Huit mois plus tard

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Huit mois plus tard ,Gare Part-Dieu, Lyon

Louis

Mon sac de voyage dans la main, j'évitai de barrer la route aux familles pressées, aux hommes d'affaire irrités et aux couples trop occupés à se manger les lèvres pour faire attention au monde qui les entourait. J'avais la sensation de virevolter à travers cette foule, mes yeux désormais habitués au spectacle qui s'offrait à moi.

Je savais que pour certains, les gares n'étaient que synonymes de stress, d'anxiété sociale et d'emmerdes. Pour moi, elles incarnaient la liberté. J'aimais cette impression d'être capable de partir où je le voulais, quand je le voulais. J'étais libre de mes choix, libre de rester, libre de partir.

Libre.

C'était encore un mot que j'avais du mal à assimiler. Naïvement, j'avais espéré que dès l'instant où nous quitterions cette communauté, tout serait fini. Nous aurions été libres. Je n'avais simplement pas réalisé que cette prison dans laquelle on nous avait enfermé pendant des années, elle n'avait jamais été physique.

Elle était mentale, telle une petite voix qui nous ramenait inlassablement dans ce monastère à chaque fois que nous baissions notre garde.

Encore, et encore.

Je secouai la tête, éloignant l'espace d'un instant ces pensées de mon esprit et me reconnectai à la réalité.

Mes doigts s'agrippèrent alors un peu plus encore à l'anse de mon sac et un sourire goguenard s'étendit sur mes lèvres à mesure que mes pas se rapprochaient de la sortie.

Je le connaissais par cœur, je savais qu'il ne m'attendait pas dans la gare, il n'y rentrait jamais. Tout ce monde, il n'y était pas habitué. Et si moi je trouvais cela réconfortant, lui, cela le terrorisait.

Les rayons du soleil réchauffèrent mes joues à l'instant où je sortis. Il faisait particulièrement chaud pour un mois d'octobre, ma veste en jean me donnant l'impression que j'allais étouffer. Du coin de l'œil je vis des gens se prendre dans les bras, savourer leurs retrouvailles, et cela ne fit que me faire accélérer sous l'impatience.

Mon cœur battait la chamade alors que je le cherchais du regard, la foule ne se désépaississant pas. Néanmoins, mes yeux rencontrèrent brusquement deux iris vert émeraude et il me fallut une seconde pour m'en remettre. En quelques mois, il avait tant changé que j'avais parfois du mal à me souvenir de son visage d'antan. Ses cheveux étaient légèrement plus longs, ses joues plus creuses, son corps à la fois plus frêle et plus musclé qu'auparavant. Ses yeux étaient bien plus durs, plus sombres qu'avant, et c'était de loin le plus marquant. Il y avait cette noirceur, cette culpabilité qui le hantait toujours. Pourtant, tout cela sembla dérisoire lorsqu'il m'aperçut et qu'un immense sourire prit place sur ses lèvres pleines. Il était à couper le souffle, et je me sentis profondément chanceux d'être la raison de ce sourire éblouissant.

Avant même que je ne le réalise, je me mouvai jusqu'à ce que mon corps percute le sien dans un bruit sourd. Mes bras autour de son cou me hissèrent dans ses bras alors que ses mains soutenaient mes cuisses et en un rien de temps je me retrouvai enroulé autour de lui, là où était ma place.

"Tu m'as manqué.", me souffla Harry dans le creux de l'oreille, ses lèvres effleurant ma mâchoire.

"Enfin de retour à la maison !", approuvai-je, euphorique.

Depuis ce fameux soir, ce soir où tout avait basculé, c'était tout ce à quoi je pensais : retourner chez moi. C'en était devenu une obsession. Si je n'étais pas avec lui, je ne faisais qu'attendre le jour où je le reverrai. Mais il avait fallu un temps à cet idiot frisé pour comprendre que lorsque je parlais de chez moi, je ne parlais pas d'une vulgaire bâtisse, mais bien de lui.

We Made It [L.S.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant