Chapitre 25

40 3 0
                                    

Elle est déçue que j'ai choisi de m'abstenir. Mais je l'aurai regretté et je déteste regretter les choses. Elle me montre son poignet, encore et encore. Super fier de son tatouage. Une toute petite boussole sous laquelle il y a écrit « You are your only limit ». 100% Daisy.
— On rentre ? Demandais-je.
Il est presque dix-neuf heures, l'hiver arrive et les journées sont plus courtes. La nuit ne va pas tarder à tomber et je dois prévenir mes parents si je ne rentre pas pour manger.
— On ne va pas finir cette super journée si vite quand même, lance Daisy triste.
J'aimerai lui tenir tête mais je n'ai pas envie non plus. Je me sens tellement bien et j'ai peur de ne pas pouvoir passer un moment aussi intime avec elle avant un moment.
— Ok, j'envoie un message à mon père pour lui dire que je ne rentrerai pas tout de suite.
Elle saute de joie et dépose un baiser sur ma joue pour me remercier. Je passe ma main à l'endroit où ses lèvres viennent de se déposer puis ferme les yeux. Amies on a dit qu'on était amies.

Nous sortons du centre commercial pour trouver un endroit où manger. Je n'ai aucune idée d'où aller. Et je n'ai pas vraiment d'envie particulière. Je me contente de suivre Daisy qui marche sur le bord du trottoir.
— Tu vas tomber, prévins-je.
Je lui dis ça parce que je sais très bien que si je m'aventurais sur le bord du trottoir comme ça je tomberais. Elle se tourne et me pointe du doigt.
— Tu sais que tu parles à une ancienne gymnaste là.
Non je ne le savais pas mais chaque fois que je découvre une nouvelle partie de toi, de ce que tu es, ce que tu aimes j'ai encore plus envie de te connaître, de te toucher.
Je grimace. Tais-toi Sacha. Arrête de penser à ça, tu te torture toute seule. Nous finissons par nous arrêter à un vendeur de nourriture à la sauvette.
— Hot dog ? Proposais-je.
Daisy hoche la tête. Nous avons demandé deux hot dog à la moutarde. Je donne un billet à l'homme qui nous souhaite bonne soirée. Nous marchons à travers la ville l'une à côté de l'autre. Le soleil se couche et il fait un peu plus froid que tout à l'heure.
— Il y a un parc pas loin, lance Daisy en montrant un coin de rue du doigt.
Je suis son pas rapide, en effet, une grille immense se présente à nous. Daisy pousse la porte et entre. Seuls les lampadaires nous éclairent. Nous marchons sur le chemin de pierre jusqu'à trouver un banc où nous installer. J'entame enfin mon hot-dog qui heureusement est toujours assez chaud. Daisy déguste le sien aussi, si bien que la moutarde en sort et lui laisse une belle trace au coin des lèvres.
— Tu ne sais pas manger, dis-je en passant mon pouce au coin de sa bouche pour l'essuyer.
Elle déglutit, me regardant droit dans les yeux.
— Je passe vraiment un super moment, avoue-t-elle soudainement.
Je finis rapidement mon hot dog et réalise que j'aurai dû aussi prendre quelque chose à boire.
— Moi aussi, répondis-je simplement.
Je pense à Arthur et me demande si elle est comme ça avec lui aussi. Je me demande ce qu'il se serait passé si elle n'était pas amoureuse de lui. Je n'arrive pas à détacher mon regard du sien même si je sais que c'est perdu d'avance. Et lorsque ses yeux s'attardent sur mes lèvres je sais qu'il faut que je dise quelque chose, que je fasse quelque chose. Alors je me lève et sors mon paquet de cigarette de ma poche pour en fumer une.
— Il fait froid, hein.
Je sais, mais je ne savais pas quoi dire. Daisy avale la dernière bouchée de son hot-dog et frotte ses mains.
— Oui tu as raison, on va rentrer.
Je porte ma cigarette à mes lèvres et met ma main libre dans ma poche. Daisy marche à côté de moi, silencieusement. Très vite nous nous retrouvons sur le parking du centre commercial, côtes à côtes.
— C'était cool, je te dirai ce que mon père a dit pour le tatouage, dit-elle en montrant son poignet.
Je hoche la tête et écrase le mégot de ma cigarette. Je ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. Alors je regarde l'heure sur mon portable et dit qu'il faut que j'y aille. Je monte dans ma voiture et allume directement le chauffage. Je pose mon portable sur le siège passager et démarre la voiture. Il ne faut pas que Libby sente la cigarette. Je fouille dans ma portière et en sort un déodorant ainsi que des bonbons à la menthe. Je suis toujours équipée. Daisy est garée à côté de moi, je la vois écrire quelque chose sur le clavier de son téléphone. Elle n'a même pas allumé le moteur de sa voiture. Mon portable vibre, probablement mon père qui me demande où je suis. Le nom de Daisy apparaît. Je lève la tête vers elle, le portable collée à l'oreille attendant que je réponde.
— Allô ?
J'imagine que quelque chose cloche, que sa voiture ne veut pas démarrer qu'un tueur en série se trouve sur sa banquette arrière...
— C'est mal si je te dis que j'ai envie de t'embrasser ?
Ses yeux traduisent la honte qu'elle ressent à ce moment précis. De faire ça à Arthur, à moi, à elle-même. Elle a honte de ce qu'elle ressent. Ma lèvre inférieure tremble. Je ne sais pas quoi répondre. Si je devais être objective je lui dirai que c'est normal et que ce n'est pas grave. Qu'on a passé un super moment et qu'elle est probablement confuse dans ses sentiments en ce moment. Mais je ne sais pas être objective et je me laisse dicter par mes sentiments plutôt que par ma raison.
— Et si je te dis que j'en ai terriblement envie aussi ?
Elle sort de sa voiture sans prendre la peine de raccrocher. Je laisse mon portable à mon tour et éteins le moteur de ma voiture, j'en sors et retrouve Daisy plantée devant moi. Ses yeux parcourent brièvement mon visage avant de venir coller ses lèvres aux miennes. Mes mains viennent caresser sa nuque, essayant d'imprimer ce moment avec tous mes sens. Malheureusement ce baiser n'est que de courte durée.
— Je suis une horrible petite amie, lance-t-elle les yeux baignés de larmes.
Je sais que c'est égoïste de ma part, mais je n'ai pas envie qu'elle pense à Arthur, je me fiche de lui, de ce qu'il ressent.
— Ce n'est pas vrai.
Elle insiste, faisant un pas en arrière.
— Je l'aime Sacha, je l'aime vraiment.
Ses mots me déchirent tout entière mais je ne peux pas lui reprocher d'être honnête. Je la regarde de haut en bas.
— Et pourtant... Me contentais-je de dire.
Elle se mord la lèvre inférieure.
— Je ne peux pas m'empêcher de penser à toi, avoue-t-elle, depuis la seconde où je t'ai vu Sacha. Tu t'es faufilée sous ma peau, avec tes beaux yeux noisettes, tes cheveux de feu, tes tâches de rousseurs... Tout, tout ce que je vois de toi me rend dingue.
Je déglutis en réalisant que je n'étais donc pas là seule a ressentir tout ça et que je ne suis pas aussi idiote que je le pensais.
— Mais Arthur était là avant, et je l'aime. Même si on n'est pas toujours d'accord, même si on se dispute...
Elle soupire.
— Pourquoi j'ai ce truc qui m'attire vers toi encore et encore.
Elle passe une main dans sa nuque, à l'endroit même où était la mienne il y a encore deux minutes.
— Je ne peux pas jouer comme ça avec vous deux, je n'ai pas envie de vous faire du mal, de m'en faire aussi d'ailleurs.
Elle me regarde, les yeux embués. C'est la première fois que Daisy s'ouvre autant, je pense que ça lui pesait depuis un moment. Une partie de moi est soulagée, ce jour-là quand on a fait l'amour, ça voulait bel et bien dire quelque chose. Je l'avais sentie, c'était trop intense, trop beau pour n'être que du sexe. Elle a simplement voulu éviter toute complication en m'assurant qu'elle voulait être avec Arthur et rien d'autre. Je sais ce que c'est qu'être perdue dans ses sentiments. On reste silencieuse un moment, attendant que l'une de nous brise ce blanc interminable.
— Je vais rentrer, j'ai besoin de réfléchir à tout ça.
Je me contente de hocher la tête, sans rien dire de plus. Elle remonte dans sa voiture et cette fois-ci la voilà partie. Je reste debout à côté de ma voiture, seule, sans bouger.

Ce matin je suis en retard. J'ai oublié de mettre mon réveil et si Libby n'avait pas tambouriné à ma porte je serais probablement toujours en train de dormir à cette heure-ci. Je traverse les couloirs pour trouver ma salle de classe, heureusement je n'ai que quelques secondes de retard. J'ouvre la porte et m'excuse auprès de la prof qui me demande de venir m'asseoir. Je traverse la salle pour rejoindre ma place et pendant une seconde je jugerais que tout le monde me regarde. Je m'assieds et sors de mes affaires. Je dois être parano.
La mère de Félix est partie, il me dit qu'il n'est pas triste mais je sais bien qu'il angoisse. Vendredi c'est les vacances et sa mère ne sera là que pour le week-end. Moi je serais chez ma mère pour la semaine et je ne pourrais pas être là si quelque chose ne va pas.
— C'est moi où les gens te regardent ? Chuchote Félix.
Je regarde autour de moi, deux filles chuchotent en me scrutant.
— J'ai aussi l'impression que c'est le cas.
Pourtant je n'ai pas oublié de mettre mon pantalon. Je sors un petit miroir de mon sac pour vérifier s'il n'y a pas quelque chose qui cloche mais rien. Tout semble plutôt normal.
La sonnerie retentit, je suis Félix jusqu'au couloir sous les chuchotements de mes camarades.
— Mais qu'est-ce qu'ils ont tous ? S'agace mon ami.
Je commence à angoisser, les regards sont braqués sur moi. Daisy est à quelques mètres avec Arthur. Eux aussi me regardent. Comme les autres. Un ami de Félix passe à côté de nous et salue son ami.
— Mec, c'est quoi le problème ? Dit-il en regardant autour d'eux.
Il déglutit.
— On devrait peut-être en parler genre, plus loin.
Félix s'agace encore, insistant.

— C'est par rapport à ta petite copine, dit-il en me lançant un regard en coin.
Félix semble confus avant de se rappeler qu'une grosse partie du lycée pense qu'on est ensemble lui et moi et qu'on a jamais démenti cette rumeur stupide malgré le fait que Félix ne se cache jamais pour flirter avec d'autres filles.
— Et bah ?
Le mec hésite une seconde, me regarde à nouveau et finit par lancer.
— Quelqu'un l'a vu te tromper samedi.
Je sens tous les membres de mon corps se mettre à trembler.
— Qu'est-ce que vous racontez ? Et qu'est-ce que ça peut vous foutre à tous de toute façon ?
Je tire la manche de Félix, lui disant que j'ai besoin d'aller dehors.
— Avec une fille, ajoute-t-il, elle embrassait une fille.
C'est là que Félix comprend. Tout le monde ne gossip pas sur le fait que j'aurai potentiellement trompé Félix mais sur le fait que ça soit avec une fille et que je me serai servi de lui pour me cacher. Félix se tourne vers moi, les yeux ronds.
— On va dehors, insistais-je.
Nous passons à travers les gens sans parler de ce qui va alimenter les ragots stupides sur nous. Mais je m'en fiche. Je me fiche de ce que les gens pensent à propos de Félix et moi. Je réalise simplement que le lycée entier est au courant de ma sexualité et ça c'est la pire chose qui pouvait arriver.
— Je n'arrive pas à respirer, dis-je en tirant sur le bras de Félix.
Je m'assieds dehors, contre le mur du lycée. J'ai besoin d'air, de plus d'air.
—Tout le monde sait, tout ce putain de lycée sait.
Ce n'était pas le moment, je n'étais pas prête. Je ne voulais pas que les gens le sachent. Je me sens sale, comme si tout le monde venait me voir nue. Dans un sens c'était le cas, ils avaient violé mon intimité, ma vie privée, ils n'avaient pas le droit. Pas comme ça. Et si ça revenait aux oreilles de mon père et Libby qu'est-ce que je ferai ?
Mon portable vibre, Félix le prend.
— C'est Daisy, elle te prévient que quelqu'un vous a vue toutes les deux, samedi sur le parking en train de vous embrasser mais qu'ils n'ont reconnu que toi à cause du manque de lumière.
Je tape ma tête en arrière en jurant.
— On s'en tape de ces gens Sacha.
J'essaie d'avaler ma salive, il ne comprend pas, il ne comprend pas parce qu'il ne peut pas comprendre. Mon plus grand secret vient d'être dévoilé à mon insu. Il me dit un tas de choses supposées me remonter le moral mais rien n'y fait. Je n'arrive pas à réaliser que je suis officiellement « out » auprès de tout le monde. Deux mecs s'approchent de nous, amusés. Je m'attends à une blague bien lourde évidemment. Félix est toujours accroupi à essayer de me remonter le moral.
— Eh mec, vois le bon côté des choses, tu pourras faire des plans à trois avec ta meuf et la sienne.
Il éclate de rire et je me mets à fondre en larmes stupidement. Félix se redresse et avant que je ne réalise ce qu'il se passe, je vois son poing atterrir sur la joue du mec en question. Je me lève précipitamment.
— Félix ! hurlais-je.
Il recule, les mains en l'air comme s'il venait de lâcher son arme et crache par terre avant de s'éloigner. Le mec se relève sonner, le nez en sang, me regarde dégoûté et se dirige dans l'enceinte du lycée.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant