23. Jenifael

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S'il y a une chose dont je suis certaine désormais, c'est que Louka a un réel talent pour gagner du temps. Lorsque nous l'avons traîné au chalet suite à son combat contre Julien, nous avions parlé de lui laisser « quelques jours » ; ça fait presque deux semaines. Personne n'a cherché à le stresser malgré la fragilité évidente de la meute, mais ces dernières semaines ont été calmes, alors j'imagine que ce n'est pas si grave... J'étais en train de pianoter sur mon ordinateur, installée à la table de la cuisine, quand la porte s'ouvre dans un courant d'air froid. Je frissonne et tourne la tête pour voir apparaître Florian, ce qui m'arrache un sourire.

— Salut jeune travailleur, le saluais-je avec amusement.

— Eh oui, maintenant moi aussi je gagne ma vie, réplique-t-il avec un clin d'œil.

Comme je l'avais pensé, Florian a rapidement parlé de son nouvel emploi chez l'antiquaire à son frère. Même si Hayden n'avait pas franchement l'air d'accord, il l'a laissé faire, tout en lui faisant promettre de ne pas faire de boulette. J'ai évoqué une fois l'hybride rousse devant eux ; le plus jeune a grimacé, mais ça a tout de même eut l'air de rassurer son aîné. Au moins, ils étaient deux, même si on ne savait rien de cette louve solitaire.

— Comment ça s'est passé ?

— Plutôt bien. On s'habitue vite, finalement ; et puis il ne se passe presque rien là-bas.

— Et avec ta collègue ? le taquinais-je.

Il a une moue dépitée, mais semble tout de même moins désespéré que les premiers jours. Puisqu'évidemment, elle faisait effectivement des heures supplémentaires le soir, pour payer le loyer de son appartement en ville. Je tapote la table près de moi pour l'inviter à s'asseoir et il attrape une canette de soda avant de se laisser tomber sur la chaise près de moi dans un soupir.

— Cette fille est vraiment tarée. L'autre jour, elle m'a suivi jusqu'au McDo et s'est assise à ma table sans rien demander. Je te jure, je voulais juste qu'elle me laisse manger tranquille ! Mais bon. Elle s'est mise à poser plein de questions, m'a dit qu'elle savait que j'étais un hybride, et comme je ne répondais pas elle m'a raconté sa vie pour se donner contenance.

— Comment ça ? m'étonnais-je.

— Bah, visiblement, elle est toute seule et elle a un appartement dans la périphérie nord-est de la ville. Mais elle habitait à Paris avant, et vient des États-Unis. Donc je lui ai gentiment demandé ce qu'elle fichait là. Quand elle a été mordue, elle est venue s'installer ici parce qu'il y a la meute juste à côté.

— Eh bien, elle n'a pourtant pas l'air si intéressée, elle n'est jamais venue par ici, me moquais-je.

— Ouais, je te dis, elle est un peu bizarre. Mais bon, je dois lui reconnaître qu'elle a le smile et de l'énergie à revendre. Elle m'a regardé avec ses grands yeux bleus et m'a dit qu'elle aimait beaucoup la couleur des miens, tu parles d'une approche, souffle-t-il.

Son attitude et la description qu'il dresse de la jeune femme m'arrachent un rire. Décidément... Je le scrute avec curiosité.

— Une américaine dans notre petite ville, ce n'est pas commun...

— Je crois qu'elle est venue pour les études en France. Et puis après, j'imagine que comme la plupart d'entre nous, elle a arrêté et est venue se réfugier ici quand elle a compris qu'elle était devenue... autre chose.

— Bon. Et alors, comment ça s'est fini ?

— Oh, je lui ai fait comprendre qu'elle me tapait sur le système et que je voulais être tranquille. Elle est partie et je ne l'ai pas revue le lendemain. Après elle a gardé ses distances. Et ce soir elle m'a pris à part pendant qu'il n'y avait personne pour me dire qu'elle était désolée de s'être imposée comme elle l'avait fait ; qu'elle était un peu extravertie et que l'excitation de rencontrer quelqu'un qu'elle sentait être comme elle a aggravé son cas.

Heart of Wolf - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant