Mes yeux s'ouvrirent en grand lorsque j'entendis le parquet de notre dortoir craquer sous le poids de quelqu'un. C'était à peine audible, pas assez pour réveiller qui que ce soit, mais je n'arrivais pas à dormir depuis quelques heures déjà. Il était probablement autour de deux ou trois heures du matin et je n'avais pas besoin de vérifier pour être certain qu'il s'agissait de Louis.
Avec ou sans moi, je savais pertinemment qu'il passait une bonne partie de ses nuits dans l'armoire lorsqu'il devait dormir au monastère. A vrai dire, je n'étais même pas certain qu'il eut un jour passé une nuit entière dans son lit.
Pendant des années, cela avait été sa manière de se protéger d'Éric. Savoir qu'il se cachait dans un endroit que personne d'autre que lui – et moi, désormais – ne connaissait lui donnait l'impression de pouvoir lui échapper, d'avoir le contrôle sur la situation. Et ce constat était si triste que la colère qui grondait au fond de moi jaillit à nouveau, telle une vieille amie.En me tournant sur le flanc, mon regard tomba instinctivement sur lui et j'eus le plaisir de voir qu'il était lui-même en train de me dévisager de là où il était. Seul le clair de lune éclairait son visage, teintant ses yeux bleus de gris, et j'avais l'impression qu'il ressemblait à un ange. Nous nous fixâmes pendant plusieurs secondes, faisant presque abstraction des ronflements d'Isaac et Liam, et il me fit naturellement un signe de tête m'incitant à le suivre. Je me mis alors à sourire, réalisant à quel point sa simple présence m'avait manqué.
La veille au soir, la communauté avait organisé un imposant banquet rien que pour célébrer le retour du berger. Bien entendu, la grande majorité de la nourriture ayant été préparée n'était destinée qu'à lui, signifiant ainsi que quiconque mangeait trop serait puni pour cela. Avant, j'avais tendance à croire que cela allait de soit. Après tout, étant donné qu'il était le seul en lien direct avec Dieu, il me semblait évident qu'il devait avoir des privilèges. Néanmoins, hier soir m'avait dégouté sans savoir pourquoi, c'était juste... Cette espèce de complaisance qu'il avait, comme si tout lui était dû, alors qu'il nous avait toujours appris à nous contenter de peu car le Seigneur n'aimait pas ceux qui vivaient par excès...
C'était peut-être moi qui voyais le mal partout, mais je réalisais bien que je ne lui portais plus le même regard d'admiration. A vrai dire, il m'avait déçu et je n'étais pas certain de pouvoir un jour le lui pardonner. Pire, je n'étais pas certain de vouloir lui pardonner. Cela me faisait mal de m'en rendre compte parce que je savais à quel point il était important pour le Seigneur que nous pardonnions, cependant cela me paraissait au-dessus de mes forces.
Je soupirai en regardant la porte. Cela devait bien faire dix minutes que Louis était sorti, il était temps pour moi de le rejoindre.
Je me levai alors le plus doucement possible et marchai jusqu'à la porte en essayant de faire le moins de bruit possible. Je crus entendre des draps de lit se froisser, comme si quelqu'un s'apprêtait à se lever, et je restai pétrifié sur place. Je tournai la tête en direction des lits, le cœur battant à se rompre dans ma poitrine, et réalisai, soulagé, que ce n'était que Zayn qui venait de se retourner dans son lit. J'attendis alors quelques secondes avant d'ouvrir la porte et de m'éclipser.
Environ deux minutes plus tard, j'étais devant l'armoire. Je l'ouvris sans plus de cérémonie et me rendis compte, attendri, qu'il avait eu le temps de se rendormir. Sa tête penchait sur le côté, son front contre le bois de l'armoire, et sa poitrine se soulevait doucement. Je restai là un moment, n'étant pas certain qu'il fut judicieux de le réveiller.
Cependant, j'avais tant besoin de passer du temps seul à seul avec lui que je ne pus m'empêcher de m'accroupir et de caresser égoïstement sa joue :
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We Made It [L.S.]
Fanfiction« Secte : Groupement religieux, clos sur lui-même et créé en opposition à des idées et à des pratiques religieuses dominantes. » Il s'agit de la définition officielle, je n'ai pas eu mon mot à dire. Pourtant lorsque j'y pense ce sont bien d'autres t...