Chapitre 18 - Partie 1

31 6 5
                                    

 - Lucas -

On frappa à sa porte et Lucas grogna. Qui pouvait bien venir le faire chier un dimanche matin ? Il n'avait pas envie de se lever. Il était bien là, sur sa terrasse, avachi sur son fauteuil. Il avait misé sur le whisky pour anesthésier le poids et la douleur qui s'était logée dans mon torse depuis des jours. Ou plutôt un mélange de douleur, de colère et de culpabilité.

La douleur de son passé lié à Kristen. Qui l'avait fait replonger dans cette horrible période. Mais qui l'avait aussi libéré d'une partie de sa culpabilité envers Ethan. La souffrance était toujours présente, mais moins oppressante. Et il n'était pas le seul à l'éprouver. Kristen et lui étaient et seraient toujours ses parents et ils partageraient cette peine. Comme Charlie lui avait dit.

Charlotte...

Non ! Il se ressaisit et s'interdit de penser à elle. Il l'avait souffrir par son attitude et ses mensonges. Il ne savait que causer de la peine aux femmes qu'il aimait. Lucas s'en voulait de ne pas avoir pris de nouvelles de Kristen pendant toutes ces dernières années. Peut-être qu'il aurait pu faire quelque chose. Éviter qu'elle ne sombre. Comme elle, il avait sombré dans une espèce de dépression. Qui avait été présent pour Kristen pendant cette période ? Même s'il n'avait parlé à personne de sa détresse, ses parents, Adam, Jake et ses amis avaient été présents, le gardant hors de l'eau malgré lui.

L'ex-couple était allé chez Lucas. Enfin leur ancien lieu de vie. Kristen n'avait pas jeté un œil à la déco et avait filé dans le bureau. Sur le rocking-chair. Seul meuble qu'il avait gardé quand il avait démonté la chambre d'Ethan. Ils avaient déniché ce fauteuil chez un antiquaire et Kristen adorait s'y asseoir, la position de l'assise lui soulageait le dos quand le poids de son ventre arrondi lui pesait trop. Elle n'y avait pas mis les pieds depuis les obsèques. Elle s'était écroulée en voyant le meuble et ils s'étaient mutuellement réconfortés. Une fois calmée, elle s'était mise à lui parler. à Ethan. Elle lui avait confia son chagrin, sa colère, les rêves qu'elle avait pour lui. Son épanchement parut l'apaiser. Lui aussi finalement. Lucas ne garderait plus de Kristen uniquement le souvenir de son accusation dévastatrice. Elle l'avait ému et il conserverait dorénavant de la tendresse à son égard.

Ils devaient encore s'occuper de déplacer sa tombe d'ici quelques semaines. Kristen souhaitait garder la tombe ici et il en fut secrètement soulagé. Ethan resterait dans la ville où il devait naître. Elle n'avait pu trouver la force d'y retourner depuis les obsèques et l'avait remercié d'avoir continué à lui rendre visite pour eux deux. Sa visite fut éprouvante mais il avait pu tourner la page. Enfin non, pas tout à fait, il ne pourrait jamais faire comme si rien ne s'était passé. Kristen et Ethan feraient toujours partie de lui mais il avait appris à vivre sans eux. Il comprenait mieux les mots de Charlotte quand elle lui parlait de l'acceptation de son cancer.

Charlotte...

Les coups continuaient de pleuvoir à sa porte. Il entendit crier « Ouvre ta putain de porte North, ou je passe par le balcon mais ce sera pour t'y faire passer par-dessus bord ! ».Diane en mode valkyrie. Lucas avait appris à connaître le tempérament fougueux et protecteur de sa belle-sœur et se demanda quel motif l'amenait à vouloir défoncer sa porte pour l'agresser. Il cria un « Entre, c'est ouvert !» et jura sentir l'immeuble trembler quand la porte d'entrée claqua derrière elle. L'échos de ses pas se rapprochant sonnait comme un compte à rebours avant qu'elle ne lui tombe dessus.

— Je devrais t'arracher les couilles ! Mais pour ça il faudrait que tu en aies ! Hurla-t-elle en se plantant devant lui, les bras croisés.
— Bonjour Diane, je te sers quelque chose à boire ?
— Ne joue pas au connard, ça te va mal.
— Comment tu sais que je ne joue pas, susurra-t-il entre ses dents.
— Un connard ne se saoulerait pas pour noyer son chagrin. Ou sa culpabilité. Ou les deux. Touché.
— Tu sembles t'y connaître...
— Ne joue pas à ça avec moi. Je pourrai te surprendre, susurra-t-elle, les yeux brûlant de colère.
— Putain Diane, tu perds ton temps. Tu ne voudrais pas le passer avec mon merveilleux frère ?
— Non. Tu devrais soigner ça plutôt, conseilla-t-elle en désignant son œil au beurre noir du menton.

Il posa son verre de whisky sur mon œil tuméfié, fruit d'un moment d'égarement lors d'un entraînement de boxe un peu vif que d'ordinaire.

— Voilà ça va mieux. Je peux savoir pourquoi tu es ici ?
Diane s'adossa à la balustrade, prit son verre des mains et le but cul sec. Elle resta silencieuse.
— Chère belle-sœur, crache le morceau... que je puisse terminer cette petite merveille s'il-te-plaît.
— Je suis là pour deux raisons. La première : pourquoi tu n'en as pas parlé à Adam ?
Lucas, surpris par sa question, se contenta d'un répéter.
— Quoi ?
— Ce qu'il s'est passé il y a cinq ans... Pourquoi tu n'en as pas parlé à Adam ? Vous êtes frères, vous vous parlez tous les jours, vous vivez presque ensemble, bon sang ! On dirait des télépathes parfois. Alors pourquoi ? Pourquoi as-tu rejeté Adam ? Adam a aussi perdu ce jour-là. Il a perdu son neveu. Il a cru perdre son frère. Et à son réveil, son frère l'a rejeté. Pas directement, peut-être, mais tu ne l'as pas laissé t'aider. Il en a souffert et continue à en souffrir. Il ne sera pas content de savoir que je te dis tout ça. Mais je le veux heureux et cette histoire est un gros non-dit.

Elle se rapprocha de lui, posa sa main sur mon bras, radoucie.
— Lucas, Adam et toi avez une relation rare. Biologiquement, je n'ai pas de frère, ni de sœur. Mais j'ai deux sœurs de cœur. Elles sont là.
Elle désigna sa poitrine avant de reprendre.
— Même si on ne se voit pas tous les jours. Quand ça va et quand ça ne va pas. Je peux être moi-même avec elles. Et aujourd'hui avec ton frère. Laisse-le être là pour toi. Réfléchis-y, ok ? 

Lucas dessaoula en trente secondes et hocha la tête, muet. Les mots lui manquaient. Il devait parler à Adam de toute urgence. Il voulait protéger son petit frère et à la place, il lui avait fait de la peine. Il se sentait minable à tout point de vue. Il se redressa pour la regarder.

— Pourquoi t'es gentille avec moi ? Tu devrais avec Charlotte au lieu de consoler le gars qui lui a mentit et fait souffrir, non ? cracha-t-il.

Il frappa l'accoudoir du poing, la rage au cœur au souvenir de son attitude désastreuse. La lame brûlante s'enfonçait dans mon torse. La douleur à l'idée qu'il ne la reverrait plus. Son léger accent, ses yeux malicieux, sa bouche, sa peau. Son cœur généreux et infini. Ses enfants. Et c'était entièrement de sa faute. C'était la douleur de son présent. Il se leva pour mettre de la distance et surtout tourner le dos à Diane. Qu'elle ne voit pas sa détresse. Il essuya rageusement ses yeux mouillés en fouillant les placards à la recherche d'une tasse pour se faire un café.

— Lucas...pourquoi tu ne l'a pas contacté ? Elle n'attendait qu'un message de ta part. Tu lui as fait du mal en l'ignorant et je devrais te pendre pour ça. Tu as beaucoup souffert et je suis désolée pour Ethan. Mais pourquoi tu fais souffrir Charlotte comme ça ?

Il avait envie de lui hurler ce qu'il avait sur le cœur. Qu'il ne pouvait prendre soin d'elle, la soutenir dans les épreuves et le quotidien. Ni de ses enfants. Il lui avait caché tout un pan de son passé et Charlotte avait encaissé comme une reine, poussant son empathie et sa gentillesse jusqu'à comprendre ses agissements. Plus elle s'était compréhensive, plus Lucas s'était senti minable. Il avait compris qu'il ne pouvait pas l'homme que Charlotte méritait. Elle était forte, indépendante et avançait malgré les obstacles quand lui plongeait dans la détresse à la moindre difficulté. Il n'avait pas été à la hauteur avec Kristen, pourquoi le serait-il pour Charlotte?

— Non, Diane, s'il-te-plaît, n'insiste pas.
 — Voici la deuxième raison de ma visite : Charlotte ne va pas bien, physiquement. Elle est rentrée dans un piteux état. Pour que Tom-couilles-molles m'appelle, c'est que ça ne va pas. Alors bouge ton cul et va la voir ou sors définitivement de sa vie, mais arrête de jouer avec elle. — Quoi ? s'offusqua-t-il en se redressant.
— Sois l'homme que mérite Charlotte. Sors toi la tête du cul. Alors de t'apitoyer, tu pourrais t'appuyer sur la femme la plus forte que je connaisse. Comme elle pourra compter sur toi quand elle en aura besoin. Un partenaire, pas un mec alpha qui traverse les épreuves les cheveux au vent et le regard vers l'horizon à la recherche de la prochaine bataille. Même Thor a eut sa traversée du désert. Bouge. Ton. Cul.

Elle passa devant lui sans un regard avant de claquer la porte. Diane-la-valkyrie le faisait flipper et lui avait botté les fesses en beauté.

Know Your Worth [En ré-écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant