21. Secrets

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Le chalet est d'un calme presque inhabituel à la tombée de la nuit. Pourtant, malgré l'hiver qui semble s'effacer en avance et la neige qui fond suffisamment pour laisser apparaître les herbes jaunes de l'automne, le soleil continue de se coucher tôt. Je me glisse silencieusement dans le couloir, habillée avec mon petit short et mon pull large qui tombe le long de mon épaule droite. Les vêtements de mon pyjama sont encore froids, mais je n'avais pas le cœur à me glisser sous la couette tout de suite : je descends les marches de l'escalier et salue Hayden que je croise à la cuisine, tandis que les sœurs Parker squattent la télévision au salon. Je leur jette un bref regard mais ne dit rien et laisse le guerrier finir avant de changer de place avec lui pour me préparer un thé. Même le son de la télé est bas, si je n'avais pas une ouïe développée je l'entendrais à peine ; Mia et Kelly semblent prêtes à s'endormir devant. Quant aux autres la plupart sont dans leurs chambres à l'étage ; s'est-il passé autre chose qui m'ait échappé et qui ait fatigué la meute à ce point ? Je ne crois pas, on m'en aurait parlé si ça avait été le cas, peut-être que c'était simplement une journée fatigante comme il y en a parfois.

Une fois ma tasse bien chaude entre les mains, je sors à l'extérieur. Le froid de la nuit lèche mes jambes nues et je frissonne, manquant de me précipiter dans ma peau de louve pour me réfugier sous mon épaisse fourrure protectrice. J'expire lentement, les yeux fermés, et sursaute en entendant un cerf bramer au loin. J'ai l'espoir de l'entendre encore, mais la saison des amours est terminée, et ce n'était qu'un avertissement pour repousser un congénère trop entreprenant sur son territoire. Je souffle lentement et bois une gorgée brûlante avant de m'avancer sous le couvert, atteignant ainsi le bout de la terrasse, et lève les yeux vers le ciel.

Admirer les étoiles a toujours été un moment d'émerveillement pour moi, comme si voir ces points lumineux là-haut était une bouffée d'oxygène, le temps de reprendre mon calme. Papa voulait être astrophysicien, mais les choses ont fait qu'il n'a jamais pu exercer vraiment, c'était seulement une passion quand il réussissait à trouver un peu de temps pour lui... Ce qui n'était vraiment pas évident. Je soupire, liste dans ma tête en les dessinant mentalement : Cassiopée, la Grande Ourse, L'aigle, le Cygne, la Lyre, la Ceinture d'Orion... Une nouvelle gorgée, j'inspire à pleins poumons, et je fais demi-tour, rattrapée par la bise glaciale de l'hiver ; comme pour me rappeler que le soleil des derniers jours a fait fondre la neige mais que le froid domine toujours.

Je reste juchée sur un des tabourets de bar le temps de finir mon thé, le nez plongé dans mon téléphone. Hayden a disparu, Hizae a pris sa place et Florian est assis à table avec un chocolat chaud. Je ne sais pas si c'est parce que nous avons fait plein de choses aujourd'hui, mais j'ai vraiment l'impression que nous sommes au beau milieu de la nuit. Je vérifie, il n'est pas tard ; je pose ma tasse vide dans le lave-vaisselle et souhaite une bonne nuit aux autres dans un murmure avant de remonter. Je saute d'une marche à l'autre en faisant le moins de bruit possible, et c'est cela qui me fait m'arrêter au bout du couloir du premier étage.

Un murmure se fait entendre dans le couloir ; sans le calme ambiant je ne l'aurais pas perçu, mais là, je n'entends pratiquement plus que ce chuchotement, comme un frottement dans l'air. Impossible de distinguer des mots depuis là ; en revanche je peux estimer d'où cela vient. Je hausse les sourcils en suivant le son, ce qui me conduit devant la porte de la chambre que Taylor et Jia occupent ; je me mords la lèvre inférieure et m'apprête à faire demi-tour, ne souhaitant pas m'immiscer dans leur vie privée à leur insu, lorsque mon prénom émerge dans leur discussion. Je me fige et fronce les sourcils ; après avoir analysé le couloir, j'appuie mon épaule lentement contre le montant de la porte et tends l'oreille.

— Tu ne peux pas compter sans arrêt sur elle. Tu es Bêta, prends confiance en toi !

— Mais je ne sais pas gérer les situations de crise ! Tu devrais le savoir mieux que personne, je ne suis pas au point sur le fonctionnement des meutes ; j'ai toujours été solitaire.

Heart of Wolf - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant