Chapitre 37

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Ce soir-là je ne suis pas rentrée de la nuit. Je suis partie assez loin de chez moi en espérant que tous mes soucis s'en iraient en même temps. Je pensais chaque mot que j'ai dit à Daisy. Tout est devenu trop difficile et je ne veux plus rien ressentir. Ni pour elle, ni pour personne d'autre. Ces dernières semaines sont passées à une vitesse monstre. Je n'aurais pas dû me lancer avec Daisy, je n'aurais pas dû parler de ma sexualité. Ni avec Félix, ni avec Nora, ni avec personne. J'aurais toujours Ellie et Lizzie. Le lycée entier ne serait pas au courant de qui je suis avant mon propre père. Je me déteste de m'être laissée croire que j'arrivais enfin à accepter qui je suis. Parce que ce n'est pas le cas. Pas uniquement par rapport au fait que je sois lesbienne. Mais par rapport à tout le reste aussi. Nora a toujours dit qu'elle ne comprenait pas comment je faisais pour garder ce que je ressentais pour moi. Et moi je ne comprenais pas cette manie qu'elle avait de toujours vouloir mettre ses sentiments à plat et de discuter des choses. Maintenant je sais que c'était la chose la plus stupide à faire, parce que ça n'a rien arrangé, au contraire ça n'a fait qu'empirer les choses. Je n'aurais pas dû parler, je n'aurais pas dû m'ouvrir, je n'aurais pas dû faire confiance. J'ai perdu plus que j'ai gagné et je ne sais plus si les choses valent vraiment le coup maintenant. Malheureusement on ne peut pas revenir en arrière, je ne peux pas retirer mon coming out, je ne peux pas, je ne peux pas récupérer ma virginité, ces baisers, ces sentiments que j'ai pour Daisy. Si ça ne tenait qu'à moi, je crois que je préfèrerais ne jamais être née à vrai dire. Je ne m'étais pas sentie aussi mal depuis longtemps, je croyais vraiment que les choses évoluaient, que ça s'arrangeait et que j'allais enfin être heureuse. Mais ça m'est retombé en plein dessus sans que je ne le voie venir. Plus rien n'a de sens.
Daisy a respecté sa promesse. Elle ne m'a pas donné de nouvelles depuis deux semaines. Elle m'a supprimé de tous ses réseaux sociaux et chaque fois que je l'ai croisée au lycée elle a prétendu ne même pas me voir. Ça fait un peu mal mais c'est moi qui l'ai voulu et c'est mieux comme ça. J'ai passé ces derniers jours à me focaliser sur mes devoirs et essayer de joindre Félix sans succès. J'espérais pouvoir lui parler quand son exclusion serait suspendue mais il n'était pas au lycée. Je m'inquiète encore plus, j'en rêve même la nuit. Mais chaque jour je vais en algèbre et la place à côté de la mienne est libre. Ça me fait un sacré vide, lui et puis Daisy aussi. Je me sens comme au premier jour de cours où je ne connaissais personne. Personne ne pose de questions, pas même Arthur, ce qui me laisse penser que c'est déjà arrivé et qui me pousse à croire à nouveau que je ne connaissais rien de Félix.
À la fin du cours madame Wood me demande de rester, je sais que c'est au sujet de mon ami mais je n'ai rien à lui dire, je n'ai sais pas plus qu'elle à ce sujet, je ne lui serait d'aucune aide. La classe se vide et nous voilà toute les deux, face à face.
— Je sais pas pourquoi Félix n'est pas en cours, dis-je simplement.
En vérité, j'ai ma petite idée. Cette histoire de drogue à bien évidemment quelque chose à voir là-dedans.
— Je sais ce qu'il se passe chez lui, dit-elle de but en blanc.
Elle croise les bras, essayant de capter une réaction de ma part. Quelque chose qui trahit le fait que moi aussi, je sais ce qu'il se passe chez lui.
— Je n'ai Félix en cours que depuis l'an dernier, mais je ne suis pas dupe. Je connais les signes.
Je ne réponds toujours pas.
— Je l'ai prévenu plusieurs fois, je lui ai proposé mon aide. Mais il a toujours nié savoir de quoi je parlais.
Du Félix tout craché.
— Mais il y a un moment où ma conscience ne peut plus supporter de fermer les yeux et je vais devoir le signaler.
Peut-être qu'elle bluff, qu'elle dit ça pour que je lui dise quelque chose.
— Signaler ?
Elle hoche la tête, sûre d'elle, elle est très sérieuse.
—Aux services de l'enfance. Si Félix n'est pas en sécurité chez lui, il devra être retiré de chez ses parents.
J'argumente en disant qu'il va bientôt avoir dix-huit ans.
— C'est censé être une raison valable pour ne pas agir ?
Je suis estomaqué, en une phrase elle me renvoie au fait que je suis une amie horrible de l'avoir laissé vivre tout ça en sachant ce qu'il se passait chez lui. Elle a raison, j'aurais dû faire quelque chose à la minute où j'ai su.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant