Chapitre 3.1

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Charlotte

Charlotte n'en revenait pas l'avoir embrassé. Elle aurait très bien pu le laisser prendre l'initiative, mais depuis sa discussion avec Marina, ou plutôt depuis le savon que celle-ci lui avait passé sur son comportement avec Lucas, la jeune femme avait décidé de lâcher prise pour la soirée et de voir jusqu'où mènerait son attirance pour lui.

Elle avait une trouille d'enfer. C'était la première fois depuis son divorce qu'elle flirtait ainsi avec quelqu'un. Elle avait bien essayé, mais l'idée d'avoir un contact plus physique avec quelqu'un lui avait toujours fait peur. Elle ne pouvait expliquer pourquoi, mais cette fois-ci, elle se sentait plus détendue avec lui. Lucas avait su la mettre à l'aise sans donner l'impression de se forcer.

Assez pour oser l'embrasser, même si son baiser était resté chaste.

Assez téméraire pour s'exposer à un refus de sa part.

Son cœur battait toujours un peu plus vite que d'habitude au souvenir de ce contact furtif, caressant la lèvre du bout du doigt, identique au geste qu'il avait eu lors de leur danse.

Elle entendit un raclement de gorge et se retourna pour voir Diane, un sourcil curieux levé et Marina, un sourire affectueux. Mais Charlotte avait envie de garder ce moment pour elle, pour l'instant en tout cas. Alors elle coupa court en proposant de dormir sur le canapé, les filles ayant pris un vol ce matin et repartant demain, elles avaient besoin de se reposer et il n'y avait qu'un lit double.

Les cruels rayons du soleil la réveillèrent, un peu trop tôt à son goût, elle avait oublié de tirer les rideaux. Elle mit un peu de temps à émerger. Elle avait un léger mal de tête, grâce aux cocktails d'hier. Mais curieusement, elle ne regrettait rien. Si c'était le prix pour cette magnifique soirée et sa rencontre avec Lucas, cette mini gueule de bois qui martelait son crâne était peu chère payée.

Ses amies toujours dans la chambre, certainement encore endormies, Charlotte resta allongée quelques instants supplémentaires, à songer à la veille et s'interrogea sur la suite à donner.

Si elle avait osé être plus à l'écoute de ses envies, moins bloquée par une quelconque réaction négative du jeune homme.

Si elle avait osé être l'ancienne Charlotte.

Si Lucas était resté passer la nuit avec elle.

Sa rêverie fut interrompue par l'irruption de ses amies. Ce n'était pas plus mal, songea-t-elle avec un pincement au cœur. Elle avait appris à ne pas trop attendre des autres et ne se baser que sur du concret.

Oui, mais dans ce cas, ce ne seraient plus des rêves...

Dans un geste automatique, elle vérifia son téléphone. Sa mère lui avait envoyé un message pour la rassurer. Les enfants avaient bien dormi et jouaient dans le jardin. Elle lui répondit en confirmant venir les récupérer vers dix-neuf heures. Retour à la réalité.

Ce week-end était une très belle et agréable parenthèse. Elle n'était pas triste, mais plutôt réaliste. Elle allait profiter de cette journée avec ses deux meilleures amies avant de retrouver ses enfants, de sa maison, de son travail. Et si Lucas et Adam comptaient vraiment tenir leur promesse de les accompagner à la régate, ce dont elle doutait fort, ce ne serait que du bonus.

Forte de cette résolution, elle se leva et se prépara pour aller prendre le petit déjeuner dehors.

À sa surprise, Lucas et Adam les attendaient à l'entrée de l'hôtel. Elle comprit rapidement que Diane et Adam étaient de connivence.

Lucas de jour était un peu différent de celui de la veille. Il était moins intense, ce qui l'avait intimidée, plus accessible et décontracté. Vêtu d'un pantalon en toile gris clair, d'une chemise en lin blanche et d'une veste de sport noire, elle le trouva sublime, encore une fois. Ses cheveux n'étaient pas bruns, mais plutôt châtains et ses yeux noisette portaient plus sur le vert. Il ressemblait plus à son frère à la lumière du jour.

Ils avaient chacun un sac à dos et tenaient dans leurs mains des sacs qui contenaient de la nourriture et des porte-gobelets avec des boissons chaudes.

Lucas s'approcha immédiatement de Charlotte pour l'embrasser tendrement sur la joue.

– Bonjour, Charlotte, tu as bien dormi ? Je t'ai pris de l'aspirine, en cas de mal de tête.

Sans le bruit de la musique et du brouhaha, elle n'avait pas prêté attention à sa voix. Elle était rauque, mais sans être une voix de baryton, à la fois masculine, mais douce qui, combinée à sa sollicitude, lui procurèrent une sensation instantanée de bien-être. Elle lui sourit.

– Oui, merci. C'est très gentil, mais tout va bien.

– Nous avons pensé vous emmener prendre le petit déjeuner au bord de l'océan. Il fait frais, mais la vue des voiliers avec la brume et le soleil qui se lève en vaut la peine.

Heureusement, ses amies avaient prévu une veste chaude et un jean, connaissant les matins humides, caractéristiques de la ville. Elles acquiescèrent et ils rejoignirent le front de mer au niveau de Rincon park. L'endroit était célèbre pour son arc et sa flèche rouge plantée dans le sol, immense sculpture rendant hommage à l'esprit libre et artistique de la cité. Ils s'avancèrent jusqu'à un ponton, d'où l'on pouvait embrasser d'un regard le panorama dégagé de Bay Bridge à l'île d'Alcatraz. Malgré l'heure matinale, les touristes avaient embarqué sur l'un des ferries qui relaient les deux rives de la baie. La sensation d'humidité était renforcée par la brise qui soufflait et les enveloppait d'une odeur iodée. L'atmosphère était calme, seuls quelques joggers courageux et quelques familles avec des poussettes agrémentaient la sublime vue sur la baie de San Francisco.

Assis sur une table de pique-nique isolée sur un rare coin de pelouse, ils se régalèrent de café, de jus de fruits et de croissants, tout en bavardant légèrement, évitant toute question trop indiscrète ou intime, comme toute distance liée à une nouvelle rencontre l'imposait. 

Know Your Worth [En ré-écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant