Chapitre 15

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Je repense à ce que Daisy a dit à propos de sa ressemblance avec sa mère et le fait de vouloir devenir quelqu'un d'autre. J'en ai rêvé tellement longtemps. Encore aujourd'hui si je pouvais me réveiller et ressembler à Nora et June ou même Elizabeth ... Je déteste avoir l'impression d'être le vilain petit canard de la famille. Et je réalise que je ne suis pas la seule. Ça me fait prendre conscience qu'on peut être mal dans sa peau pour un milliard de raisons. Je devrais m'accepter, aimer être différente, être moi. Mais je n'y arrive pas, pas encore.
On a passé encore un moment à s'envoyer des messages avant que je passe à table. Libby est inquiète, elle sait que quelque chose ne va pas. Mais je ne lâcherai pas le morceau, je n'ai pas envie de parler et je ne parlerai pas. Encore moins avec elle. Je fonce à la douche, j'ai besoin d'être seule sous l'eau un moment. Jeudi. Rien de nouveau. Félix m'ignore, c'est déjà mieux que le regard de dégoût qu'il m'a porté hier. Daisy m'a proposé de manger avec elle ce midi, j'ai immédiatement accepté. J'en ai marre de la cafétéria. Et bien que Toby et Anna soient super sympa j'ai toujours l'impression de tenir la chandelle avec eux. Je la retrouve devant un restaurant, tenant la bretelle de son sac à dos. J'écrase ma cigarette et la rejoint.
— Tu sais que c'est mauvais pour la santé, fait-elle remarquer.
Je roule les yeux et sourit avant de jeter mon mégot dans un cendrier. Le restaurant est presque vide, il n'y a qu'une dizaine de clients tout au plus. Daisy sourit au serveur et me propose de m'asseoir près de la fenêtre.
— Tu viens souvent ici ? Demandais-je.
Elle hoche la tête.
— Presque tous les midis en fait.
Le serveur arrive à notre hauteur près à prendre notre commande.
— Euh je n'ai pas eu le temps de...
Daisy me retire le menu des mains.
— Ça sera deux salades océaniques.
Je vois qu'elle aime prendre les commandes.
— Va pour une salade océanique alors, dis-je à l'attention du serveur.
Il s'en va et Daisy me lance un clin d'œil.
— Et si je n'aimais pas les fruits de mer, lançais-je.
Elle pose son coude sur la table et me défie du regard.
— Et bien tu changeras d'avis.
Le serveur amène nos assiettes et Daisy n'attends pas une seconde de plus pour entamer la sienne.
— Bon, tu vas me dire ce qu'il s'est passé entre Félix et toi maintenant ?
Je suis à deux doigts de m'étouffer et prend une grande gorgée d'eau.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
Si elle pose la question c'est qu'elle doit savoir quelque chose.
— Oh pitié Sacha tu...
— Tu avais raison, cette salade est incroyable.
J'essaie de noyer le poisson, mais en vain. Mon amie me lance un regard faussement blasé.
— J'ai refusé ses avances, finis-je par dire.

Ce n'est ni totalement la vérité, ni totalement un mensonge.
— Quoi ? C'est tout ?
C'est sûrement le pourquoi je lui ai mis un vent qui a plus jouer j'imagine.
— Tu vois ça c'est vraiment un truc typique de mec trop fier, non mais je rêve ! T'en vouloir parce que tu n'as pas voulu de lui. Mais qu'est-ce qu'on est ? Des objets ? Je pensais qu'il était au-dessus de ça. Je ne supporte pas les hommes.
J'éclate de rire face à sa colère.
— Mais tu as un petit ami.
Elle sourit.
— Le plus chiant quand on est bi c'est admettre qu'on aime les hommes, plaisante-t-elle.
Elle a carrément rendu la situation plus relaxe.
— Je pensais que Félix était différent, finit-elle par dire.
Moi aussi. Il était le type sympa qui m'écoutait, me guidait et m'a offert son amitié. Et maintenant que je réalise que tout ça n'avait pour but que de me foutre dans son lit. Je suis incroyablement déçue.
— Qu'il aille se faire foutre, tu mérites mieux. Tu ne devrais pas être modeste, tu as le droit de dire non à un homme, tu as le droit au respect. Et s'il ne comprend pas c'est que c'est un abruti fini, tu ne vas pas t'abaisser à ça.
J'aurai besoin d'une Daisy chaque jour de ma vie pour me motiver je crois.
— Je peux te poser une question, dis-je en enfournant ma fourchette dans ma bouche.
Elle hoche la tête.
— Hier, tu as parlé du mal que tu as eu à t'accepter vis à vis de ta mère, de votre ressemblance et tout ça. Comment tu as fait pour changer d'avis ?
Si elle a une recette magique pour ça aussi, je suis preneuse.
— Je crois que j'ai compris qu'à part être moi je ne pouvais pas vraiment être quelqu'un d'autre.
C'est un bon début.
— Et puis j'ai décidé de me référer à des modèles qui me ressemblaient. Regarder les magazines et les actrices des séries américaines n'allaient jamais m'aider à m'accepter. Avec leurs longs cils, leurs peaux sans imperfections, leurs yeux bleu azur et leurs cheveux lisses décolorés. Rien de tout ça ne me ressemblait. J'ai cherché des gens qui me ressemblaient, des gens qui pouvaient m'inspirer de toutes les façons possibles sans que j'aie besoin de changer qui j'étais. Des mannequins, des chanteuses, des actrices, je voulais trouver des femmes dans lesquelles je pouvais me retrouver. Et ça m'a beaucoup aidé.
Elle me parle avec tant de confiance en elle qu'elle arrive carrément à me convaincre.
— Et puis il avait aussi ma tante et ma cousine, du côté de mon père je veux dire. Ce sont des femmes accessibles qui m'ont appris à aimer ma couleur de peau, mes cheveux et tout ce que j'avais toujours eu du mal à accepter. Tu es la seule rousse de ta famille ?
Je mets quelques secondes à réaliser qu'elle m'a posé une question.
— Euh oui, enfin c'est un peu compliqué. Mais disons que oui.
Pitié ne pose pas plus de questions.
— Ne change jamais cette couleur de cheveux ! Me menace-t-elle sa fourchette pointée sur moi. Tu es vraiment magnifique.

Fix meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant