Je me rappelle d'un jour, en primaire. La maîtresse avait demandé à notre classe de rédiger un texte expliquant où nous nous voyions dans vingt ans, le métier que nous voulions exercer, la situation familiale que nous voulions avoir... La plupart de mes camarades avait adoré cet exercice, répondant qu'ils voulaient devenir vétérinaire, pompier ou bien cosmonaute.
Mais lorsque la maîtresse était passée dans les rangs pour ramasser les copies à la fin de l'heure et qu'elle s'était rendue compte que je n'avais absolument rien écrit, elle m'avait dévisagé, les sourcils froncés, me demandant pourquoi je n'avais pas travaillé.
Je lui avais alors expliqué que son exercice était stupide au possible parce que, peu importe les plans que nous bâtissions, peu importe les rêves que nous avions, nous n'aurions pas d'autres choix que de suivre le chemin que le Seigneur avait tracé pour nous.
A cette époque, j'étais si certain que ce que j'avais affirmé était la vérité, que je n'en avais eu que faire que la maîtresse me passe un savon, je n'en avais eu que faire de la punition qu'elle m'avait donnée, je n'en avais eu que faire que mes camarades se moquent de moi,.
Peut-être était-ce parce qu'à cet âge-là, une part de moi était convaincue que Dieu m'avait destiné à un avenir grandiose. Ou peut-être était-ce car j'étais assez présomptueux pour penser que j'étais moi-même extraordinaire. D'aussi loin que je me souvienne, je m'étais toujours senti différent, à part, mais la communauté n'avait fait que creuser ce fossé.
Elle m'avait façonné.
C'était pour cette raison que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas comment ma vie avait pu prendre un tel tournant pour que je me retrouve en pleine nuit à courir main dans la main avec un garçon dont j'étais amoureux, le genou en sang et les poumons en feu.
"On est bientôt arrivés.", me prévint Louis.
Je me contentai de hocher la tête, la sueur coulant le long de mes tempes. J'étais déjà venu à plusieurs reprises chez Niall, je connaissais un minimum le chemin, mais j'étais si déboussolé que je ne reconnaissais plus rien. Les rues se ressemblaient et les maisons se confondaient dans mon esprit.
Je repensai au visage horrifié de la mère de Louis lorsqu'elle avait compris que nous étions en train de fuguer, quelques minutes plus tôt. Aurais-je été capable de continuer, de fuir, si ma mère avait été à sa place ? J'aurais aimé me dire que oui, que je l'aurais fait sans hésiter, mais la vérité était que je n'en savais rien. Mes parents devaient probablement déjà être au courant à l'heure actuelle, que pensaient-ils ? S'en voulaient-ils ? Comprenaient-ils pourquoi j'étais arrivé à un tel extrême ou étaient-ils toujours convaincus qu'ils détenaient la vérité ?
"Harry ?", m'interpela Louis, me faisant sortir de mes pensées.
Mes yeux papillonnèrent jusqu'à ce qu'ils se posent sur lui. Son regard soucieux me scrutait alors qu'il murmurait :
"Tout va bien ? C'est la troisième fois que je t'appelle.
_Je pense à mes parents.", avouai-je en haussant les épaules.
Sa main serra la mienne d'un mélange de compassion et de compréhension, et ce ne fut qu'à cet instant que je réalisai que nous étions devant chez Niall.
Seule une pièce semblait encore éclairée, ce qui ne m'étonnait pas tellement, vu l'heure. Un des lampadaires de la rue clignotait faiblement, attirant mon regard, et je savais que j'aurais été terrifié à l'idée de m'aventurer seul ici sans Louis à mes côtés. Les pires pensées me traversèrent l'esprit. Et si un voleur se tapissait dans l'ombre et sautait sur nous dès la première occasion ? Ou pire encore, et si un des membres de la communauté nous avait suivi ?
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We Made It [L.S.]
Fanfiction« Secte : Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes. » Il s'agit de la définition officielle, je n'ai pas eu mon mot à dire. Pourtant lorsque j'y pense ce sont bien d'autres t...