Heart of Wolf - Tome I

9. Mathias

Une tasse de thé bien chaud entre les mains, je suis appuyée contre le montant de la baie vitrée qui donne sur la terrasse et la forêt au loin. Le paysage est immaculé à perte de vue et, en ce plein mois de décembre, à quelques jours de Noël, les flocons tombent par centaines de milliers sur les arbres nus et le sol parsemé d'empreintes plus ou moins récentes d'hybrides. Je baisse les manches de mon sweat chaud sur mes doigts, mes cheveux retombant sur mes épaules, et je bois une gorgée avec prudence. Il est déjà tard, pourtant c'est dimanche, tout le monde traîne presque en pyjama dans le salon et je sens tout à coup deux bras se glisser le long de ma taille.

— Bonjour...

— Bonjour, miss chiante, réplique-t-il avec amusement.

Je souris et lève les yeux au ciel alors qu'il repousse mes cheveux pour m'embrasser dans le cou.

— T'as de la chance, j'ai la flemme de me refaire un thé, sinon soit sûr que je t'aurai renversé cette tasse de liquide bouillant juste pour satisfaire mon désir de vengeance, le menaçais-je.

Je tourne la tête et il m'embrasse doucement, avec délicatesse. Je prolonge quelques instants, avec plaisir, jusqu'à ce qu'un grand bruit se fasse entendre dans l'escalier.

— Mais pose-moi, bon sang !

Benjamin éclate de rire en tanguant sur les dernières marches, embrasse la tempe de Louise, et finis par la reposer enfin sur le sol. Elle lui lance un regard tellement furieux que j'ai presque peur qu'elle le frappe, mais elle se contente d'une petite tape et le rembarre gentiment – mais avec fermeté.

J'échange un regard amusé avec Mathias et bois quelques gorgées qui me réchauffent de l'intérieur. Hizae et Simon sont sur le canapé ; la première allongée sur le dos, la tête posée sur les genoux du second. Florian pianote fébrilement sur son téléphone, non loin d'eux, et le discret couple échange des sourires timides à chaque sursaut de bonheur – ou d'agacement – du plus jeune sur son jeu. Nadya et Hayden se sont portés volontaires pour préparer à manger et Benjamin est en train de mettre son grain de sel dans leur moment de complicité ; Louise se hisse sur un des tabourets du bar, tandis que Taylor et Jia sont l'un en face de l'autre à la table du salon. Julien est sorti, il profite toujours de l'hiver comme de l'été pour aller profiter à droite à gauche... et éviter de rester coincé dans ce « trou paumé ». Les frères Khole ont annoncé qu'ils partaient quelques temps ; peu importe pour quoi, au moins, ils nous fichent la paix. Tout comme Kelly, l'une des sœurs Harper ; partie prendre « des vacances » suite à la disparition de sa sœur Mia, toutes deux aussi détestables que Raphaël et Jordan.

Mathias me fait légèrement pivoter dans ses bras et glisse sa bouche près de mon oreille ; je sens sa barbe me piquer la pommette.

— Tout le monde est réuni, pas d'emmerdeurs à l'horizon... Mais quelque chose a l'air de te chagriner.

— Eh bien, je sais que tu ne peux pas la sentir, mais j'aurai aimé qu'Aëlys soit restée.

— Quoi, je ne te suffis pas ? s'amuse-t-il. Je ne suis pas assez attentif pour deux ?

— Si, bien sûr, ce n'est pas ça... Tu sais très bien que c'est parce qu'elle est ma liée.

Il m'observe et acquiesce finalement en souriant, replongeant son visage dans mon cou.

— Oui, je sais, murmure-t-il.

Il sait que c'est ma liée, mais s'il savait ce que c'était... S'il pouvait comprendre la force du lien entre nous, l'intensité de ce qui nous lie, peut-être qu'on pourrait en discuter plus en profondeur. Mais nous sommes les seules liées de la meute, encore que la petite rousse n'en fait même pas partie, et elle est repartie dans le courant de l'automne, ma saison préférée, celle dans laquelle ma louve s'épanouit le plus.