Chapitre 1

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Assise sur mon lit, je regarde mes genoux pressés l'un contre l'autre. Le noir de mon collant recouvrant mes maigres jambes pâles. Je prends une longue inspiration et jette un œil à mon réveil : Il faut que je me lance. Je me redresse et lisse ma jupe avant de passer la porte de ma chambre. J'entends la voix de Libby raisonner depuis le rez-de-chaussée. Elle sermonne mon père sur la tenue qu'il porte. Je lève les yeux et finis par descendre les marches deux à deux pour rejoindre la salle à manger. Je salue ma petite sœur, June, qui termine son bol de céréales. Ses cheveux bruns sont attachés en une queue de cheval haute parfaitement plaquée, je devine que c'est Libby qui l'a coiffé.
— Sympa ta robe, lançais-je en regardant sa tenue bleu et blanche.
Ma sœur me sourit et me regarde de bas en haut, mon col roulé rouge et ma jupe en vinyle font carrément contraste à côté de sa tenue à elle.
— Sympa ton haut, dit-elle sincèrement.
Je le regarde à nouveau, en souriant. Je n'étais pas sûre de le mettre ce matin et pourtant le compliment d'une enfant de sept ans suffit à me rassurer sur mon choix. Libby apparaît dans la pièce, un grand sourire sur les lèvres, son sac à main sous le bras. Elle me reluque et se force à sourire à nouveau.
— Tu es prête Sacha ?
Je sais qu'elle n'aime pas trop mes jupes en faux cuir, mes doc Martens et mes collants noirs. Elle n'a jamais trop aimé mon look tout court de toute façon. « Tu devrais plutôt mettre des choses colorés, avec ton teint de porcelaine et tes cheveux roux, ça rendrait si bien. » m'avait-elle dit une fois. Le pire c'est que je mets des choses colorées, du rouge, du vert, du bleu. Mais je sais très bien que ce sont les collants résilles et les grosses chaussures à plateforme qui la dérangent vraiment. Elle préférerait me voir avec des pulls roses pastels et des pantalons cigarettes gris. Je pense qu'elle s'y fera tôt ou tard de toute façon. Je me contente de hocher la tête en guise de réponse et sors de la salle à manger pour attraper un fruit dans la cuisine. Mon père s'y trouve, en train de finir son café. Il sourit en me voyant entrer dans la pièce.
— Resplendissante, dit-il en m'embrassant le sommet du crâne.
J'attrape une poire et la croque à pleine dents.
— Stressée ? Demande-t-il en baissant ses lunettes de repos.
Je secoue la tête et mord à nouveau dans ma poire juteuse. L'heure tourne et je trépigne, je vais vraiment finir par être en retard. June me rejoint directement, comme si elle avait compris mon impatience.
— On y va ? Demande-t-elle sûre d'elle.
Libby la suit en proposant de nous emmener, ce que je refuse. Ma belle-mère est très sympa (parfois) mais elle roule toujours comme un escargot. Elle insiste tout de même et mon père intervient en disant que ce n'est pas du tout sur sa route et qu'il m'avait promis de me laisser aller au lycée en voiture. Elle se résigne finalement.
— S'il y a quelconque problèmes, vous nous appelez d'accord ?

Elle s'accroupie pour être à la hauteur de ma sœur.
— Je viens te chercher à quinze heure trente ok ?
June acquiesce et ma belle-mère lui dépose un baiser sur la joue. Elle se relève et me tapote sur l'épaule avant de voler un baiser à mon père et disparaître. Je lève les sourcils et expire, laissant deviner qu'elle m'exaspère. Mon père me lance un regard en travers et sourit avant d'ébouriffer mes cheveux.
— Allez, vous n'allez pas être en retard pour la rentrée quand même.
La rentrée. Et pas n'importe laquelle. J'entre dans un nouveau lycée, dans une nouvelle ville. Tout est inconnu pour moi, l'établissement, les professeurs et surtout les élèves. J'y ai pensé tout l'été en me disant que ça serait simple et que je réussirais à m'adapter. Je suis sociable et je n'ai pas peur de l'inconnu. Mais aujourd'hui je déchante un peu. June, elle, se fiche de tout ça, elle est tellement heureuse de rencontrer de nouvelles personnes qu'elle nous harcèle avec la rentrée depuis près de trois semaines. J'ai dû laisser de côté mon ancien lycée, mon ancienne maison et surtout ma meilleure amie : Ellie. Je ne suis qu'à une petite heure de route de mon ancienne vie, mais quand on a dix-sept ans c'est la fin du monde. Tout ça n'était pas vraiment prévu, il y a quelques mois encore je ne voyais mon père qu'un week-end sur deux et la moitié des vacances. Mais ma mère s'est vu proposer une grosse promotion : Chef de son hôpital. Le rêve de sa vie. Elle a longtemps eu du mal à gérer sa vie au travail et sa vie de famille, d'autant plus après sa séparation avec mon père. Évidemment elle a d'abord refusé, elle ne pouvait pas se permettre de passer encore plus de temps à l'hôpital qu'elle n'y était déjà. Mais quand elle nous a fait part de la nouvelle à June et moi avons directement trouvées ça stupide qu'elle refuse. Bon, bien entendu quand on a compris les enjeux que ça entraînait, le déménagement et tout ce qui allait avec ça nous a tout de suite refroidies. Mais on devait un peu penser à notre mère, elle a toujours tout fait pour nous. Et puis notre père est un bon père, ce n'est pas comme si nous étions malheureuses avec lui. Alors nous voilà aujourd'hui, prêtes à faire notre rentrée.
Je suis garée en face de l'école de June, elle est bien plus excitée que moi et ça se voit. Elle vérifie son reflet dans le miroir du pare soleil et me lance un « bonne journée. »
— Quoi ? Tu ne veux pas que je t'accompagnes ?
Elle secoue la tête et lève les yeux.
— Ça va aller Sacha, je suis plus un bébé.
Si, elle n'a que sept ans. Et même si elle en avait vingt de plus elle sera toujours un bébé pour moi.
— Les gens ne vont pas se poser de questions si je te laisse y aller seule ?
C'est une réelle question. Je sais que mes parents ont toujours fait attention à bien paraître devant les enseignants en faisant tout ce qu'ils demandaient et j'ai souvenir que les maîtresses étaient très condescendantes avec les parents qu'elles ne jugeaient pas assez impliqués dans la vie de leurs enfants.
— T'inquiète pas, Libby a fait la pré rentrée la semaine dernière et elle est super copine avec la directrice de l'école.

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