Broken.

28.

J'ouvre les paupières, sors du lit, me dirige vers la salle de bain pour débarbouiller ce visage encore endormi. Je m'habille, mange une tartine au beurre à la va vite, me brosse les dents. J'enfiles mes chaussures, prends mon sac sur une épaule et embrasse ma mère avant de sortir. 

Je marche dans la rue silencieuse, mes pas résonnent sur le gravier de l'allée bordée de galets et de cailloux. Le soleil se lève à peine au dessus de la vaste plaine, baignant de rayons d'or le quartier aux toits tuilés. Les pavillons aux portes closes et rideaux tirés, ronflent encore. 

Seule une fenêtre est éveillée. 

Il est assis à son balcon, ses boucles brunes ébouriffées par la brise matinale. Ses yeux bruns, au reflet aussi pur que le miel, rivés sur son livre, ses jambes nonchalamment croisées, sa tête légèrement inclinée dans une posture apte à l'évasion de l'esprit, inspirent à la plus profonde sérénité. Cette enveloppe aux traits harmonieux semble renfermer un trésor de connaissances et d'imagination, un univers impénétrable que je meurs d'envie de découvrir. 

Je ne le connais pas. Il ne me connaît pas non plus. Pourtant, tous les matins depuis mon arrivée dans cette ville, il me sourit depuis son balcon. 

Lorsque j'arrive au niveau de sa maison, il détourne les yeux de son ouvrage et m'adresse un regard plein de chaleur accompagné d'un sourire éblouissant. Je m'empresse de le lui rendre d'un air timide. Je continue mon chemin, l'esprit obnubilé par ce mystérieux garçon. 

Arrivée aux portes du collège, je repense à son sourire rêveur. Il ignore tout du monstre que je suis devenue, il ne sait rien de moi, ni de mon passé. Il se contente de répandre le bonheur depuis son perchoir aux portes du ciel. 

Je relève la tete, portée par un élan de confiance, et je marche avec assurance dans l'allée de l'école, sous les regards inquisiteurs en coin des autres élèves.