19. Retour

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J'étais bien positionnée, à bon vent, ce qui me permettait d'anticiper les bruits des mouvements de mon adversaire ainsi que la provenance de son odeur. Mais ça ne suffit pas : il change rapidement de trajectoire et, lorsque je plie mes postérieurs pour bondir plus loin, hors de ma cachette, je dérape et il s'agrippe à mon dos en m'entraînant avec lui. Il s'écarte rapidement, mais nous roulons tous deux un peu plus loin dans un jet de terre humide et d'herbe sèche. Il saute immédiatement sur ses pattes, prêt à repartir à l'assaut mais, épuisée et le souffle court, je reste allongée au sol sur le flanc.

Ça va ?

Je n'en peux plus, j'ai assez donné pour aujourd'hui, grognais-je tout bas.

Le loup noir fait claquer ses mâchoires mais même cet avertissement ne suffit pas à me faire bouger. Il continue à se rapprocher ; je sais que je suis vulnérable, qu'en conditions réelles je serai considérée comme une proie facile et que j'aurais sûrement déjà été attaquée. Mais mes muscles ne répondent plus et je sens mon corps entier être agité de tremblements de fatigue. Il frôle ma gorge de ses puissantes mâchoires, babines relevées, crocs dehors, dans une pure et simple menace : brusquement trop exposée, ma louve reprend le dessus et se redresse en grondant férocement, laissant son aura s'étendre. Le noir recule de quelques pas, les oreilles plaquées contre son crâne, mais ne laisse pas échapper la moindre plainte. Lentement je me relève au milieu de la forêt, haletante, perdue dans une zone au sud-ouest où les arbres sont espacés et cohabitent avec de nombreux buissons.

L'ennemi ne te laissera jamais de répit, réplique-t-il froidement.

Je sais qu'il est dur uniquement pour me pousser au-delà de mes limites et qu'une fois de plus, il veut être sûr que je sois capable de me défendre en cas d'attaque. Je soupire bruyamment et lui lance un regard lourd.

Tu n'as pas besoin de veiller sur moi comme une enfant incapable. Je sais me servir de mes crocs.

Alors prouve-le, rétorque-t-il sur le ton du défi.

J'ai beau être assez têtue en tant que femme, ma louve l'est d'autant plus et il n'en faut pas plus pour que je réagisse à sa provocation. Je me place face à lui et bondis dans sa direction après une brève analyse. Il est déjà sur ses gardes et connaît mes approches ; ce n'est pas la première fois que nous nous entraînons tous les deux comme ça, pour calmer les nerfs de l'un ou de l'autre. Il ne sera pas facile à surprendre. La meilleure tactique, c'est encore de ne pas faire ce que j'aurais fait en temps normal.

Je plante brusquement mes griffes dans le sol pour déraper sur son flanc droit et pousse sur mes pattes arrière pour me jeter sur lui, gueule ouverte. Je réussis à refermer ma mâchoire sur son poil épais, mais il a été rapide : la sienne vient harponner mon épaule. Je grogne de frustration mais n'en démords pas : une fois repoussé d'un coup de patte au visage, il me relâche, et je me hisse sur son dos en agrippant ses épaules fermement. Ne reste qu'à saisir sa nuque avant qu'il ne me déloge, et si jamais il roule au sol, je risquerais d'être écrasée sous son poids.

C'est la deuxième option qu'il choisit pour se débarrasser de la masse qui l'entrave et je n'ai pas d'autre choix que de m'écarter rapidement alors que mes crocs plongeaient vers sa nuque. Il faut croire que je manque encore de rapidité malgré ma souplesse. Pourtant je suis plus avantagée sous forme lupine, n'ayant jamais réellement pratiqué de sport de combat sous forme humaine, contrairement à beaucoup d'autres membres de la meute dont Mathias. Je roule sur moi-même et me redresse pour retrouver mon équilibre et me relever – vite, avant qu'il ne me piège encore – mais c'est peine perdue. L'exercice m'a demandé bien plus d'énergie et mon gabarit étant plus petit que le sien, je suis renversée sur le dos sans ménagement quand il revient me plaquer au sol avant que je sois à nouveau debout.

Heart of Wolf - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant