"Comment ça ?", bafouillai-je, croyant à une hallucination auditive.
"On ne sera partis que le temps d'une semaine, ce n'est rien, approuva ma mère, répétant les mots que mon père venait de dire. Nous partirons dimanche après-midi et reviendrons vendredi prochain. Cette célébration est très importante, tu le sais bien. Nicole et Bastien vont enfin pouvoir prononcer leurs Vœux Définitifs. Nous nous devons d'être là."
Elle voulut s'asseoir à côté de moi sur le canapé afin de me prendre la main mais je prétextai ne pas voir sa main tendue en ma direction, dévisageant alors mon père, mes doigts serrant le livre que je lisais quelques secondes plus tôt.
Ils étaient assez stupides pour croire que l'émotion qui s'affichait sur mon visage était de l'incompréhension, voire de la déception, mais c'était tout le contraire. Un sourire voulut poindre sur mes lèvres mais je le retins à temps, surexcité à l'idée de passer une semaine sans eux à la maison.
"Tu sais bien que nous t'aurions emmené s'il n'y avait pas eu l'école, mon chéri, pas vrai ?", poursuivit ma mère en passant une main dans mes cheveux, me faisant plisser du nez.
Je retins un rictus de douleur. Depuis combien de temps ne leur avais-je pas adressé la parole ? Cela faisait certainement un mois, depuis que j'avais appris l'existence de mes grands-parents, que je les évitais le plus possible. Cependant, j'avais l'impression qu'ils s'en étaient à peine aperçu. Ils ne m'avaient jamais posé de questions, ne me demandaient même plus comment cela se passait au lycée... Depuis quand avais-je cessé d'exister à leurs yeux ? C'était comme s'ils ne me voyaient pas, ne m'entendaient pas, et je me sentis stupide de penser que cela était nouveau.
Mes parents ne m'avaient toujours aimé qu'à condition que je corresponde à l'image qu'ils s'étaient forgés.
"Evidemment, nous avons demandé à Gemma qu'elle puisse te garder pour que tu ne restes pas seul ici.", poursuivit mon père.
"Oui, enfin, principalement le matin avant l'école et le soir. Il est évident que tu continueras à aller au monastère dès ta sortie de cours... n'est-ce pas ?"
Là aussi, je manquai sourire. Depuis un mois, il fallait admettre que je leur menais la vie un peu plus dure. Peut-être étais-je au commencement de ma crise d'adolescence, ou peut-être étais-je tout simplement révolté contre mes parents pour avoir passé l'entièreté de ma vie à me manipuler.
Toujours est-il qu'il m'était arrivé à quelques reprises – pas plus de quatre fois – de ne pas me rendre au monastère, préférant passer du temps dehors avec Louis. Cela avait mis mes parents dans une rage folle, mais je n'en avais eu que faire. Après tout, de nous trois, ce n'était pas moi qui avait quelque chose à me reprocher.
Cependant, cette semaine sans mes parents me paraissait être le graal et je ne devais pas me permettre de les contrarier :
"Oui, je vous promets, j'irai tous les jours au monastère.
_Parfait."
Oui, parfait.
Ma mère me sourit, récupéra le livre de prières que Marie-Christine lui avait prêté, et s'installa confortablement dans le canapé à côté de moi, en ayant déjà fini avec moi. Je revins à la lecture du Horla de Maupassant, livre que nous devions finir de lire avant la fin de la semaine. Mon père quant à lui s'éclipsa, se dirigeant vers la salle de bain, nous laissant seuls.
Soudain, j'eus un flash de lucidité.
Je réalisai alors que nous serions le premier février lundi prochain.
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We Made It [L.S.]
Fanfiction« Secte : Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes. » Il s'agit de la définition officielle, je n'ai pas eu mon mot à dire. Pourtant lorsque j'y pense ce sont bien d'autres t...