Chapitre 16

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Le soleil commençait à décliner derrière les chênes qui encerclaient la propriété et je soufflai, de la buée quittant mes lèvres, alors que je m'asseyais sur les marches devant le bungalow que je partageais avec mes parents.

Une teinte rosée peignait le ciel et j'enfouis ma main gantée dans la poche de mon manteau, y sortant un papier. Enfin, pas n'importe quel papier. Lorsque Louis avait appris que je ne serai pas avec lui lors des dix premiers jours de vacances, il avait évidemment été tout sauf content. Néanmoins, il avait fini par soupirer de lassitude, sachant que je n'avais pas le choix. Ce fut lors de notre dernière journée d'école, quelques heures avant que je ne parte en retraite, qu'il m'avait donné une enveloppe. Il m'avait fait promettre de ne pas l'ouvrir avant le vingt-quatre, chose que j'avais respecté.

Mais aujourd'hui avait été le jour J et ouvrir sa lettre avait été la première chose que j'avais faite après avoir ouvert les yeux ce matin.

Depuis quatre jours, ma vie n'était rythmée que par le jeûne, la prière et les cours bibliques. Prier n'avait jamais été un problème auparavant, mais là, c'en était trop. Je ne supportais déjà plus d'être ici, dans cet endroit frigorifique, entouré de dizaines de personnes – la plupart faisant partie d'autres communautés – dont je n'avais que faire. Ni les bungalows ni la maison principale n'étaient équipés de chauffage, nous n'avions droit à rien d'autre que de l'eau et des flocons d'avoine le matin, et je m'ennuyais comme un rat mort.

De plus, je n'étais pas dupe et avais bien fini par comprendre ce qui avait tant motivé mes parents à me faire venir ici. Ce n'était pas uniquement dans le but de prier non, c'était également parce qu'ils s'étaient fixés comme objectif de me faire rencontrer quelqu'un. En effet, j'avais bien vite constaté que je n'étais pas le seul jeune ici. Deux filles appartenant à la communauté se situant à Grenoble étaient également présentes. Elles devaient avoir le même âge que moi et étaient indéniablement jolies.
Néanmoins, je m'étais obligé à rester le plus loin possible d'elles, horrifié à l'idée qu'on puisse vouloir me fiancer à l'une d'entre elles.

Je n'avais d'yeux que pour Louis et cela ne changerait pas.

Par ailleurs, j'étais persuadé qu'ils ne m'avaient présenté ces filles que dans le but de m'intimider. Après tout, je n'avais que quinze ans, j'étais bien trop jeune pour n'être ne serait-ce que fiancé.

Pour être honnête, la perspective d'ouvrir la lettre de Louis le vingt-quatre, jour de son anniversaire, avait été la seule chose qui m'avait permis de tenir. Et maintenant que je l'avais lu, je savais que je ne pourrai pas passer une seule journée sans la relire encore et encore.

Je dépliai la feuille, souriant rien qu'en reconnaissant l'écriture serrée et penchée de Louis. J'avais du mal à me dire qu'en février, cela ferait officiellement quatre ans depuis la première fois où il m'avait envoyé un avion en papier.

Je me rappelais encore de ce que j'avais ressenti lorsque mes yeux avaient rencontré ceux de Louis dans l'église. Déjà alors, je savais que Louis et moi étions diamétralement opposés. Sur le moment, cela m'avait effrayé, parce que c'était ce que l'on m'avait toujours appris : craindre l'inconnu, rejeter ce qui était différent de soi.

Mais j'étais tombé amoureux.

Et désormais, tout ce que je pouvais voir n'était plus nos différences mais au contraire, nos ressemblances.

Et rien que pour cela, je lui en serai éternellement reconnaissant.

"« Même si tu n'es pas là pour mon anniversaire, ce n'est pas grave, parce que je sais que tu seras là pour tous les anniversaires qui suivront et- ».", s'exclama une voix dans mon dos, lisant ce qui était écrit à voix haute.

We Made It [L.S.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant