We Made It [L.S.]

Chapitre 1

Quatre ans plus tôt...

"Si la mer se déchaine, si le vent souffle fort, si la barque t'entraine, n'aie pas peur de la mort...", chantai-je en harmonie avec les autres, balançant ma tête en rythme avec la musique.

Les vitraux de l'église étaient éclairés par une douce lumière hivernale et je remerciai silencieusement le Saint Esprit pour ce si merveilleux temps. Il faisait plutôt chaud pour un mois de février et quelque chose en moi était certain qu'Il me récompensait pour avoir été un aussi bon pratiquant cette année. Aujourd'hui je fêtais mes douze ans et cela me remplissait de fierté. Je devenais de plus en plus grand, ce qui signifiait également que l'on me donnait plus de responsabilités dans la communauté.

Ma mère m'adressa un sourire de l'estrade et je le lui rendis, encourageant. C'était à elle de réciter un psaume cette semaine et je savais à quel point cela la stressait.

"...Allons sur l'autre bord. Il n'a pas dit que tu coulerais, il n'a jamais dit que tu sombrerais, il a dit-"

Je sursautai en sentant quelque chose atterrir sur mes pieds, m'arrêtant dans mon chant. Je baissai la tête et écarquillai les yeux en réalisant qu'il s'agissait d'un avion en papier. Je le saisis, lissant l'une des ailes qui avait été abimée durant son vol, et regardai à droite et à gauche, à la recherche du destinataire.

Après quelques secondes je croisai le regard bleu azur d'un garçon assis deux bancs devant moi. J'étais certain de ne l'avoir jamais vu ici auparavant et de là où j'étais je ne pouvais pas voir le visage de ses parents. Il me tira la langue, le regard malice, et je fronçai les sourcils, n'étant pas sûr d'où il voulait en venir. Il leva alors les yeux au ciel et m'adressa un geste m'incitant à déplier l'avion.

Je m'exécutai, suspicieux, et ma suspicion se transforma en ennui le plus profond lorsque je lus ce qu'il avait écrit :

« Je m'ennuie, pas toi ? »

Je redressai mon visage en direction du garçon qui devait avoir mon âge et je le vis mimer un pistolet avec ses doigts qu'il pressa contre sa tempe. Il bascula théâtralement sa tête vers l'arrière et l'espace d'une seconde je fus partagé entre rire ou m'insurger.

Néanmoins je me ressaisis lorsque je croisai le regard sévère de mon père et je froissai le papier dans ma main.

Je continuais alors à chanter, essayant d'ignorer le garçon aux yeux bleus. Pourtant ce ne fut pas chose facile lorsqu'un deuxième avion en papier atterrit cette fois-ci sur mes genoux.

Je savais que je devais l'ignorer et continuer à me concentrer sur la prière, mais la curiosité me poussa à déplier à nouveau l'objet.

J'étais cependant conscient que la curiosité était un pêché...

« Je rêve ou tu connais toutes les paroles par cœur ? »

Cette fois-ci je soupirai, légèrement blessé. Je ne savais pourquoi mais il avait écrit cela comme s'il s'agissait d'un défaut, de quelque chose de mal.

Cependant c'était lui qui n'était pas sage et qui n'écoutait pas la messe...

Je décidai donc de froisser une seconde fois le papier, l'ignorant pour de bon.

Il ne m'envoya plus de mots jusqu'à la fin de l'heure.

"Joyeux anniversaire mon garçon.", s'exclama le berger en apposant un signe de croix sur mon front.

Je souris, les joues rouges en voyant que tout le monde avait le regard rivé sur moi, et je soufflai sur mes bougies. Tout le monde applaudit, mon père, ma mère et ma sœur Gemma me baisèrent le front et Marie-Madeleine s'attela à découper mon gâteau.