Chapitre 1-partie1

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Charlotte

Des chuchotements et des gloussements réveillèrent Charlotte, qui feignit de dormir, retenant un sourire.

– Tu crois qu'elle fait dodo ?

– Mais oui, tu vois pas qu'elle a yeux fermés ?

– Si, mais elle fait pas rompich et elle a pas la bouche ouverte.

– On va lui faire des chatouilles. Si elle rigole, c'est qu'elle dort pas.

Charlotte restait immobile, mais ne put contenir un éclat de rire quand deux petites paires de mains lui tripotèrent le ventre.

– Oh ! Mais c'est vous ! Bonjour mes chéris ! Bien dormi ?

– Maman ! Je vais faire pipi et après ze viens te faire un câlin, prévint Hugo.

– Mais Hugooooo !!! Ce n'est pas ça qu'on devait dire, râla Camille.

– Ah oui !

– Joyeux anniversaire mamaaaan !!! Crièrent ses deux têtes blondes avant de s'élancer.

3, 2, 1... Impact.

– Merci mes amours, souffla-t-elle après le choc.

Charlotte regarda son téléphone.

– Vous êtes sérieux ! Il est 7h00, on est samedi et c'est mon anniversaire... Laissez-moi dormir, bougonna-t-elle.

– Mais maman, on voulait être les premiers à te souhaiter un joyeux anniversaire, geignit Camille.

Elle lui fit ses yeux de chaton. Ses belles billes grises et sa petite frimousse eurent raison de son humeur et elle flancha.

– Bien sûr ma puce, tu es la première !

Camille arborait un grand sourire troué. Elle avait encore perdu une dent la veille. Du haut de ses six ans, sa fille ne supportait pas de perdre, que ce soit pour faire son lit, mettre ses chaussures, s'habiller, monter les escaliers... Elle était dotée d'un fort esprit de compétition, doublée d'un esprit de petit chef très affirmé, surtout envers son frère.

– Pourquoi n'iriez-vous pas me préparer un petit déjeuner ? Je viens dans dix minutes.

– C'est moi qui le fais ! déclara Camille.

– Camille, tu me fais une tartine, car tu as le droit de prendre le petit couteau à beurre. Et toi Hugo, tu me sers un jus d'orange ?

– D'accord maman !

Et zou, partis comme arrivés, ses tornades se levèrent et filèrent. Elle souffla et laissa retomba sa tête sur son oreiller. Aujourd'hui, Charlotte avait trente-cinq ans, mais elle pensait parfois en avoir le double. Elle songea à sa vie actuelle en regardant par le rideau de la fenêtre ouverte qui ondulait doucement à la faveur d'une légère brise légère. Le bruissement du frottement des feuilles sur les branchages la berça quelques instants.

Elle réalisa que le silence qui régnait dans la maison était suspect. Un nouveau coup d'œil indiqua que vingt minutes s'étaient écoulées et elle se traina jusqu'à la cuisine. En cette fin août, il faisait déjà vingt-trois degrés, la journée serait chaude.

Se dirigeant vers la table de la salle à manger, Charlotte aperçut ses enfants de dos. Ils avaient l'air très appliqués et complices. Elle sourit. Elle les aimait plus que tout, même s'ils la rendaient folle par moments. Littéralement. Il y avait des jours où elle ne trouvait même plus ses mots. Être la super maman qui s'occupait de ses enfants, de l'école, des activités extrascolaires, des devoirs, des rendez-vous médicaux, de la maison, des factures, du travail... Elle avait l'impression de ne plus pouvoir avancer parfois.

Ils se retournèrent en l'entendant toussoter et Charlotte ne put s'empêcher de rire en voyant leurs frimousses. Il y avait plus de pâte à tartiner sur leurs visages que sur leur pain et des petites traces de chocolat sur le verre de jus de fruits lui indiquèrent que ce grignotage leur avait donné soif. Mais ce fut surtout la belle carte d'anniversaire faite de leurs mains qui la réjouit le plus.

– C'est un super petit déjeuner d'anniversaire ça !

Ils avaient l'air très fiers et son cœur se gonfla de bonheur. Elle répara les tartines de Camille, se prépara un café, remplit à nouveau un verre pour chacun et grilla de la brioche, avec une touche de beurre et de miel pour Hugo. Son fils avait du mal à s'exprimer, mais son petit homme savait ce qu'il aimait !

Elle les envoya ensuite enfiler leurs chaussures, pendant qu'elle portait le plateau chargé vers le jardin, sur la table en fer forgé. Celle-ci était à l'ombre d'un immense magnolia, les protégeant ainsi du soleil. La luminosité était déjà forte de bon matin.

Les oiseaux chantaient et les mettaient dans une ambiance estivale et festive. Même s'ils n'étaient pas partis pendant les vacances scolaires, Charlotte avait fait en sorte que les enfants puissent profiter de l'extérieur après les heures passées à la garderie. Alors, elle avait investi dans une piscine gonflable, une balançoire, des cages de foot, et une cabane cachée sous les lauriers.

Charlotte adorait cette maison. Elle y avait aménagé avec les enfants après son divorce. Une perle rare, à deux pas de l'école élémentaire des enfants et au pied du parc régional de Wildcat.

En effet, la Californie pouvait être très chère, mais son sens du contact lui avait permis de louer cette maison, seule avec deux enfants, grâce à son statut de chercheuse à l'Université de Berkeley, qui avait rassuré les propriétaires. La maison était modeste certes, mais chacun avait sa chambre, un jardin, peut-être un chat dans le futur – Camille était en négociation – et surtout à bonne distance de son travail, lui permettant d'être à l'heure pour la sortie d'école.

Et d'économiser les services d'une nounou.

Les enfants lui offrirent leur carte et un fin bracelet en cuir noir qu'elle s'attacha aussitôt avant de les enlacer très fort pour les remercier.

– C'est papa qui nous a aidés ! avoua Hugo.

Charlotte les rassura sur la beauté du cadeau et tous les trois entamèrent leur petit-déjeuner dans le chahut et en musique, quand son téléphone commença à vibrer. Elle sirota son café noir, tout en regardant les notifications de messages de vœux de vieilles connaissances sur les réseaux sociaux avant de le reposer, indifférente. Ses enfants réclamèrent de se baigner et elle put savourer son nouveau roman, installée sur le transat, ses terreurs à porter à vue.

Elle reçut un texto de Tom, lui souhaitant un joyeux anniversaire, et lui répondit aussitôt en le remerciant pour sa gentille attention puis se décida à bouger. Dommage. Elle se morigéna de travailler si tard pour finir son compte-rendu de son dernier voyage, mais tout le monde allait arriver et rien n'était prêt. À regret, elle se leva et ordonna aux enfants de sortir de l'eau.

– Mais maman ! On s'amuse trop bien !!! Encore cinq minutes. S'il te plaiiiit, pleurnicha Camille.

– Non les enfants. J'ai de la cuisine à faire et je ne peux pas vous laisser seuls sans surveillance.

– Mais je suis assez grande pour surveiller Hugo !

– Ma puce, ce n'est pas ton rôle, tu es une enfant et même si tu es une grande fille, ce n'est pas à toi de faire ça.

Elle était là pour ça. 

Know Your Worth [En ré-écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant