Chapitre 5.2

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Lucas

Lucas fit craquer sa nuque douloureuse pour se ressaisir.

– Tu es en panne d'inspiration ? se moqua Jake en lui tapant l'épaule en guise de bonjour.

– Salut Jake. Je suis sur le projet Davenport, je ne sais pas trop par où commencer.

– Oui, et le fait que la belle brune que tu mates non-stop sur ton téléphone n'y est pour rien hein ?

– Ok. Charlie me distrait, j'ai hâte de la revoir ce soir.

– Bien, bien. Donc je t'ai trouvé une carotte. Si tu arrives à boucler une ou deux propositions pour Davenport, je te laisse tranquille cet après-midi au cas où tu voudrais partir plus tôt.

– Pfff. Je n'aurais jamais dû te parler de Charlie.

– Vu la tronche d'amoureux transi que tu affiches depuis lundi, tu n'avais pas besoin d'en dire plus... En plus, Adam t'a balancé.

Adam ou la commère. Il lui avait envoyé des messages tous les jours pour en savoir plus sur sa relation avec Charlie, mais Lucas suspectait son frère de s'intéresser à Diane. En toute discrétion, bien sûr.

– Je te rappelle quand tu as rencontré Ally ? Tu agissais comme un débile, tu la suivais partout.

– Oui carrément. Et maintenant je suis marié à la femme de ma vie et je suis papa.

Lucas se crispa. Il savait que Jake ne voulait pas l'offenser. Pourtant, certains mots le renvoyaient toujours à une vie qu'il n'avait pas pu avoir. Et c'était sa faute.

– Désolé mec, je ne voulais pas, s'excusa Jake immédiatement.

– Ça va. Va me chercher un café plutôt, pour le moment tu ne me sers à rien.

– Et je t'emmerde, ajouta-t-il en levant son majeur avant de repartir en ricanant.

Il entendit « Au travail North ! » et se remit à ses dessins avec un peu plus d'entrain. Malgré ses efforts, ce fut seulement en milieu d'après-midi qu'il traça deux projets complètement opposés.

Davenport, leur futur client, voulait rénover un vieil entrepôt près de Montara.

Il s'était déplacé jusqu'à cette ville côtière du sud-ouest de la baie pour s'inspirer et proposer au mieux un projet qui s'intégrerait dans le paysage. La localité était célèbre pour son phare, aujourd'hui fermé, mais aussi pour son architecture avant-gardiste des années 1960. Ce ne serait pas facile, toutefois il prit le risque de travailler sur quelque chose qui se distinguerait.

Lucas avait planché sur un bâtiment naturaliste, simple, avec des bardages en bois traité contre les caprices de l'océan et des pierres blanches et grises, plus haut que la structure actuelle, mais plus étroit pour aménager un espace vert autour de l'immeuble. Les étages s'imbriqueraient en quinconce, libérant de l'espace pour des terrasses sans vis-à-vis, ni chevauchement. C'était une proposition audacieuse, à contre-courant des édifices urbains à proximité. Il mettrait en valeur l'originalité de l'œuvre dans le paysage.

Le second projet était plus moderne et classique, sur une base industrielle, pour garder la structure de l'entrepôt, mais en transformant les murs en verrière avec de belles hauteurs, des grandes vitres pour agrandir l'espace.

Les deux projets seraient bien entendus équipés des dernières normes écoénergétiques et seraient ajustés par la suite en fonction du choix du client.

Il prit ses croquis, satisfait de son travail, et se dirigea vers le bureau de son associé.

– J'ai fini, chef.

Jake leva la tête en souriant, jeta un œil aux planches, le félicita et lui souhaita un bon week-end. Lucas boucla son sac à dos et s'empressa de rejoindre son appartement pour préparer sa journée avec sa belle Charlie.

Le lendemain, Lucas arriva en avance, et fit un détour à l'épicerie. Charlotte vivait à San Pablo, au fond d'un quartier calme et arboré, aux pieds d'un parc.

L'endroit idéal pour une famille.

Sa voiture était devant la maison au bardage rouge et il gara sa moto à côté. Il récupéra ses affaires et frappa à la porte.

– J'arrive !

Son sourire fut la première chose qu'il vit. Un peu intimidée, elle se mordillait l'intérieur de la joue, tordant sa bouche.

– Salut toi, ajouta-t-elle.

Puis elle recula pour le laisser passer. Elle rayonnait dans sa longue robe jaune. Le tissu lui frôlait les genoux et le boutonnage de son corsage s'arrêtait au niveau de ses cuisses. La couleur du tissu rehaussait son teint déjà doré.

Elle était à peine maquillée et sa crinière mousseuse laissait apparaitre de grandes créoles. Elle était pied-nus, ses orteils colorés et son tatouage apparent. Elle lui fit penser à Salma Hayek dans le film « Desperado ». Elle était une flamme, et lui un papillon irrésistiblement attiré par sa lumière et sa chaleur.

Quitte à s'y brûler les ailes.

Il referma la porte derrière lui, posa ses affaires et glissa ses mains sur ses reins, impatient de l'enlacer. Il huma son parfum si féminin et une sensation de chaleur envahit son torse.

– Salut, toi.

Il l'embrassa doucement. Il prenait sur lui pour ne pas lui sauter dessus et la dévorer. Il avait faim d'elle, il voulait la goûter, la savourer, découvrir ce qu'elle aimait. Quand elle se haussa sur la pointe des pieds pour se coller à lui et nouer ses bras autour de son cou, il ne tint plus et plongea sa langue dans sa bouche en grognant quand il l'entendit gémir.

Bon sang, ils n'allaient pas faire ça dans l'entrée !

Sa main agrippa le bas de sa robe pour dévoiler sa cuisse et l'enrouler sur sa hanche. Puis il coula sa main le long de sa peau douce et chaude jusqu'à ce que ses doigts rencontrent la dentelle soyeuse de son tanga. Ses terminaisons nerveuses le picotaient, comme électrisées par le contact de l'épiderme de la jeune femme. Il enserra sa fesse un peu plus fort et en réponse elle lui tira les cheveux en lui mordant la lèvre.

– Tu m'as manqué, avoua-t-il en riant.

– Je vois ça.

Elle gardait les yeux fermés, la tête en arrière, la gorge offerte.

Il avait envie de profiter de ce cadeau, mais il prit sur lui pour être raisonnable. Il déposa un léger baiser sur sa bouche avant de récupérer les courses pour les porter à la cuisine ouverte. En passant, il observa le salon, et surtout les photos des enfants sur les murs. Deux têtes blondes. La fillette avait les traits de sa mère, mais ses yeux étaient clairs. Gris peut-être ? En revanche, le petit garçon avait son regard, d'un brun chaud. Sur l'un des clichés, la fillette entourait les épaules de son frère qui tirait la langue.

Un merveilleux mélange de leurs parents, songea-t-il avec émotion.

On pouvait déjà deviner les caractères, ce dont il fit part à Charlotte, qui confirma.

Des chaussures traînaient, jetées en vrac depuis l'entrée, une chaussette sous une chaise, des peluches sur le canapé et des crayons de couleur sur la table. Elle s'excusa du désordre, car elle n'avait pas eu le temps de ranger. Mais cela ne le gênait pas. Il n'allait surtout pas reprocher à Charlotte de laisser ses enfants s'épanouir. Il était ordonné - c'était Adam le bordélique - mais pas maniaque.

Cette maison vivait, tout simplement. 

Know Your Worth [En ré-écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant