Chapitre 14

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Mes doigts tapaient à une vitesse modérée sur le clavier de l'ordinateur du C.D.I. et je râlai en faisant une énième faute de frappe. Etant donné que l'école était le seul endroit où je pouvais avoir accès à internet, n'ayant pas d'ordinateur, de télévision ou de téléphone chez moi ou au monastère, je n'étais pas vraiment habitué à utiliser toute cette technologie et je devais bien admettre que cela m'handicapait lorsque j'avais des travaux à rendre. C'était d'ailleurs actuellement le cas, puisque notre professeur d'Histoire-Géographie nous avait demandé de réaliser une dissertation sur la guerre d'Algérie. Et, que je le veuille ou non, le moyen le plus rapide et facile pour se documenter était internet.

Cependant, le fait de ne pas avoir d'ordinateur à la maison m'avait quelque peu retardé dans mon travail, ce qui signifiait donc que j'avais dû me priver d'aller manger à la cantine pour finir cette dissertation. Mon ventre gargouillait à un point inimaginable et c'était peut-être encore pire depuis que la documentaliste s'était elle-même absentée pour aller manger.

Comme cette dernière me connaissait bien – j'étais l'un des rares élèves du lycée à aller au C.D.I. -, elle me faisait assez confiance pour me laisser seul ici et je lui en étais reconnaissant. Autrement, mes notes auraient certainement chuté à vitesse grand V. 

Pour le premier trimestre, je plafonnais à dix-sept et demi de moyenne et je ferai tout pour que cela reste ainsi. Quitte à continuer à avoir des troubles du sommeil à force de rester éveillé tard le soir pour réviser.

"BOUH !", hurla brusquement une voix à quelques centimètres de mon oreille.

Je sursautai violemment, cognant mon genou contre la centrale de l'ordinateur, et un rire que je ne connaissais que trop bien emplit la pièce.

"T'es nul, Louis, je bosse !", grommelai-je en me retournant vers lui, ma main massant énergiquement mon genou.

Ses yeux bleus brillaient malicieusement et ses dents étaient plantées dans sa lèvre inférieure, comme s'il était partagé entre la compassion et l'amusement. J'aurais pu râler un peu plus encore, mais la vérité était que je le trouvais sincèrement adorable ainsi.

Son visage avait retrouvé quelques couleurs et même s'il n'avait pas encore repris tout le poids qu'il avait perdu au cours de son isolement, il semblait bien plus en forme. En effet, Louis avait tenu en tout et pour tout dix longs jours avant de craquer et d'annoncer solennellement devant tous les membres de notre communauté qu'il était guéri. 

Je savais qu'il était déçu de n'avoir pas pu tenir plus longtemps, mais honnêtement, j'étais déjà incapable de comprendre comment il avait fait pour tenir autant de jours sans manger de réels repas, enfermé dans un grenier à peine chauffé, et dans une casi-obscurité permanente. J'aurais été absolument incapable de le faire et je l'admirais profondément pour cela.

Toujours était-il que les avis avaient semblés partagés concernant Louis. Certains avaient paru assez convaincu de sa repentance, d'autres n'avaient pas été dupes. Et malheureusement pour Louis, ses parents avaient faits partis de la deuxième catégorie. Désormais, ils agissaient comme s'il n'existait plus. Ils lui laissaient la possibilité de rester vivre chez eux, mais Louis m'avait avoué qu'ils ne lui adressaient plus un seul mot. Il m'avait à plusieurs reprises dit que cela lui était égal, mais je le connaissais assez pour savoir qu'il mentait.

Par ailleurs, personne, pas même Louis, n'avait su qu'Eric et moi nous étions battus. Heureusement pour moi, le coup qu'il m'avait donné au visage ne m'avait laissé qu'un léger bleu que j'avais facilement couvert avec de la poudre de riz, ayant déjà pris cette habitude lorsque Marie-Madeleine nous frappait trop violemment. Quant à Eric, je lui avais effectivement cassé le nez, ce qui était plus difficile à camoufler, mais j'avais entendu dire qu'il avait prétexté être tombé dans les escaliers.

We Made It [L.S.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant