Charlotte
Charlotte descendit de la voiture et s'attarda sur la vue époustouflante qui s'offrait à elle.
– Holala, je suis gâtée les filles. Merci, merci, je vous adore, remercia-t-elle, gênée. Je n'imagine même pas le tarif de telles prestations.
– C'est un cadeau groupé avec ta mère et tes frères.
Elle se dépêcha de prendre quelques clichés du bâtiment et un selfie, puis envoya la photo à la messagerie de la famille pour les remercier.
Bras dessus dessous, elles entrèrent et se dirigèrent vers l'accueil. Après leur avoir remis peignoirs et serviettes, l'hôtesse les guida le long d'un couloir et les installa chacune vers une cabine. Charlotte se changea rapidement, en tournant le dos à la masseuse, désireuse de cacher ses cicatrices, avant de s'allonger sur la table. Quand elle en ressortit, Charlotte se sentait détendue, un peu groggy même, avec une peau de bébé. Objectif atteint.
Elle rejoignit Diane et Marina, qui affichaient un air de béatitude similaire.
– C'était une pure idée cet après-midi, les filles. Je ne sais pas comment vous remercier.
– Oh, mais ce n'est pas fini, ma poulette, sourit malicieusement Marina. Tiens, c'est pour la suite du programme.
Elle lui tendit un sac, griffé à l'effigie de la boutique dans laquelle elle travaillait.
Charlotte l'ouvrit et vu qu'il contenait un haut à fines bretelles noires en soie avec des empiècements de dentelle. Il y a aussi une jupe à sequins assortie, un perfecto en cuir de la même couleur, des escarpins vernis ainsi qu'une pochette. Elle les regarda, interrogative.
– Ma belle, c'est ta journée, on veut te montrer que, même si tu as traversé des épreuves terribles, tu es toujours une femme magnifique, qui mérite de retrouver foi en la vie, en l'amour, déclara Marina.
– Et une bonne partie de sexe ! clama Diane, les faisant rire.
La gorge nouée par l'émotion, elle prit le sac et repartit se changer. Elle commença à stresser un peu. Allait-elle rentrer dans ces bouts de tissus ? On allait voir sa cellulite, son ventre.
Elle inspira un coup et enfila la jupe. Surprise, elle se sentit bien dedans. La coupe tombait au-dessus des genoux, pas trop relevée, et le tissu était confortable. Maintenant le haut. Il semblait plutôt fluide et ne moulait pas. Les bretelles étaient fines et le décolleté profond, jusqu'au creux des seins, mais quelques empiècements de dentelle couvraient cette zone, suggérant plus que ne dévoilant. Le contact délicat de la soie était très agréable, elle qui ne supportait plus certaines étoffes sur sa peau fragilisée et irritable.
En revanche, pas de possibilité de soutien-gorge. Ce serait la première fois qu'elle n'en mettrait pas depuis ses opérations. Elle s'observa dans le miroir. L'esthéticienne avait fait des merveilles. Son teint était lumineux. Le fard cuivré soulignait ses yeux bruns et le voile brillant sur ses lèvres finalisait son maquillage. Prise d'audace, elle détacha ses cheveux, envoya un baiser à son reflet, enfila les escarpins et ressortit pour subir le verdict final.
Marina et Diane se relevèrent en la voyant revenir, tout sourire.
– Fa. Bu. Leuse. Y'a pas d'autres mots. Je te retrouve enfin ma belle, avoua Marina, émue.
– Je ne sais pas comment vous remercier les filles.
Charlotte bafouilla. Elle se rendait compte de la chance qu'elle avait de les avoir dans sa vie et espérait qu'un jour, elle pourrait leur rendre tout ce qu'elles lui insufflaient.
– Aller, viens ! La deuxième partie de ton anniversaire commence ! annonça Diane en glissant son bras sous le sien et l'entrainant vers la voiture.
Après un dîner chez un Italien dans Mission district, le trio se dirigea vers l'Alambic, un club réparti sur deux niveaux au sommet d'une tour. L'étage inférieur ressemblait à un night-club avec un comptoir central, entouré d'une grande piste de danse. La soirée était à peine entamée, l'ambiance encore feutrée pour permettre aux gens de parler sans hurler. Elle reconnut la musique des Artic Monkeys et Charlotte avait déjà envie de se trémousser.
Elles se dirigèrent vers le bar pour passer commande. Pendant la préparation, elle nota la décoration plutôt moderne et sobre, dans des tons de noir et d'argent, dans un style industriel. Charlotte se retourna pour regarder autour d'elle et aperçut des canapés en cuir, des fauteuils et des guérites, ornées de fausses lampes à pétrole. Même si cela faisait longtemps qu'elle n'était pas sortie, Charlotte se sentit à l'aise tout de suite dans cet environnement. Il n'y avait pas encore beaucoup de monde. Munies de leurs verres, elles s'installèrent dans une alcôve. Charlotte plia ses jambes sur le côté, la jupe remontant un peu trop sur ses cuisses à son goût.
– J'adore cet endroit !! La déco est canon, j'ai hâte d'aller voir le reste de ce Club, s'écria Marina.
La chanson « Wonderwall » d'Oasis résonna et Charlotte chantonna à voix basse. Elle se sentait bien, ce soir. Elle n'était pas une maman, une scientifique, la fille de, pas en rémission. Elle était juste elle, avec ses deux meilleures amies, à boire un verre. Et elle voulait en profiter, car toutes ses responsabilités, ses craintes allaient revenir le lendemain, donc autant profiter de ce répit et cette journée de détente.
Ce soir elle se sentait belle, bien dans sa peau et ça faisait tellement longtemps qu'elle avait envie de savourer cette ancienne version d'elle. Celle qui existait toujours, qui profitait du moment présent, qui ne pensait pas au lendemain, à anticiper tout et pour tout le monde. C'était décidé, ce soir elle était de nouveau cette fille !
Marina et Diane parlaient en se tournant vers le bar, l'air de conspirer.
– Vous avez une cible en vue, les filles ?
– Non ma belle, c'est plutôt toi qui as l'air d'être en vue je dirai, répondit Marina avec un petit sourire.
– Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes encore. Arrête tes conneries.
– Toi arrête tes conneries, s'agaça-t-elle. C'est si impossible que toi, tu puisses attirer l'œil de quelqu'un ?
– Si, on est dans le noir, j'ai toutes mes chances, ricana-t-elle.
– Tu me gonfles Caliméro, s'énerva Diane.
Charlotte lui tira la langue et finit son verre d'une gorgée. Il était bon ce cocktail. Dommage qu'il y en ait si peu.
– Bon, pour me faire pardonner, c'est ma tournée !
Elle se décida à retirer sa veste, plus à l'aise dans la faible luminosité, puis se dirigea de nouveau vers le bar au moment où les premières notes de "Seven Nation Army" des White Stripes résonnèrent.
– Le DJ déchire !
Elle reprit le refrain avec entrain, la tête baissée, n'étant pas à l'aise sur des talons. Ou alors, c'était le verre qu'elle allait bu trop vite.
– Merci.
Elle leva la tête vers cette voix inconnue. Bien sûr, elle appartenait au barman sexy.
So cliché...
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Know Your Worth [En ré-écriture]
Roman d'amourCharlotte Armand incarne la femme forte et indépendante : maman célibataire et chercheuse accomplie, elle semble tout avoir pour elle. Sous cette armure se cachent des blessures profondes - les trahisons de son passé, les cicatrices de la maladie et...