Chapitre 5.3

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Lucas

Charlotte prit son sac dans l'entrée et le posa près du canapé pendant qu'il déballait les courses. Elle sembla apprécier sa surprise de cuisiner, avouant qu'elle n'avait prévu qu'une salade composée, ne connaissant pas ses goûts culinaires. Elle servit une bière à Lucas et une eau gazeuse pour elle puis ils s'installèrent dans le jardin.

Ils discutèrent de leurs semaines respectives. Lucas confia ses doutes et dessins pour le projet Davenport et de la rénovation du futur restaurant d'Adam à Los Angeles.

Charlotte à son tour expliqua que de son voyage en Floride avait pour but de rencontrer une équipe de recherche pour établir une collaboration et aussi visiter des agriculteurs. Il comprit qu'elle avait la charge de la promotion de nouvelles pratiques et de les adapter aux contraintes actuelles de diminution des coûts et de préservation l'environnement. Au travers des projets internationaux, elle était amenée à intervenir souvent dans des pays producteurs tels que le Mexique, le Brésil pour le continent américain. Mais aussi le Kenya pour l'Afrique ou l'Inde pour l'Asie.

Lucas était très impressionné par ce qu'elle faisait, bien qu'il ne connaissait même pas ce métier. Elle était passionnée et transmettait son engouement pour l'agronomie. Il avait envie d'en savoir plus. Elle avait un poste à responsabilités, mais elle mettait beaucoup en avant son équipe, de leur contribution. Il était évident qu'elle avait de l'affection pour eux.

Charlotte lui donna un léger coup de pied, le tirant de ses pensées.

– Je parle trop de mon métier ? J'ai tendance à ne pas pouvoir m'arrêter quand je commence.

Il attrapa son pied nu et dessina du bout de l'index l'arbre encré.

– Non pas du tout. Tu es passionnée, tu adores ton travail. Ça se voit. Je me disais que j'adorais passer cette soirée avec toi. Parle-moi de ce tatouage.

– Je l'ai fait au printemps dernier, je me suis réveillée un matin en me disant qu'il faut savourer la vie, elle est trop courte pour la gaspiller en futilités. C'est un arbre de vie. Pour la symbolique végétale et la renaissance qu'elle offre. Ce sont deux thématiques en fil rouge de mes autres tatouages.

– Tu en as d'autres ?

– Oui deux. Si tu es sage, tu pourras les voir.

Elle lui fit un clin d'œil en rentrant dans la maison. Le soleil était à son zénith, mais la température à l'intérieur était encore clémente. Elle rangeait la cuisine, en silence quand il la rejoignit. Il la retourna et l'enlaça.

– Tu veux une autre bière ? demanda-t-elle.

– Non.

Lucas inclina sa tête pour déposer un léger baiser dans son cou. Elle s'accrocha à ses épaules en frissonnant.

– Tu veux un café ?

– Non, répéta-t-il en léchant sa jugulaire.

Elle frissonna à nouveau en respirant plus rapidement et se tortilla sous ses morsures.

– Tu veux... humpff

Il la coupa d'un baiser.

– Je te veux. Toi.

Elle inspira profondément. Il pouvait sentir sa nervosité, mais il attendait patiemment qu'elle se décide, toujours dans ses bras, la berçant tout en lui cajolant le dos. Il précisa tout de même :

– Bien entendu, tu dois le vouloir toi aussi. C'est ton choix. Si tu ne souhaites pas, ou si tu n'es pas prête, on se cale sur le canapé et on regarde un film. Et tu as envie de plus, mais que tu changes d'avis en cours, c'est Ok aussi.

Elle hocha la tête en lui murmurant un simple « ok ».

Il l'entraîna doucement vers le couloir, lui tenant la main sans pression. Elle lui indiqua sa chambre sur la droite et ils entrèrent dans son espace, son intimité. Son parfum flottait dans l'atmosphère. C'était discret, doux et fleuri. Elle se dégagea de lui pour aller brancher une guirlande lumineuse qui les nappa d'une ambiance feutrée. Sa chambre était dans les tons blanc et gris clair, avec un grand tapis beige. Elle représentait une partie de la personnalité de Charlotte. Douce, délicate, presque fragile, mais tellement féminine. Un amas de bouquins posés au sol près de la table de chevet était le seul élément de désordre.

– C'est mon cocon, ici.

Elle tordait ses lèvres, comme si elle était désolée, en croisant ses bras.

– Hey ma puce, pas de souci. Je suis heureux que tu acceptes de partager ton intimité avec toi. Je veux juste m'y prendre comme il faut avec toi. (Il la sentit hésiter.) Dis-moi ce qui te tracasse, insista-t-il.

– Je n'ai pas eu... euh...de relations intimes... depuis longtemps. Trois ans, murmura-t-elle en baissant la tête.

Il lui frotta doucement les bras, il avait déjà fait le calcul.

– Tu n'as eu personne depuis ton divorce ?

– Non. Même avant en fait... la césarienne que j'ai eue pour Hugo a eu un impact sur notre vie de couple... et quand Hugo a eu six mois, on m'a diagnostiqué un cancer du sein.

Lucas se figea, saisi par ses mots. Un cancer, putain.

Et puis elle en parlait avec un tel détachement.

Il avait besoin de s'assoir. Il se doutait qu'elle avait eu une maladie grave, mais n'imaginait pas à ce point. Comme beaucoup de monde, qui n'avait pas été exposé à cela, il pensait que le cancer frappait surtout les personnes plus âgées. Elle n'avait que trente ans et un bébé de six mois à l'époque ! Assis sur son lit, il la prit sur ses genoux et l'enlaça. Comme si c'était lui qui avait besoin de réconfort alors que c'était elle qui avait traversé cette terrible épreuve.

Il sentit toutefois que sa voix était chevrotante quand elle continua.

– Le sein droit. Le cancer était trop avancé et les chirurgiens ne pouvaient pas le sauver. J'ai eu une mastectomie totale. Et un curage axillaire. En gros, on m'a retiré tous les ganglions du bras droit. J'en ai gardé une faiblesse de ce côté-là. Tom n'a pas pu passer outre tout ça et il n'a pas réussi... à avoir de désir pour moi, juste envie de contact, ou même voulu, ou pu, s'impliquer. Ma libido est morte depuis. Tu es le premier pour qui j'ai... du désir, mais j'ai peur. Mon corps est déjà affecté par mes deux grossesses, mais en plus il y a les cicatrices.

Sa voix se brisa de nouveau et le cœur du jeune homme se serra. Elle déglutit avant de rajouter.

– Même si je me suis fait reconstruire il y a un an et demi, je ne suis pas comme les autres femmes que tu as connues, j'ai peur que ça te dégoute.

Il essuya la larme qui échappa sur la joue de Charlotte d'un geste doux. Il avait plein de questions, mais il les garderait pour lui pour le moment, sa priorité était son bien-être. Il prit son menton entre ses doigts pour lui relever la tête.

– Charlie, ma puce, on va faire les choses en douceur. On va à ton rythme et si tu veux qu'on s'arrête, pas de souci. Tu veux prendre une douche pour te détendre ? Et on avise ensuite ?

Elle hocha la tête et le guida à la salle de bain en face de sa chambre, mais posa sa main sur la sienne pour l'empêcher d'allumer la pièce. Il laissa la porte ouverte pour que la lumière de la chambre les éclaire un peu. Il ouvra les mitigeurs et se positionna dans son dos.

– Laisse-moi te déshabiller s'il te plaît. 

Know Your Worth [En ré-écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant