Le feu crépitait devant mes yeux, me réchauffant le corps. Et c'était un tel contraste avec mon cœur, car j'avais l'impression qu'il était mort, glacé dans ma poitrine.
"Tu as toute mon attention, fais-moi entendre ta voix, je ne veux rien manquer... Seigneur, mon cœur désire plus de toi.", chantaient en chœur les autres adeptes assis en arc de cercle devant la cheminée.
Une bonne vingtaine de personnes de la communauté était présente dans la pièce. Éric accompagnait la louange à l'aide de sa guitare et tout me dégoutait au plus haut point. Si je m'écoutais, je serais déjà parti depuis longtemps de cette pièce, peut-être même du monastère dans son ensemble, mais c'était comme si j'étais cloué au sol. J'étais dans un état cathartique et rien ne me paraissait plus vraiment réel.
Mon père me mit un coup de coude dans le bras lorsqu'il réalisa que je ne chantais plus et je me remis à réciter les paroles, étant à peine conscient des mots qui franchissaient ma bouche :
"... Conduis-moi à te connaitre plus encore, je veux m'approcher de toi, laisser mes peurs derrière moi.", chantai-je en harmonie avec le groupe.
Je continuai à fixer le feu, me disant pour la première fois de ma vie que ce n'était pas Dieu que je voulais connaitre, ce n'était pas de lui dont je voulais m'approcher, et c'était encore moins pour être auprès de lui que je voulais me débarrasser de mes peurs.
C'était de Louis.
C'était de Louis et ce depuis un moment déjà.
Je vis Éric lancer un regard à l'assemblée et une part de moi me demanda s'il ne cherchait pas Tiago. Heureusement pour lui, ses parents et lui n'étaient pas là aujourd'hui car ils devaient aller chercher un membre de leur famille à l'aéroport.
Lorsque les petits yeux perfides d'Éric rencontrèrent par accident les miens je me retins de ne pas afficher une expression haineuse et je détournai la tête, me reconcentrant sur les flammes qui dansaient devant moi.
Je ne savais pourquoi, mais je ne l'avais toujours pas dénoncé. Je n'avais parlé de cette histoire à personne alors que cela faisait déjà plus d'une semaine que l'incident s'était produit. Comment avais-je pu traiter Louis de monstre alors que je n'étais moi-même pas capable de prendre mon courage à deux mains pour le dire à quelqu'un ?
Seulement, une part de moi savait qu'il y avait quelque chose qui m'échappait, une information qui me manquait pour comprendre cette situation dans son ensemble, et c'était en partie pour cela que je n'osais rien dire.
Je n'avais pas adressé un seul mot à Louis depuis le drame. Je l'évitais, allant jusqu'à partir de chez moi très tôt le matin afin de ne pas avoir à le croiser sur le chemin pour aller au lycée. Il semblait respecter ma volonté puisqu'il n'avait jamais rien tenté pour me parler et je ne savais pas si cette information me soulageait ou me déchirait le cœur.
Mon père me remit un deuxième coup discret, cette fois-ci dans les côtes, et je me remis à chanter, ne m'étant même pas rendu compte que je m'étais arrêté.
Je me tournai légèrement vers les quelques adeptes présents dans la salle, ne pouvant m'empêcher de penser qu'ils avaient tous l'air faux. Ils affichaient tous un sourire courtois, presque désœuvré, comme s'ils étaient là sans réellement savoir pourquoi.
Je le savais, puisque ce même sourire bordait mes lèvres.
Et mes parents, mes chers parents... Ce père qui était actuellement en train de me mettre un autre coup dans les côtes n'avait même pas remarqué que je ne mangeais pratiquement plus depuis plus d'une semaine. Cette mère que j'avais toujours chérie et estimée ne m'avait jamais posé de questions sur pourquoi j'avais en permanence les larmes aux yeux depuis quelques temps.
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We Made It [L.S.]
Fanfiction« Secte : Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes. » Il s'agit de la définition officielle, je n'ai pas eu mon mot à dire. Pourtant lorsque j'y pense ce sont bien d'autres t...