Je n'ai eu aucun mal à me lever ce matin, bien que j'aie eu quelques difficultés à m'endormir. J'ai enfilé ma jupe rouge préférée avec un collant résille et un col roulé noir. Il commence à faire plus froid le matin. Je vais devoir troquer mes jupes contre des jeans ou mettre des collants beaucoup plus épais. J'arrange un peu mes cheveux et ajoute une couche de mascara sur mes cils. Je replie le pull correctement et me voilà prête à partir. Libby me fait remarquer que je suis de très bonne humeur ce matin. Elle ne doit pas vraiment avoir l'habitude de me voir sourire.
— Je rends un projet sur lequel je travaille depuis presque un mois en littérature. Je pense avoir une super note, répondis-je.
Comme s'il s'agissait de l'unique raison de ma bonne humeur. Je prends tellement de temps pour déjeuner que je suis presque en retard.Félix est arrivé avant moi à notre cours d'algèbre. Je remarque que ses bleus commencent un peu à se dissiper et qu'il arbore toujours le même sourire qui me rassure. J'aimerai que sa mère n'ait jamais à repartir.
— Bon, tu vas me raconter, dit-il à voix basse.
Je regarde autour de nous, il y a déjà trop d'élèves pour que je parle de ça maintenant.
— Après le cours, attends-moi dans le couloir.Il lève les yeux, impatient. Madame Wood arrive et commence son cours. Je me plonge dans mon cahier le temps d'une heure.
A la sortie du cours Félix ne me laisse pas de répit, il me tire presque de ma chaise pour m'emmener discuter. Je sors de la salle et fais en sorte que personne ne nous entende.
— On a couché ensemble, dis-je à voix passe.
Mon ami ne comprend pas tout de suite de quoi je parle, il cherche visiblement ce que je veux dire et écarquille enfin les yeux de surprise.
— Qui ? Toi et ... Oh mon dieu.Je lui dis de se taire. Mais il est encore plus surexcité que moi. Il me répète qu'il le savait, qu'il avait senti qu'elle en pinçait pour moi.
— C'était comment alors ?
Je ressens enfin ces papillons dont Ellie parlait quand elle s'est empressée de me raconter sa première fois, tu te sens à la fois gênée et tellement fière.
— C'était plus que du sexe, on était carrément connectées toutes les deux, c'était incroyable, dis-je en souriant.
Félix me demande des détails, il me dit qu'il ne veut pas savoir la partie sexuelle mais surtout comment on en est venu à être nue ensemble sous une douche. Je lui explique que je ne l'avais pas vu venir, que c'était sur le moment, qu'on l'a senti toute les deux.
— Et maintenant, qu'est-ce qu'il se passe entre vous ?
Je hausse les épaules. On n'en a pas encore parlé, je ne l'ai même pas encore vu. Mais j'attends avec impatience de pouvoir la voir. Félix ouvre la bouche, il regarde au-dessus de mon épaule, son visage traduit une inquiétude.
— Si je te dis de pas te retourner tu vas le faire quand même je suppose, grimace-t-il.
Évidemment, je me tourne immédiatement. C'est à cet instant que je comprends ce que signifie la déception. C'est comme si toute les ondes positives de mon corps s'étaient évaporées d'un coup. Daisy est là, dans le couloir, elle marche aux côtés d'Arthur. Il a son bras autour de ses épaules et sourit fièrement. Elle a bien meilleure mine et sourit de toutes ses dents. Je me tourne avant qu'elle ne croise mon regard.
— Je ne comprends plus rien, je croyais qu'ils étaient plus ensemble, dit Félix.
Moi non plus je ne comprends plus rien. Je ne comprends vraiment rien.
— Viens, lui dis-je en partant.
Il me suit jusqu'à la sortie du lycée. Je tourne sur moi-même. Est-ce qu'elle compte lui raconter ce qu'il s'est passé entre nous ? Est-ce qu'elle veut juste attendre un peu ? Félix m'attrape par les épaules.
— Eh calmes toi, dit-il en me regardant droit dans les yeux.
Je prends une longue inspiration.
— Mais je suis calme !
Il ne me lâche pas les épaules.
— Non, t'es en train de hyperventiler là.
Je réalise qu'il a raison mais je ne me calme pas pour autant.
— Qu'est-ce que ça veut dire Félix ?
Il secoue la tête, et me répond qu'il ne sait pas.
— Je pensais qu'elle avait ressenti la même chose que moi, je pensais qu'il y avait eu ce truc, qu'on se comprenait. C'était ne voulait rien dire pour elle alors ?
Il essaie de me raisonner en me disant qu'il faut que je lui parle, qu'elle pourra m'expliquer. Peut-être que je me fais des idées, peut-être que ce n'est pas ce que je crois.
— Oui, t'as raison. Je la vois à la prochaine heure, je vais lui parler.
Je déglutis. Félix passe son bras autour de moi.
— Tout va bien se passer, ok ?
Je hoche la tête, pas si convaincue.Je fais trembler ma jambe, Daisy n'est pas encore arrivée. Je ne veux pas croiser son regard. J'essaie de stopper ma jambe mais je n'y arrive pas. Elle est là, je la vois arriver du coin de l'œil.
— Salut, dit-elle naturellement.
Je réponds de façon presque inaudible.
— J'ai relié notre dissertation, elle fait presque trente pages.
Je ne peux pas faire comme si de rien était, pas tant que je n'ai pas eu une conversation avec elle. Heureusement la prof de littérature commence à parler au même moment. L'appel fait, elle commence à ramasser nos dissertations. Daisy sent que je n'agis pas comme d'habitude, je suis incapable de le cacher.
— Sacha ?
Je tourne la tête vers . Je croise son regard, interrogateur. Pitié dit quelque chose, explique-moi.
— Tu pourras me rendre mon pull avant ce week-end ?
Elle se fiche de moi ? C'est sûr, elle se fiche de moi. Je me lève instantanément.
-— Excusez-moi, je peux sortir quelques minutes je ne me sens pas bien.
La prof soupire mais accepte. Je n'ai pas encore passé la porte que j'entends Daisy demander si elle peut m'accompagner, évidemment on ne refuse rien à la fille du directeur. J'accélère le pas, je ne veux pas qu'elle me rattrape. Je l'entends m'appeler mais je joue la sourde oreille. Je marche plus vite dans l'espoir de trouver les toilettes. Je crois que je l'ai semé. Je m'assieds sur le lavabo et sort une cigarette de mon paquet, la main tremblante. Je l'allume et ouvre la fenêtre. Je n'arrive pas à croire qu'elle ose faire comme si de rien était. La porte s'ouvre. Je me fiche de savoir s'il s'agit d'un prof, d'un étudiant, ça m'arrangerait d'être renvoyée d'ici. Mais c'est encore pire, c'est Daisy.
— Je savais que je te trouverais là.
Je hausse les sourcils.
— Eh bah je suis là.
Elle s'avance prudemment.
— Qu'est-ce qui va pas ?
Je ris nerveusement, je pensais qu'elle était intelligente, je me suis visiblement trompé sur ça aussi.
— Vous vous êtes réconciliés avec Arthur à ce que je vois.
Elle se pince les lèvres.
— Il m'a appelé vers vingt-deux heures, pour s'excuser et me dire qu'il ne voulait pas tout foutre en l'air entre nous.
Je hoche la tête et tire à nouveau sur ma cigarette. Elle s'avance encore.
— C'est pour ça que tu m'en veux ?
Pourquoi j'ai l'impression de surréagir alors que c'est elle qui ne comprend rien.
— Je venais de me séparer de mon copain, j'étais triste. Je pensais que tu avais compris que j'avais besoin d'une distraction...
Une distraction, j'étais une distraction ?
— Ouais, excuse moi. C'est vrai que je ne pensais pas que donner sa virginité à quelqu'un servait de distraction.
Je suis en colère, trop en colère pour réussir à réfléchir correctement.
— Oh je t'en prie Sacha, arrête d'agir comme si tu n'avais pas fait en sorte que ça arrive. Tu ne cessais pas de me bouffer des yeux et ce soir-là quand on s'est embrassés la première fois, j'étais encore avec Arthur et j'ai bien ressentie qu'il n'y avait rien d'amical là-dedans alors que tu savais que j'avais un copain.
Je déglutis. Je ne sais pas quoi dire.
— Donc ça ne voulait vraiment rien dire pour toi ? Assurais-je.
Je la vois hésiter. Félix avait raison, le baiser ce n'était pas rien, on a fait l'amour. Ce n'était pas juste du sexe, pas juste une distraction, je l'ai senti, j'étais là.
— C'était...
Je ne la laisse pas finir, je n'ai pas envie d'en entendre plus, je me sens humiliée.
— Laisses-moi, s'il-te-plaît.
Elle veut ajouter quelque chose, mais j'insiste à nouveau.
— Je te rendrai ton pull vendredi sans fautes.
Elle fait demi-tour et sort des toilettes. Ma cigarette est finie et je me sens humiliée. Horriblement. J'ai besoin d'être seule, de rentrer chez moi. Ne plus jamais sortir. Je prends mon téléphone et cherche dans mon répertoire, je clique sur un prénom et appelle, ça sonne plusieurs fois et décroche enfin.— Allô ?
Je prends une grande inspiration.
— Allô Nora ? Je ne me sens pas très bien.
Je sens les larmes monter.
— Qu'est-ce qui ne va pas ?
La voix de ma sœur traduit toute sa détresse, je ne l'ai jamais appelé dans cet état auparavant.
— Je ... J'ai mal dans la poitrine, je me sens si stupide.J'ai du mal à expliquer ce que je ressens.
— Comme si quelqu'un m'avait piétiné le cœur.
Elle soupire de la façon la plus compatissante qui puisse être.
— Tu vis ta première peine d'amour ? Dit-elle d'une voix douce.
Je hoche la tête en reniflant et prononce un petit « oui ».
— Comment elle s'appelle ?
Je pleure un peu plus en comprenant que ma sœur sait, elle a toujours su. Évidemment.
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Fix me
Teen FictionNora est partie à New-York, Elizabeth est mariée, leur mère est devenue chef de son hôpital et n'est donc presque plus à la maison. C'est alors tout naturellement que le père de Sacha a proposé à ses deux dernières filles de venir emménager avec lu...