anéantir.

Je suis tranquillement allongée au bord de l'eau, sur un rocher plat au soleil, lorsqu'un bruissement me fait relever les oreilles. J'ouvre les yeux et lève la tête, observant les environs, jusqu'à ce qu'une louve gris cendré émerge de la végétation. Je la salue d'un petit signe de tête et elle s'avance calmement, saute sur le rocher, et viens s'allonger contre moi.

— J'étais sûre de te trouver ici.

— J'aime venir ici pour réfléchir et m'apaiser, répondis-je.

— Écoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Ta petite crise de solitude, elle ne sert à rien.

— Merci Louise, mais je...

— J'ai pas fini ! Mathias est super tendu parce qu'il ne comprend pas ton comportement, et Benjamin se fait du souci. J'en ai marre d'être ton amie et de devoir lui dire comment tu vas dès que je le croise, même si c'est pour la cinquième fois de la journée, soupire-t-elle.

— Il y a certaines choses que je ne peux pas dire...

— Essaie pas de me faire croire que ta brève et inutile relation avec Raphaël t'a traumatisée, me rembarre-t-elle.

— Mais non ! C'est juste que je ne veux faire souffrir personne. Et puis, admets que c'était inattendu !

— Oui, sûrement oui ! Va demander à Jia ce qu'elle en pense, tu verras ! Bon allez, j'en ai assez de t'écouter raconter des inepties. Secoue-toi un peu et viens avec moi, madame la guerrière à deux balles !

Je laisse échapper un couinement. Elle se lève, et me pousse du museau pour que j'en fasse autant.

— Guerrière à deux balles, sérieux, c'est pas sympa.

— Ce qu'il te faut ce n'est pas quelqu'un de sympa, mais de ferme !

Je souffle et grogne en me levant à mon tour. Même si elle est venue me voir, je sais qu'elle ne compte pas faire l'effort d'attendre – c'est dans ses habitudes. C'est une femme dynamique, elle est toujours pressée, et elle partira de son côté si je ne fais pas l'effort de m'activer un minimum. Je me demande d'ailleurs bien quelle est sa définition des vacances détente ! Je trottine sur quelques mètres pour la rattraper et calque mes foulées sur les siennes pour rester à sa hauteur. Un frisson électrique court le long de ma colonne vertébrale ; Aëlys.

— Qu'est-ce que tu comptes dire à Mathias ? Parce que, soyons réalistes, tu ne vas pas continuer à fuir depuis le seul acte courageux qu'il ait jamais fait.