11. Aëlys

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Plus tard dans l'après-midi, alors que je m'ausculte devant la cabine, sous son regard dubitatif, Aëlys soupire et secoue la tête.

— Allez, enlève ça, c'est moche.

— Moche comme toutes les précédentes...

— Essaie la bleue que je t'ai trouvée ! exige-t-elle à nouveau.

Je lui tire la langue et repousse le rideau pour m'exécuter. Alors que je repose la robe sur son cintre, elle soupire près de moi, appuyée contre le montant de la cabine.

— Si celle-ci ne te va pas, j'abandonne. En plus Andréa va finir par m'attendre et elle déteste le retard, maugrée-t-elle.

— Ne perds pas espoir, le bleu marine ça me va bien. Andréa, c'est ta cousine ?

— Ah, oui, désolée, elle est tellement exubérante qu'elle en oublie souvent de se présenter...

— Moi je la trouve mignonne, assurais-je en enfilant la robe.

Aëlys laisse planer un silence, plongée dans ses pensées. Je n'ajoute rien, curieuse de voir si elle va m'en dire plus.

— Tu sais, ce n'est pas une coïncidence si on est si différentes et pourtant si proches. Elle... Il y a quelques années maintenant, elle s'était perdue dans la forêt en voulant ramasser des pommes de pin. Vraiment ridicule, mais bon, dès que je me suis aperçue qu'elle s'était fait la malle, je suis allée la chercher ; elle est un peu plus jeune que moi. Au départ, c'est elle qui s'est retrouvée en face de cet énorme loup. Je l'ai poussée en arrière pour la protéger...

— ... et c'est toi qui a été mordue, concluais-je.

— C'est notre petit secret, avoue-t-elle.

Je reste pensive un instant. Si je sais qu'elle n'a jamais considéré le fait d'être une hybride ni comme une libération, ni comme une malédiction, je ne me doutais pas que le souvenir de sa morsure était si lourd à porter. Bien souvent, les « jeunes mordus » se transforment dans les vingt-quatre heures qui suivent la morsure, des premières minutes aux derniers instants – plus rarement. Si ça a été le cas pour Aëlys, Andréa fut témoin de toute la scène, et c'est le genre de truc difficile à expliquer.

Je noue le nœud sur ma taille, et décide de changer de sujet.

— Ça y est, je suis prête !

Je tire le rideau avec entrain, et elle se redresse pour me détailler. Je la vois se détendre progressivement et finir par esquisser un sourire.

— Pas mal, se contente-t-elle de dire.

Je penche la tête et m'observe avec un petit sourire satisfait. La robe-pull qu'Aëlys a déniché est faite dans un tissu bleu marine soyeux ; elle possède un buste cache-cœur, des manches longues, et une ceinture intégrée à la taille. La longueur est parfaite pour mes jambes musclées par les nombreuses heures de chasse, à se propulser sur les proies. Aëlys sort son téléphone pour prendre une photo pendant que je m'observe une dernière fois, et elle jette un œil à l'heure.

— Dépêche-toi de te rhabiller, Andréa va vraiment finir par m'attendre !

— Elle t'a donné rendez-vous à cinq heures, non ?

— Oui, cinq heures dernier délai. Tu crois vraiment qu'il lui faut une après-midi pour acheter des guirlandes ? se moque-t-elle gentiment.

Je souris et hausse les épaules avec une petite moue amusée.

— Ça pourrait être une fanatique indécise, tentais-je.

— Tais-toi et va te changer ! s'impatiente-t-elle.

Heart of Wolf - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant