Chapitre 6

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J'ai essayé de savoir par tous les moyens ce que Félix me cachait à propos de sa relation avec Daisy, mais impossible de le faire parler. Il dit qu'il trouve ça beaucoup trop amusant de me voir imaginer toutes les hypothèses possibles et surtout que je le saurais bien au moment venu. Moi je ne trouve pas ça drôle, au contraire, c'est puéril. Je demanderai bien à Daisy directement, mais je n'ose pas. Alors je me contente de faire du chantage affectif à Félix (ce qui ne fonctionne d'ailleurs absolument pas).


J'attends Daisy, on doit aller réviser chez elle cet après-midi. Je suis devant la grille du lycée à piétiner sur place en espérant apercevoir rapidement une chevelure rose approcher.
Elle est enfin arrivée, elle porte un jean gris, un pull bleu ciel et des baskets assorties. Elle ne passe jamais inaperçue. Je me souviens plus ou moins du trajet, elle me dirige à quelques moments mais nous voilà très vite devant sa magnifique maison.
— J'aurai vraiment aimé que mes parents achètent une maison victorienne, soufflais-je.
Daisy m'explique que c'est sa mère qui adore ce style de maison et son père s'y est simplement accoutumé. Lorsque nous entrons, je remarque que l'intérieur correspond en tous points à l'extérieur. Même si les meubles ne semblent pas dater de la même époque. Daisy me conduit directement jusqu'à sa chambre.
— Je ne devrai pas aller saluer ta mère ?
Elle regarde l'heure sur sa montre.
— Elle ne sera pas à la maison avant deux bonnes heures minimum et mon père c'est pareil.
Daisy me dirige dans la pièce au fond du couloir où une porte peinte en blanc me fait face.
— Vas-y, entre.
Je tourne la poignée et pénètre dans la pièce. Ce qui me marque en premier c'est la lumière. Une grande baie vitrée prend presque tout le mur de gauche. Les murs sont peints d'une couleur vert pâle et les meubles sont presque tous blancs et surtout très modernes. Face à moi, un grand lit deux places avec plusieurs oreillers et un dessus de lit couleur lavande. Et sur les murs : des affiches de films des années 90. À droite son dressing est apparent, on peut y voir une lignée de pulls Adidas de toutes les couleurs et des sneakers parfaitement rangées les unes à côté des autres. Je regarde tout autour de moi, j'ai l'impression d'apprendre de nouvelles choses sur Daisy, d'en savoir un peu plus sur elle. Face au lit, je m'attends à voir une télévision où un bureau. Mais à la place il y a une immense bibliothèque. Je m'approche et regarde toutes les tranches parfaitement alignées. Il y a des auteurs du monde entier, et des livres dont je n'ai jamais entendu parler. Daisy s'approche finalement.
— Moi aussi j'ai déjà lu les Twilight.
Je tourne la tête et sourit à sa touche d'humour. J'ai envie de rechercher des petits détails que je n'aurai pas réussis à repérer encore mais Daisy me signale qu'il faut qu'on se mette à travailler. Elle s'assoit sur son lit et commence à sortir ses notes.
— Tu n'as pas de bureau ?
Elle secoue la tête.
— J'arrive pas à travailler sur une chaise. Et mon lit est bien trop confortable.
Elle tapote sur la couverture pour que je vienne m'asseoir à côté d'elle. Je pose mon sac sur le sol et viens constater ce qu'elle vient de dire.
—Très bon matelas.


La prochaine heure est baignée dans le silence, nous sommes toutes les deux parfaitement concentrées. Nous n'avons que quelques semaines pour faire ce devoir et je devine rapidement que pour Daisy une note moyenne n'est pas envisageable. Puis vient la pause. Enfin. Mon amie me propose quelque chose à boire et s'éclipse de la pièce. Je ferme mon livre et descend du lit pour continuer mon inspection. Je remarque des lunettes sur la table de chevet, juchées sur un livre dont le marque page qui dépasse laisse deviner qu'il n'est pas terminé. Je retire les lunettes et le prends entre mes mains « My Lady Jane » de Cynthia Hand. Je le repose et prend soin de remettre les lunettes à leurs places. Pas que je ne veuille pas que Daisy sache que je suis passé par là mais je sais que je n'aimerai pas qu'on touche à mes affaires et qu'on ne les replace pas correctement. Je m'avance ensuite vers son dressing, je passe mes mains à travers les vêtements. On ne sera définitivement pas le genre d'amies à s'échanger nos fringues. Nos goûts sont carrément opposés et même si j'imagine très bien Daisy dans des collants résilles et des bottines noires je ne me vois absolument pas porter des bonnets gris et des pulls roses. Je m'arrête sur quelque chose qui m'intrigue. Un tissus coloré, très coloré. Je veux dire plus que d'habitude pour Daisy. Je le prends entre mes mains et il se déplie automatiquement. Je reconnais immédiatement le drapeau aux couleurs LGBT. C'est à ce moment que la porte s'ouvre et que Daisy entre, deux verres de jus de fruits dans les mains.
— Sans vouloir te vexer, je suis pas sûre que mes vêtements soient vraiment ton style, me lance-t-elle.
Je réalise que je suis toujours le nez dans son dressing. Je garde le drapeau à la main me demandant comment pouvoir poser la question sans passer pour une idiote.
— T'es gay ?
Super Sacha, la délicatesse ce n'est pas ton fort. Bon c'est sorti tout seul mais au moins c'est direct. Elle sourit et s'approche de moi, elle me prend le drapeau des mains et le replie. Pendant un instant je me demande si j'ai fait une bêtise mais elle n'a pas du tout l'air en colère contre moi. Elle repose le drapeau et se place sur la pointe des pieds pour attraper quelque chose sur l'étagère du haut. Un autre tissus colorés : Rose, violet, bleu.
— Je suis bisexuelle.
Elle me laisse ça entre les mains et retourne s'asseoir sur le lit.
— Je ne savais pas, dis-je comme unique réponse.
Je vois très bien que je n'aurai pas dû répondre ça, c'est carrément la réponse la plus stupide en fait.
— Tu ne m'as jamais posé la question.
Et la sienne est parfaite. Je n'ose plus rien dire et plis simplement le drapeau avant de le remettre maladroitement dans l'armoire et retourner m'asseoir sur le lit de Daisy. De toute façon, il n'y a rien à dire de plus. Daisy aime les filles et les garçons comme un grand nombre de la population. Enfin je connais des gens, quelques personnes. Y'a pas besoin d'en faire tout un plat, d'ailleurs elle n'avait pas besoin de préciser sa sexualité quand on s'est rencontré. Ça m'est égal. Totalement. Ouais, je m'en fou.

Il est presque dix-huit heures quand Daisy bondit de son lit.
— Il faut que je range mes affaires je ne vais pas tarder à devoir partir.
Je fronce les sourcils mais accepte. Je remets mes affaires dans mon sac et me tire du lit. Daisy se regarde dans le miroir et vérifie si ses cheveux sont bien en place. Nous traversons le couloir et nous retrouvons dans l'entrée. Ses parents ne sont toujours pas rentrés et je me demande si c'est avec eux qu'elle a rendez-vous. Je remets mes chaussures et lui demande si elle veut que je l'emmène quelque part.
— Non c'est bon, Arthur passe me prendre.
Arthur ? Ce prénom m'est familier.
— C'est quelqu'un du lycée ?
Elle me regarde quelques secondes pour savoir si je me moque d'elle.
— Arthur Wagner...
Elle voit que je ne suis toujours pas.
— Il traîne en permanence avec Félix, t'as jamais fait attention à leurs petit groupe ?
Je réalise enfin et visualise les personnes dont elle parle.
— Oh ça y est je vois.
Elle hoche la tête et enfile une écharpe.
— Et bah le grand blond, c'est Arthur, mon copain.
Je me stoppe net et fait semblant de ne pas avoir l'air surprise. J'enfile ma deuxième chaussures mais ne peut m'empêcher de poser la question.
— Je ne savais pas que tu avais un copain.
Mon ton n'est pas accusateur, j'ai juste l'impression que Daisy fait exprès d'ommettre des choses sur elle et je ne comprends pas l'utilité. Je sais exactement ce que son frère fait dans la vie, sa matière préférée et les trois auteurs qu'elle trouve les plus médiocres au monde mais elle ne pense pas à me dire qu'elle a un petit ami. C'est le genre de truc dont on parle assez rapidement pourtant.
— Ouais je pensais que tu nous avais déjà vu ensemble ou que Felix t'avait expliqué que c'est comme ça qu'on se connaissait lui et moi.
Non Félix ne m'a rien dit et je comprends mieux maintenant pourquoi ça l'amusait de laisser planer le mystère : Il n'y a rien entre eux, elle est la copine d'un de ses meilleurs amis, c'est tout.
— Et d'ailleurs, entre toi et Félix, il y a quelque chose ?

Je ricane si fort que Félix en serait vexé s'il était là.
— Non, pas du tout.
Elle hausse les épaules, peu convaincue.
— Vous passez beaucoup de temps ensemble, fait-elle remarquer.
Ce serait mentir que dire que Félix n'est pas incroyablement beau et super sympa. Mais il s'est toujours conduit comme un ami envers moi et je ne vois rien de plus avec lui.
— On se dit mercredi prochain alors ? Demandais-je à Daisy.
Elle me sourit sincèrement.
— Sans faute

 Je suis sous la douche, les yeux fermés. La sensation de l'eau sur mon visage. Je revois la chambre de Daisy et je l'imagine, au fond de son lit, lire un bouquin avec un thé chaud. J'aimerai avoir ce genre de passe-temps mais je préfère regarder des vidéos sur mon portable en mangeant des bonbons. Sur mon lit, en pyjama, je traîne sur les réseaux sociaux. Je regarde les nouvelles photos de mes sœurs, les articles que partage mon père, les selfies d'Ellie. Et puis, une photo de Daisy apparaît sur mon fil d'actualité: Une photo d'un gros seau de popcorn devant un écran de cinéma, légender « Petit film du soir #enamoureux » Je clique sur la photo et vois qu'Arthur y est identifié. J'appuie sur son nom et tombe sur son profil. La première photo qui apparaît, c'est lui avec Félix et un autre de leurs amis. Le reste est bloqué. Je glisse dans mes messages et j'écris un petit mot à mon très cher Felix.

 À : Felix. Très amusant de m'avoir fait croire qu'il y avait quelque chose entre toi et Daisy alors qu'elle sort avec Arthur, tu es HI-LA-RANT.

 J'en profite pour appeler ma mère et lui demander si elle sera bien à la maison vendredi soir quand nous arriverons. Elle me répond qu'elle quitte le travail plus tôt exprès et qu'elle sera sur le pas de la porte, impatiente. Je suis surexcitée de rentrer, ma mère me manque énormément. Et si ce n'était pas ma dernière année de lycée j'aurais probablement tenue à retourner chez elle l'an prochain. Entre temps Félix m'a répondu.


De : Felix.
De mon point de vue, ça l'était. Ne sois pas jalouse tu es la seule dans mon cœur.

 J'écarquille les yeux. Est-ce qu'il vient vraiment de dire ça ? Ce n'était pas une histoire de jalousie, loin de là. C'est par principe. Ça doit juste être drôle de me cacher des trucs étant donné que mes deux nouveaux amis prennent un malin plaisir à le faire. Heureusement, il change tout de suite de sujet et je n'ai pas besoin de répondre. Je reçois une photo de lui, face à un immense miroir. Il est torse nu, des bandes autour des mains et un sac de frappe en arrière-plan. 

De : Félix.
 Maintenant laisses moi me concentrer, j'ai un entraînement à gérer.

D'abord je me demande : Qui s'entraîne à cette heure-ci ? Et puis : Wow, Felix cache très bien ce corps parfaitement sculpté sous ses vêtements. Je zoom sur la photo et remarque qu'il sourit dessus, comme toujours. Je descends sur son torse et admire ses pectoraux, ainsi que ses abdos. Je n'ai jamais compris ce qu'on pouvait trouver d'attirant dans des muscles mais là c'est plutôt ce que lui dégage. Je remarque aussi quelques bleus, parsemés un peu partout sur son corps et pense au fait que la boxe est un sport très violent et qu'il doit souvent en voir de toutes les couleurs. Puis je quitte très vite la photo et reprend mes esprits.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant