Know Your Worth [En ré-écriture]

Chapitre 24

- Charlotte -

Charlotte était fatiguée, inquiète et l'anxiolytique combiné à son verre d'alcool - une très mauvaise idée - l'avait désinhibée quelques heures, mais le retour à la normale ne lui plaisait pas. Elle songea à sa discussion avec Tom, au cours de laquelle elle lui avait avoué avoir accepté sa relation avec Jenna dorénavant, malgré ses a priori. À la place de s'en réjouir, il s'était raidit et lui avait demandé des nouvelles de son état de santé et pourquoi Lucas ne la pressait pas dans ce sens.
Cela la ramena à ce qu'elle venait de lâcher, un peu malgré elle.
Je ne pourrai peut-être jamais te donner d'enfant.
Chaque mot prononcé lui brûlait la gorge. Sa langue était lourde et son buste plombé par tout le chagrin qu'elle éprouvait pour Lucas.
Il ne semblait ni triste ou en colère tandis qu'elle ne ressentait que mélancolie et agitation face à ses aveux récents. Le travail avec sa mère portait ses fruits dans l'accompagnement de son deuil. Ça la rendait d'autant plus émotive de savoir qu'elle ne pourrait lui faire revivre la même chose. La paternité.

- Que veux-tu dire ? se cantonna-t-il de demander.
Il la retourna, mais Charlotte garda la tête baissée.
- Charlie, regarde-moi s'il te plaît, supplia-t-il.

Son cœur se fendit. Il ne méritait pas ça. Il lui fallait une femme plus jeune et bonne santé, capable de le rendre heureux, de lui donner des enfants, de vieillir avec lui. Elle leva les yeux vers lui et la chaleur, l'amour qu'elle lut dans son regard l'enveloppèrent. Hélas, ce n'était qu'une illusion. S'il s'avérait qu'elle était en sursis, il resterait par devoir envers elle. Ce n'était pas ce qu'elle lui souhaitait. Elle avait eu un merveilleux moment d'égarement à l'heure, mais c'était terminé.
Lucas prit délicatement son menton entre son pouce et son index pour la forcer à lever la tête. Ses iris noisette vibraient de sincérité et de détermination.

- Je ne t'aime pas pour ta capacité à me donner des enfants. Je t'aime, toi. Pour le meilleur que tu me fais ressentir. Et si nous ne pouvons pas en avoir, nous aviserons. Pour être honnête, je ne suis pas sûr d'être prêt à en avoir d'autres, et tu sais pourquoi... Par contre, pourquoi tu dis que tu ne pourras pas, au lieu de « voudras » pas. Les traitements ont eu des effets ?

Charlotte n'arrivait pas à parler, rendre réelle cette peur qui était tapie dans le creux de son ventre. Qui n'attendait que de pouvoir s'évader pour l'envahir complètement et la couler, l'entraîner dans son désespoir. Le discours de Lucas lui donnait envie de partager ce fardeau avec lui. Elle avait l'impression de pouvoir se confier à lui sans devoir affronter un quelconque jugement. Elle était fatiguée de toujours lutter seule.
Une sensation de vertige, comme avant de sauter dans le vide, la saisit. Charlotte inspira longuement, lui prit la main pour la guider sous sa robe, contre ce morceau de peau couvert par le pansement. Il la regarda, interrogateur, puis en palpa avec douceur le contour. Elle le laissa comprendre par lui-même.

- Tu ne t'es pas fait mal, n'est-ce pas ? Ce n'est pas juste un bobo, hein ?
- Non. J'ai eu une biopsie il y a deux jours.
- Tu as eu une biopsie, répéta-t-il d'une voix neutre.
Elle hocha la tête, muette.
- Tu as mentionné une coupure au labo quand je suis venu te chercher pour notre ballade, constata-t-il pour lui-même. Comment te sens-tu ?

Charlotte fut ébranlée par sa question. De toutes les interrogations que Lucas pourrait avoir, il s'inquiète de son bien-être.

- J'ai peur, avoua-t-elle dans un élan d'honnêteté.
- Je ne sais pas quoi te dire ma puce. Je voudrais tellement t'aider. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
- Je ... je ne sais pas. J'essaye de rester occupée pour ne pas y penser. Le problème est que je suis déjà passée par là et que je ne sais pas ... si ... j'aurai la force de ..., balbutia-t-elle.
- Le refaire ? compléta Lucas.

Elle acquiesça, à court de mots. Il lui fallait surtout avoir les résultats et un plan d'attaque sur lequel se concentrer.

- Laisse-moi rester avec toi, continua-t-il. Tu n'es pas toute seule, ok ? Oui je te vois venir, tu l'as déjà fait une fois. Cette fois, tu n'as pas à traverser à nouveau ça en solo. J'imagine que tu n'en as parlé à personne... quand penses-tu avoir les résultats ?

Plus tôt dans la soirée, Charlotte avait tout avoué à Diane et à Marina. Après une réaction vive de la part de l'artiste, elle l'avait regardé droit dans les yeux pour déclarer "J'ai foi en toi, Charlie. Je voudrais que tu aies foi en toi aussi. Quels que soient les résultats."

- D'ici quelques jours...
- Bien, on va tâcher de te garder occupée d'ici là, si tu m'autorises à rester, lui sourit-il timidement.

Charlotte hocha de la tête, heureuse du dénouement de la soirée.