Je conduis Hizae jusqu'à l'autre bout du couloir et elle me jette un regard perplexe lorsque je lui fais signe de monter les escaliers qui mènent au deuxième étage, sous les combles, où est installée notre petite infirmerie. Elle ne se doute pas à quel point je connais bien ce bâtiment... Malgré sa méfiance, elle s'exécute, et pivote vers moi lorsque nous arrivons en haut.
— Je ne comprends pas pourquoi tu m'as fait venir ici, dit-elle d'une petite voix.
— On est pas encore arrivées, lui répondis-je avec malice.
Je lui désigne le dernier vélux, tout au fond de la pièce. Une fois arrivées au-dessous, je l'ouvre, et actionne un petit loquet qui me permet de l'ouvrir davantage ; suffisamment pour laisser passer une personne. Je me hisse sur le rebord de la fenêtre et fais signe à la chasseuse.
— Il y a un petit escalier juste là, sur la droite. Je t'attends en haut.
Sans une indication de plus, je disparais sur le toit et glisse prudemment mes pieds sur les petites marches aménagées qui montent jusqu'à une minuscule plateforme installée au bout du toit. Je frissonne ; autant à cause du froid de l'air, que des souvenirs qui remontent à la surface. J'inspire profondément et vérifie que ce n'est pas humide là où je mets les pieds jusqu'à ce que j'atteigne les planches en bois. Au moins, avec les derniers jours de beau, la neige a fondu, mais ça commencera sûrement à geler d'ici peu de temps avec la fraîcheur de la nuit...
Je m'installe sur la plateforme, les genoux repliés contre mon buste. Mes jambes se couvrent de chair de poule, mais en tant qu'hybride, je résiste mieux aux variations de températures et le spectacle en vaut la peine : la lune est gibbeuse, presque pleine, et ses rayons d'argent se reflètent au loin entre les arbres sur la surface du lac, à l'est.
Un soupir de frustration me fait tourner la tête et j'observe Hizae qui s'approche, bien qu'elle semble avoir des difficultés à grimper jusqu'à la plateforme où je suis juchée. Elle ne doit pas avoir l'habitude d'escalader des toits de maisons... Normal, remarque. Je lui souris dans la pénombre et me décale pour lui faire une petite place lorsqu'elle me rejoint enfin.
— Merci.
Elle s'installe, faisant glisser son étole pour s'asseoir dessus, et lève la tête. Elle expire profondément, dans un petit nuage de vapeur, et observe le ciel avec intérêt sans rien dire pendant un moment.
— Tu avais raison, c'est un coin sympa.
Je souris et hoche la tête en guise de remerciement. Je ferme les yeux un instant avant de relever la tête, me mettant à fouiller le ciel à la recherche d'une étoile filante.
— Comment tu l'as découvert ? s'enquit-elle finalement.
— Oh... Je crois que c'est l'un des anciens membres de la meute qui l'a construit. Il venait ici avec son télescope pour observer le ciel à ses heures perdues, racontais-je.
— C'est lui qui t'a montré le coin ? s'étonne-t-elle.
— Non. J'ai trouvé un jour son journal, abandonné dans le chalet, et il parlait de cet endroit.
Il y parlait de sa passion pour ces étoiles bien présentes et pourtant intouchables, et des instants passés sur ce toit avec sa fille unique. Je soupire lourdement et hausse les épaules.
— Mais je n'en ai jamais parlé à personne.
— Même pas à Mathias ?
Je relève la tête vers elle et laisse échapper un petit rire.
— Non, ce n'est pas trop son truc.
Et en réalité, j'aimais avoir mes coins, comme des petits jardins secrets. Mais cette fois, c'était différent ; Hizae aimait regarder la lune, alors, je pouvais bien le partager avec elle. D'autant que dans son regard si expressif, je vois qu'elle gardera ce petit coin pour elle aussi ; nous échangeons un regard complice, comme un secret venant d'être scellé, et relevons le nez vers le ciel.
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Heart of Wolf - Tome I
General FictionUne meute. Plusieurs personnalités, toutes dévouées à un objectif : maintenir la Meute de l'Est et protéger son territoire. Parce qu'au-delà d'une meute, c'est la famille qu'ils se sont choisie suite au bouleversement de leurs vies, qui n'a laissé a...